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Politique sociale

« Arrêtons la politique de l'autruche !»

Politique sociale | INTERVIEW | publié le : 01.10.2005 | Vincent Nouzille

Lors de votre enquête sur l'exposition des salariés aux produits dangereux, qu'est-ce qui vous a le plus choqué ?

Le grand retard de la France en matière de prévention. La connaissance de la toxicité de nombreux produits manipulés par les salariés est avérée, mais les risques sanitaires encourus sont encore sous estimés. Comme en témoigne le très faible nombre de cancers du poumon reconnus d'origine professionnelle. Alors qu'en dehors du tabac, bien d'autres substances utilisées au travail peuvent déclencher cette pathologie, comme le radon ou le cadmium.

Pourquoi cette prise de conscience est si difficile ?

La santé au travail est encore confinée dans un ghetto de spécialistes ou sous-traitée à des partenaires sociaux peu mobilisés. Les syndicats sont davantage préoccupés par l'emploi, et les entreprises ne veulent guère s'y investir. De plus, les effets de ces expositions sont latents et différés dans le temps (jusqu'à quarante ans pour l'amiante). Résultat, des salariés meurent avant d'avoir eu le temps de faire reconnaître l'origine professionnelle de leur maladie !

Les pouvoirs publics n'ont donc pas tiré les leçons de l'amiante ?

Non. Alors que 60 % des ouvriers retraités ont été exposés à l'amiante, ils ne bénéficient pas de suivi postprofessionnel à l'échelle nationale. Des milliers de salariés continuent d'être exposés aux poussières d'amiante, en dépit de son interdiction fin 1996. La réforme du système, archaïque, de réparation des maladies professionnelles est au point mort. Et, sur les autres cancers professionnels, la politique de l'autruche continue. La prévention est la portion congrue des fonds dévolus à la lutte contre le cancer. Le plan santé au travail de Gérard Larcher tarde à démarrer et l'agence dédiée ne verra pas le jour, faute de moyens. Tout cela risque de se payer au centuple plus tard. L'indemnisation des victimes de l'amiante et leurs préretraites coûtent déjà 1,5 milliard d'euros chaque année et l'addition grimpe…

Propos recueillis par Valérie Devillechabrolle

Auteur

  • Vincent Nouzille