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L'intérim met le cap sur le CDI

Dossier | publié le : 01.06.2005 | C.M.

Si les leaders de l'intérim se démarquent de leur mission classique pour investir le recrutement en CDD et en CDI, ils ne se risquent guère à faire des projections. Ils attendent l'heure des premiers bilans et notamment de savoir si les entreprises sont prêtes à mettre la main au porte-monnaie.

Depuis la fin du monopole du placement de l'ANPE, le secteur de l'intérim est en totale effervescence. Avant même que la loi de cohésion sociale soit définitivement votée, Manpower France avait commencé à communiquer sur le sujet dès décembre 2004. Et, depuis le vote de la loi, la majorité des groupes de travail temporaire ont emboîté le pas, sans pour autant dévoiler leur stratégie. « Nous ne connaissons pas précisément les potentialités de ce marché, mais elles sont énormes. Alors nous nous positionnons, tout en avançant dans l'ombre », reconnaît Olivier Gélis, le directeur général de RHI Intérim, la filiale du groupe Robert Half spécialisée dans les secteurs de la comptabilité et de la finance.

Chez les ténors, la prudence est de mise et aucun ne se risque à faire de projections sur les potentialités du marché. « Dans des pays comme le Royaume-Uni, où Manpower fait déjà du placement et du recrutement, ces activités représentent 10 % du volume de nos marges », explique Jean-Pierre Lemonnier, président de Manpower France. Selon Pierre Fonlupt, le vice-président du Syndicat des entreprises de travail temporaire (Sett), « toute la question est de savoir si, culturellement, les entreprises françaises accepteront de payer pour recruter ».

En matière de communication, un impératif s'impose à toutes les enseignes : se démarquer de l'image traditionnelle de l'intérim et endosser les habits neufs de partenaires du service public de l'emploi. Ainsi, la dernière campagne d'Adecco a pour slogan « Le travail a de l'avenir », tandis que celle de Manpower scande « 100 % de oui pour le travail ». En guise d'arguments, les entreprises de travail temporaire mettent souvent en valeur les conventions passées au niveau local ou national avec l'ANPE, au même titre que leur réactivité et leur connaissance des bassins d'emploi ou des secteurs professionnels d'implantation.

En revanche, les ETT spécialisées, comme Plus Intérim, dédié aux NTIC et au tertiaire, ou RHI Intérim, jouent la carte de l'expertise haut de gamme et misent sur la proximité entre leurs services et ceux des cabinets de recrutement. Ainsi, Expectra, filiale tertiaire de VediorBis, revendique un accueil « de haut standing » dans ses structures. Pour les grands groupes généralistes, positionnés principalement sur les marchés des cadres intermédiaires, des techniciens et des employés à faible qualification, il s'agit de mettre en avant leurs atouts de « multispécialistes » dans le secteur des RH. « Nous voulons être perçus comme des partenaires pour les entreprises, capables d'intervenir dans tous les secteurs des ressources humaines », explique Patrick Desbiolles, responsable du développement commercial pour Adecco France. À cette fin, ce groupe a développé depuis quinze ans des filiales dans la formation, l'ingénierie sociale ou encore l'outplacement, tout comme son concurrent Manpower Inc., qui a racheté le cabinet de conseil spécialisé dans la mobilité professionnelle Right Management Consultants en janvier 2004.

Des groupes très discrets sur les moyens

Peu enclins à communiquer sur les moyens financiers et techniques mis en œuvre, les groupes avancent sur ce marché naissant à petits pas. Manpower, RHI Intérim ou Expectra investiront dans un premier temps le seul segment du CDI. Frédéric Noyer, directeur général de Randstad, se donne six mois pour comprendre le fonctionnement de ce nouveau marché avant d'établir un plan de formation pour son personnel. « Toutes les agences du groupe sont aptes à répondre aux demandes, précise-t-il, mais seulement sept sites feront de la prospection dans des secteurs comme le BTP ou les transports. » RHI Intérim n'envisage pas de formation spécifique pour ses recruteurs, et les techniques et logiciels de présélection utilisés pour l'intérim ont été adaptés à ces nouveaux contrats. Quant à Adecco, il a embauché 80 consultants spécialisés chargés de former sur site les salariés au traitement de ces nouvelles conventions.

« Actuellement nous formons notre réseau à l'écoute et à la définition des profils des candidats, dans un second temps nous spécialiserons des recruteurs dans les grandes agglomérations sur certains marchés », explique Jean-Luc Figarelli, responsable national du placement chez Adecco France. Plutôt que de former son personnel, Manpower a choisi d'embaucher des consultants spécialisés en recrutement pour investir ce marché. Comme ses concurrents, le groupe reçoit ses candidats dans les agences existantes, mais il considère le placement en CDI et l'intérim comme deux activités distinctes.

L'offre commerciale des ETT s'inspire de celle des cabinets de recrutement et les engage à une obligation de moyen à l'égard de leurs clients. En cas de rupture de contrat lors de la période d'essai, elles sont tenues de présenter derechef des candidats sélectionnés pour leurs compétences professionnelles et comportementales. Les sociétés d'intérim ne veulent pas s'étendre sur leurs méthodes de sélection. Seul Manpower communique sur sa technique en sept étapes, qui prévoit notamment un entretien préalable téléphonique avant une entrevue approfondie et la vérification des compétences du candidat. Les groupes de travail temporaire se sont tous calés sur un tarif qui représente entre 12 et 20 % du salaire brut annuel du poste à pourvoir. Un montant variable en fonction de la nature du contrat et du degré de qualification exigé par l'entreprise. Seuls les réseaux spécialisés s'alignent sur les tarifs des cabinets de recrutement et franchissent la barre des 20 % du salaire brut annuel.

Le vivier des intérimaires fidèles

Pour trouver les bons profils de candidats, les spécialistes du travail temporaire envisagent d'utiliser les mêmes techniques de sourcing que celles qu'elles emploient pour l'intérim : petites annonces, échange de fichiers avec l'ANPE ou avec ses filiales, communication interne… Manpower publie en plus ses offres d'emploi sur le site du groupe. Habituées à la gestion d'un turnover important, les enseignes de travail temporaire ne craignent pas de puiser dans leurs effectifs d'intérimaires, comme Adecco France, dont l'ambition est de fidéliser le salarié sur l'ensemble de sa carrière. Creyf's France a créé un nouveau statut pour ses 15 000 intérimaires réguliers, sur un effectif total de 80 000, les « Partner's », qui se verront proposer en priorité les postes en CDI. VediorBis compte également utiliser le vivier des 25 000 intérimaires de son programme de fidélisation Clef, lancé en 2001, pour garantir un recrutement de qualité. Trois mois après l'entrée en vigueur de la loi de cohésion sociale, la majorité des groupes affirment avoir signé déjà plusieurs centaines de conventions de placement, mais aucun d'entre eux ne s'aventure à dresser un premier bilan chiffré.

Enfin, côté syndical, les confédérations se contentent, pour le moment, d'observer la mise en œuvre de la loi. Certes, Yannick Poulain, secrétaire fédéral de la CGT, s'inquiète du poids pris par les ETT sur le marché de l'emploi et « de la discrimination qu'elles opéreront, entre bons et mauvais demandeurs d'emploi ». Mais on est loin d'une bataille idéologique contre l'intérim.

Auteur

  • C.M.