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Ingeus passe son grand oral

Dossier | publié le : 01.06.2005 | S. D.

La société australienne privée s'est engagée à reclasser 6 000 demandeurs d'emploi en deux ans sur des sites pilotes, à Rouen et à Lille. Les volontaires bénéficient d'un accompagnement individualisé pendant dix-sept mois maximum. Facture pour l'Unedic : 26 millions d'euros.

« Nous avons l'habitude de nous comparer à un tandem. Nous sommes deux à pédaler dans la même direction, mais les demandeurs d'emploi tiennent le guidon », raconte Annick Chautard, responsable des opérations d'Ingeus à Lille. Depuis le 17 février dernier, cette société australienne de placement aide 450 chômeurs à retrouver un travail, sur deux sites pilotes, dans le Nord et à Rouen. Dans le cadre d'une convention passée avec l'Unedic et l'ANPE en septembre dernier, Ingeus s'est engagé à reclasser 6 000 demandeurs d'emploi en deux ans, soit 1 500 personnes par région et par an. L'expérimentation couvre neuf antennes Assedic et s'inscrit dans la logique de la loi de cohésion sociale, qui officialise l'ouverture du marché du placement. Préalablement sélectionnés par l'ANPE en fonction de critères d'âge, de qualification, de secteur d'activité, etc., les volontaires bénéficient de l'appui d'Ingeus pendant dix-sept mois maximum (dont sept après la reprise du travail). Une intervention censée faciliter leur retour rapide vers un emploi durable et prévenir les risques de chômage de longue durée. « Nous aidons notre public à franchir le pas qui l'éloigne d'une activité salariée », explique Annick Chautard, qui a été responsable pendant sept ans de la direction des ventes d'Eurotunnel avant de se reconvertir dans les ressources humaines.

Pour chaque reclassement, l'Unedic verse 2 800 euros à l'embauche, puis 300 euros au bout de trois mois et 600 au bout de sept mois, avec un plafond à 4 300 euros. Pour les plus de 50 ans, Ingeus touche 3 000 euros à l'embauche, avec un plafond à 6 000 euros. « Par comparaison, l'accompagnement des chômeurs par l'ANPE coûte en moyenne de 800 à 900 euros », évalue Jean-Claude Quentin, responsable national de l'emploi à Force ouvrière. À Lille, dans des bureaux flambant neufs, 12 conseillers suivent 34 demandeurs d'emploi chacun, bientôt 50. Rien à voir avec l'ANPE, où le rapport d'un conseiller pour 95 personnes est régulièrement dépassé.

Une facture élevée pour l'Unedic

Alors que les conseillers du service public ont du mal à rencontrer les bénéficiaires du Pare deux fois par an, ceux d'Ingeus font le point au moins une fois par semaine. En témoigne Nathalie Fourdin, ancienne secrétaire générale d'une association spécialisée dans le reclassement des cadres seniors, qui dresse le bilan des recherches menées avec une employée de maison. Le tandem est assis côte à côte, dans des bureaux en open space. « Nous avons d'abord envoyé un dossier de candidature aux agences spécialisées dans le recrutement du personnel de maison, explique Nathalie Fourdin. Maintenant, je l'aide à préparer ses entretiens d'embauche et à valoriser son expérience professionnelle. Il m'est arrivé d'accompagner une candidate à son entretien d'embauche pour la mettre en confiance ! »

Dans une salle de ressources équipée d'ordinateurs et de téléphones, les demandeurs d'emploi peuvent consulter les offres et participer à des ateliers de rédaction de CV ou de travail de l'image de soi. Le cabinet de placement revendique près d'une centaine de reclassements, en intérim, CDD ou CDI. Si Ingeus, fort de son expérience dans la réinsertion professionnelle de publics défavorisés en Australie et plus récemment au Royaume-Uni, honore son contrat, la facture pour l'Unedic s'élèvera à 26 millions d'euros. Malgré l'importance des sommes en jeu, aucun appel d'offres n'a été lancé. D'après l'Unedic, l'opération deviendrait rentable si la durée d'indemnisation était réduite de cinq mois. « Ces expérimentations peuvent nous permettre de valider l'intérêt d'un traitement différencié entre les demandeurs d'emploi », analyse Bruno Drolez, directeur délégué de l'ANPE du bassin de Lille.

Un tri sélectif que dénoncent les partenaires sociaux. « Par souci de rentabilité, ces entreprises vont s'intéresser uniquement aux chômeurs immédiatement employables, note Jean-Claude Quentin, de FO. Dans tous les cas, ces expérimentations, au regard des sommes engagées, ne sont pas généralisables à l'ensemble des chômeurs. » Reste à comparer les résultats obtenus par la société privée et l'agence publique. « Pour cela, il faudrait mener une expérimentation en double aveugle et permettre à l'ANPE de travailler dans les mêmes conditions, analyse Jean-Claude Quentin. Lors de l'expérience menée dans l'Ouest francilien par le groupe hollandais Maatwerk, le taux de reclassements aurait atteint 34 % en 2004 sur quinze mois, contre 40 % pour l'ANPE sur douze mois. » Selon le secrétaire confédéral de Force ouvrière…

Auteur

  • S. D.