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Vie des entreprises

GRH plus tonique chez Club Med Gym qu'à Forest Hill

Vie des entreprises | MATCH | publié le : 01.05.2005 | Anne-Cécile Geoffroy

Dans un secteur en petite forme, les deux leaders du fitness se disputent le marché francilien. Côté salaires, horaires ou conditions de travail, les profs ne voient guère de différence. Mais alors que la politique RH est quasi inexistante chez Forest Hill, la filiale du Club Med soigne le recrutement, la formation et se préoccupe du déroulement de carrière.

« Adieu les fesses molles ! » À la veille de l'été, la dernière plaquette du groupe Forest Hill fait mouche. Pour convaincre les Franciliens de reprendre le chemin des salles de sport, le numéro deux du fitness (700 salariés) propose de nouvelles activités dans ses 12 clubs de remise en forme. Pilates, Bodycombat, Bodybalance, ChiBall viennent désormais s'ajouter aux traditionnels cours d'abdos-fessiers, de step et de stretching. Quant à Club Med Gym, le leader du marché avec ses 22 clubs en Ile de France (650 salariés), il joue également la nouveauté à l'approche des beaux jours. Mais dans un registre plus haut de gamme. La filiale du Club Med mise sur la vague « spa et bien-être » en proposant depuis le printemps une brochette d'activités très tendance : aqua-fitness, aqua-slim, aqua-step, aqua-power…

Entre les deux leaders du sport en salle, c'est à celui qui montrera ses muscles pour s'imposer comme l'enseigne de référence sur un marché très concurrentiel et malmené ces dernières années. Principalement composé de petites salles indépendantes et de quelques chaînes, le secteur cherche en effet la solution miracle pour renouer avec le succès. L'âge d'or des années 80, de l'aérobic et des cours de fitness bondés, boostés par les démonstrations dominicales de Véronique et Davina, sur le petit écran, est révolu. Baisse de fréquentation, fermeture de salles et plans sociaux se sont succédé depuis cinq ans. Derniers en date, la Compagnie bleue et l'enseigne Gymnasium ont mis la clé sous la porte, en janvier 2004, laissant sur le carreau des adhérents furieux de ne pas récupérer le montant de leur abonnement et des salariés abasourdis.

Sévère cure d'amaigrissement

Dans le marasme ambiant, le groupe Forest Hill affiche une santé insolente par rapport à ses concurrents. Pas de fermeture de salles au programme et un résultat consolidé de l'ordre de 2 millions d'euros en 2003. Créée au milieu des années 70 par Michel et Guillaume Corbière, l'entreprise est restée une affaire de famille. Depuis l'ouverture de leur premier club, à Vélizy, ils sont devenus les rois du tennis et du squash dans la capitale, se sont imposés dans les secteurs du fitness et des parcs de loisirs en ouvrant, il y a seize ans, le plus grand parc aquatique européen, Aquaboulevard, dans le XVe arrondissement. Les deux frères y règnent en maîtres, allant jusqu'à interdire à leurs salariés, délégués syndicaux inclus, de parler à la presse…

En revanche, leur rival, Club Med Gym, n'a pas été épargné par les difficultés du secteur. Après son rachat en 2001 par le Club Méditerranée, l'ex-Compagnie Gymnase Club a connu une sévère cure d'amaigrissement et deux plans sociaux à Paris et en province. L'enseigne a cédé 12 salles à des exploitants indépendants, supprimé une cinquantaine d'emplois et en a profité pour recentrer l'essentiel de son activité sur Paris intra-muros en conservant un établissement à Saint-Cloud et un autre à Bruxelles. Après cette phase d'amaigrissement, toutes les salles ont été « clubmédisées », repeintes en couleurs vives (jaune, vert et violet), et les Waou, c'est-à-dire les salles haut de gamme, ont été dotées de bars conviviaux. « Nous nous concentrons maintenant sur l'amélioration de l'accueil et des cours, explique Étienne Madelin, le directeur général, recruté en 2002 pour mener la restructuration engagée par la maison mère l'année précédente. L'objectif est de tirer l'entreprise vers le haut et de servir de référence à ce secteur qui ne s'est jamais structuré. »

Une relance qui s'est aussi traduite par la mise en œuvre d'une véritable politique de ressources humaines. « Nous avons renforcé l'équipe RH et nous avons mis en place un service de recrutement confié à un ancien directeur de club qui connaît bien le métier. Nous travaillons également sur la formation continue de notre personnel », explique Boris Pincot, le DRH, venu du Club Med. Début mars, les « conseillers sportifs » ont eu droit à un cycle de formation pour remettre à plat leurs fondamentaux. Plusieurs d'entre eux recourent à la VAE pour obtenir le brevet d'État des métiers de la forme, obligatoire pour exercer. L'Institut des métiers de la forme, l'école de formation interne de Club Med Gym, planche également sur une formation de coach pour les préparateurs physiques qui assurent les cours individuels dans les clubs Waou.

Même régime pour les hôtesses d'accueil, les commerciaux et les directeurs, pris en main par Club Med Université. « Nous sommes en train de passer d'un fonctionnement artisanal à celui d'une PME plus structurée, reconnaît Stéphanie Gérard, secrétaire du comité d'entreprise et responsable du fitness du Club Med Gym de Montparnasse. Mais ces changements ne se font pas sans grincements de dents. Notamment parce que la direction a voulu appliquer les méthodes de management empruntées au Club Med en oubliant un peu vite la culture Gymnase Club. » Les salariés ont ainsi reçu leur livret « Quali-fit », emprunté au « Quali-signs » du Club, un manuel qui codifie le comportement du parfait conseiller sportif à l'égard de la clientèle. « En revanche, ils ne se sont pas empressés de nous accorder les mêmes avantages sociaux que les salariés du Club Med », déplore Didier Desamaison, délégué syndical Unsa Sport et directeur du club de Montparnasse. C'est-à-dire, pêle-mêle, le treizième mois, les tickets de restauration et les réductions sur les séjours.

No man's land syndical

Chez le concurrent Forest Hill, qui a souhaité conserver le mode de fonctionnement d'une PME, les salariés ne sont pas logés à meilleure enseigne. S'il existe une DRH pour les employés de l'Aquaboulevard, elle ne gère pas directement le personnel des clubs de banlieue. Sur le plan juridique, chaque club a un statut de SARL et prend en charge la paie, le recrutement et la formation de ses troupes. « Quand je travaillais à l'Aquaboulevard, la direction m'a proposé plusieurs fois de faire des remplacements dans d'autres clubs du groupe, raconte Martial, conseiller sportif, qui a quitté l'entreprise il y a un an. Mais, à la fin du mois, je devais faire le tour des sites sur lesquels j'étais intervenu pour récupérer les bulletins de paie et les chèques correspondants. »

Si les salariés de l'Aquaboulevard disposent d'un CE et peuvent se faire épauler par des délégués syndicaux, les clubs Forest Hill sont un véritable no man's land syndical. « Sur le site parisien de Forest Hill, les frustrations naissent vite, explique Lucas, ancien salarié du groupe aujourd'hui installé à son compte. Le personnel lorgne les avantages des salariés du parc aquatique, comme les tickets de restauration ou les places de cinéma à tarif réduit. Il n'aspire qu'à une chose : décrocher un contrat Aquaboulevard. »

De manière générale, les métiers de la forme sont beaucoup moins fun que ce qu'en montrent les plaquettes des deux enseignes. Encadrés par la convention collective des parcs d'attractions, les salariés sont soumis aux horaires décalés sans compensation financière. « Que l'on travaille un dimanche ou le 1er janvier, on sera payé au même tarif qu'un autre jour. Et les journées sont longues. Les clubs ouvrent tôt, ferment tard, et la vie privée en prend parfois un coup », explique Philippe, conseiller sportif dans l'un des clubs Forest Hill de la banlieue ouest. « C'est un métier physiquement et psychologiquement difficile. Un job de passionnés. Les profs ne peuvent pas se permettre de montrer de la fatigue aux clients qui viennent dans les salles pour se détendre et se défouler », reconnaît Sophie Sultan, une figure du fitness, coresponsable du Deust des métiers de la forme de l'université Paris XII.

Pour tenir, mieux vaut avoir une hygiène de vie irréprochable. Beaucoup de jeunes recrues l'ignorent, aveuglées par le côté paillettes du métier qu'incarnent les masters trainers, ces pros du fitness qui se produisent lors de grandes conventions sponsorisées par des marques d'équipements sportifs comme Reebook. « Pour peu qu'on ait un peu de charisme, on peut vite se prendre pour une star et faire son show quand on se retrouve sur un podium face à une centaine d'adhérents », avoue Lucas. D'ailleurs, au Forest Hill de l'Aquaboulevard, où les salles peuvent accueillir jusqu'à 140 personnes, la notoriété d'un prof se mesure au nombre de participants aux cours, systématiquement relevé par une « taupe », comme l'appellent les conseillers sportifs.

Mais, derrière leur convivialité et leur bonne humeur apparente, il y a de la rancœur chez ceux qui animent les cours et surveillent les plateaux de cardio-training, car les enseignes offrent peu de perspectives professionnelles à des salariés parfois surdiplômés. Beaucoup sont passés par la filière Staps (sciences et techniques des activités physiques et sportives), qui prépare au Capes. Certains ont même préparé une maîtrise de management du sport. Tous possèdent au minimum le brevet d'État des métiers de la forme.

Les temples de la forme recrutent

Ni Club Med Gym ni Forest Hill n'ont encore formalisé l'évolution professionnelle de leurs conseillers sportifs, pas plus que de leurs commerciaux. Un chantier sur lequel les représentants du personnel de Club Med Gym sont en train de travailler avec leur DRH. « Nous avons besoin d'une grille de lecture claire et cohérente. Aujourd'hui, rien ne différencie un conseiller sportif expérimenté d'un débutant. La rémunération est la même. Difficile, dans ces conditions, de fidéliser les employés », explique Stéphanie Gérard. D'ailleurs, le turnover est élevé dans ces temples de la forme qui recrutent à tout-va. À lui seul, le Club Med Gym a embauché plus de 330 personnes en 2004.

Autre point noir, les salaires ne sont pas mirobolants. À Club Med Gym, où les dernières négociations annuelles ont débouché sur une augmentation de 3 %, les hôtesses d'accueil sont embauchées au smic et les conseillers sportifs à temps plein perçoivent 1 500 euros brut par mois. Les salaires de l'encadrement sont plus confortables. Responsables du fitness et responsables commerciaux émargent à 2 100 euros par mois auxquels s'ajoute une prime en fonction des taux d'abonnement qu'enregistre la salle. Les directeurs d'établissement touchent 3 300 euros avec, également, une part variable. Forest Hill est réputé offrir de meilleurs salaires aux conseillers sportifs, mais le temps partiel est la règle. Et, d'un club à l'autre, les tarifs ne sont pas les mêmes. « À Aquaboulevard, un prof peut toucher jusqu'à 16 euros brut l'heure. Dans les clubs de banlieue, le tarif tourne à 12 ou 13 euros brut », explique Martial.

Profs interchangeables

« Les profs demandent à travailler à temps partiel pour disposer d'une couverture sociale et pouvoir exercer en indépendants ou pour des associations qui paient entre 15 et 40 euros l'heure », décrypte Didier Desamaison, du Club Med Gym de Montparnasse. Dans cette salle, sur 15 conseillers sportifs du club, un seul travaille à temps complet. « Il suffit qu'un prof tombe malade pour désorganiser le planning. J'ai toujours sur moi une tenue de sport afin d'assurer les remplacements », indique Stéphanie Gérard, responsable du fitness.

Même constat à Forest Hill, où les directeurs de club doivent jongler pour organiser leur emploi du temps. « Si l'on veut obtenir un salaire décent, on n'a pas le choix. Il faut se diversifier ou travailler pour plusieurs employeurs, explique Philippe, conseiller sportif chez Forest Hill. Il y a trois ans, j'ai commencé par accepter un contrat de 27 heures hebdomadaires. Cette année, je travaille 18 heures 30 par semaine. À côté, j'interviens dans une petite salle indépendante et je propose mes services à des particuliers pour des séances de coaching à domicile, plus rémunératrices et surtout plus satisfaisantes sur le plan strictement sportif. »

Car, depuis quelques années, les salariés des deux chaînes de fitness ont le sentiment de perdre leur âme. « Au démarrage, les enseignes avaient une belle image de marque. Les profs étaient reconnus pour leur professionnalisme. Maintenant, elles cherchent à faire consommer du sport. En témoignent tous les cours préchorégraphiés qui envahissent les salles et qui tuent la créativité ! » regrette Laurent Regat, 59 ans, trésorier du comité d'entreprise du Club Med Gym et conseiller sportif dans les clubs de Monceau et Vaugirard.

Forest Hill utilise des cours conçus pour la plupart en Nouvelle-Zélande que les conseillers sportifs découvrent par vidéo. « Les clubs reçoivent une nouvelle chorégraphie tous les trois mois. Les adhérents adorent ces cours de body training system. Qu'ils soient à Londres, Paris ou Bruxelles, ce sont les mêmes cours, avec les mêmes musiques et les mêmes gestes. Pour le club, c'est plus facile à gérer. Les profs sont interchangeables », estime Lucas. Au risque de décevoir les jeunes, qui sont encore fascinés par ce métier.

Les trois chantiers du fitness

La crise du fitness a fait bouger les professionnels du secteur privé, réunis au sein du Syndicat national des exploitants d'installations et de services sportifs (Sneiss) dont Étienne Madelin, le directeur général de Club Med Gym, a pris les commandes il y a deux ans. En tête de ses préoccupations, la baisse de la TVA qui pèse sur les comptes d'exploitation des salles. « Nous sommes encore taxés à 19,6 % alors que nous faisons un métier de santé publique et qu'une directive européenne préconise la baisse de la TVA pour nos entreprises », affirme Étienne Madelin, qui promet de revoir les salaires minimums conventionnels à la hausse s'il est entendu par les pouvoirs publics.

Deuxième chantier, la lutte contre le travail dissimulé. « Nous devons faire face à une concurrence déloyale des associations qui se sont développées sur le créneau. Elles sont souvent subventionnées par des mairies qui prêtent leurs équipements sportifs et paient bien mieux les conseillers sportifs. On peut difficilement rivaliser car nos frais de structures sont très élevés. » Le coaching à domicile pratiqué de plus en plus au noir viendrait aussi leur mettre des bâtons dans les roues et expliquerait le manque de conseillers sportifs sur le marché, attirés par des rémunérations deux à trois fois supérieures.

Pour enrayer ce manque de main-d'œuvre chronique, le Sneiss veut rénover les diplômes des métiers de la forme, son troisième chantier. Actuellement, les jeunes qui veulent exercer doivent préparer et décrocher un brevet d'État qui dépend du ministère des Sports ou bien un Deust des métiers de la forme (un bac + 2) sous la houlette du ministère de l'Éducation nationale. « Le brevet d'État actuel est très difficile à décrocher et trop étroit pour nous permettre de trouver suffisamment de jeunes sur le marché. L'idée est d'en faire d'ici à 2007 un brevet professionnel plus souple et moins théorique qui nous permettrait de créer des passerelles avec le monde universitaire, ce qui, pour le moment, n'existe pas. »

Auteur

  • Anne-Cécile Geoffroy