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Booster les qualifications

Dossier | publié le : 01.05.2005 | A.-C. G.

Pour Gris Découpage, Maille GTV ou Iris, il était vital de conquérir de nouveaux marchés. Une démarche qui a exigé de ces trois PME qu'elles mettent, chacune à sa manière, les compétences des salariés au diapason.

Lorsque des marchés sont soumis à forte concurrence, et notamment de la part de pays émergents, mieux vaut jouer la carte de la valeur ajoutée. Ce qui suppose, outre des investissements matériels, une démarche de gestion des compétences pour élever le niveau de qualification des salariés. De la métallurgie au textile en passant par les services, ces trois PME n'ont pas utilisé les mêmes voies pour rester dans la course. Mais toutes ont centré leur action sur les compétences individuelles et collectives.

Gris Découpage reconnaît les compétences des opérateurs

C'est l'effervescence chez Gris Découpage, une PME lorraine spécialisée dans la découpe de rondelles métalliques. Dans un mois, cette entreprise de 80 salariés, implantée près de Pont-à-Mousson, recevra une nouvelle presse. Un investissement de près de 750 000 euros qui va lui permettre de produire des pièces à très forte valeur ajoutée. « À l'origine, nous produisions des rondelles d'acier standards, raconte Laurent Gianesello, le DRH de Gris Découpage. Au fur et à mesure, nous avons eu besoin de fabriquer des produits de plus en plus techniques pour répondre à nos donneurs d'ordres et principalement à l'industrie automobile. C'est la troisième génération de presses que nous voyons arriver. Concrètement, cela signifie que nos opérateurs doivent acquérir un nouveau métier. »

Pour s'adapter à ces évolutions successives, Gris Découpage s'est engagé en 1999 dans une réorganisation complète de l'entreprise et s'est converti, à cette occasion, à la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC). « Nous avons commencé par faire un état des lieux des compétences dont nous disposions pour pouvoir répondre à ces évolutions. L'idée était simple, nous devions privilégier la polyvalence et la polycompétence pour accroître notre productivité », explique le DRH. Pendant deux ans, cet adepte de la GPEC a minutieusement cartographié l'ensemble des emplois avec, pour chacun, une fiche décrivant les missions, les activités et les compétences associées. « Nous avons également mis en place une grille des salaires cohérente. En repositionnant notre personnel, nous nous sommes rendu compte des écarts de salaires. D'un côté, nous rémunérions des qualifications, de l'autre, nous ne reconnaissions pas le travail des opérateurs, pourtant au cœur de notre métier. D'où l'instauration d'une prime variable de productivité dans le secteur de la fabrication. »

Pour compenser ces écarts tout en améliorant la rentabilité des presses, l'entreprise définit une variable, le taux de rendement synthétique (TRS), qui va déclencher l'octroi d'une prime mensuelle. « Notre TRS est passé de 62 % à 87 % aujourd'hui et les primes représentent entre 8 et 15 % du salaire mensuel de nos opérateurs », se félicite Laurent Gianesello. Aujourd'hui, l'entreprise doit répondre à un nouveau défi : mettre en place des critères qui lui permettront d'identifier de façon très pointue les compétences des salariés. « Les niveaux d'entrée de notre grille de classification ne suffisent plus. Notre personnel est monté en puissance et nous devons affiner les critères de différenciation entre un salarié confirmé et un autre expérimenté. » Un travail d'autant plus important que l'entreprise, en rachetant une nouvelle entité à l'étranger, va passer dans les prochains mois de 80 à 200 salariés.

Maille GTV mise sur la polyvalence et l'autonomie

« Nous n'avons pas le choix. Nous devons être réactifs et chercher de nouveaux marchés ou mettre la clé sous la porte », résume Ginette Thevenet, qui vient de confier la direction de Maille GTV, l'entreprise familiale, à son fils. Comme beaucoup d'entreprises textiles, cette société de confection de 20 salariés de la région de Roanne doit faire face à la concurrence qui fait rage dans le secteur, amplifiée par la levée, le 1er janvier, des dernières barrières douanières sur les importations de textile et de vêtements.

En 2004, Maille GTV, qui travaille pour des maisons de prêt-à-porter haut de gamme comme Garella, a misé sur la formation avec l'aide du Forthac, l'Opca de la branche, et de la chambre syndicale de la maille pour accroître les compétences de ses employés, en majorité des femmes de plus de 40 ans sans qualification. Dix salariées ont ainsi suivi un parcours de formation individualisé de 90 à 140 heures pour leur permettre de gagner en polyvalence et en autonomie. Au programme : surjet, piquage, découpe des tissus et maintenance des machines à coudre. « Certaines de nos salariées n'avaient jamais fait autre chose que du surjet et hésitaient à passer au piquage quand nous en avions besoin, raconte Ginette Thevenet. Et lorsqu'une machine tombait en panne elles attendaient que la monitrice passe pour se remettre au travail. »

Parallèlement à cette formation, l'entreprise a proposé à ses salariées de passer un CAP de prêt-à-porter, via un parcours modulaire qualifiant, le système de validation des acquis de la branche. « Quatre de nos ouvrières y sont allées et ont décroché leur CAP, se félicite Ginette Thevenet. Depuis, nous avons gagné en efficacité, et les salariées en autonomie. Nous répartissons les tâches plus rapidement en fonction des commandes. Au bout du chemin, nous avons pu décrocher de nouveaux marchés. »

Iris métamorphose ses formateurs

Comment transformer des formateurs en consultants ? C'est la question que s'est posée l'Institut régional d'ingénierie sociale (Iris), une Scop de 30 salariés créée en 2003 près de Thionville et spécialisée dans l'accompagnement du changement. « Nos racines remontent à 1963 au moment des grandes reconversions des mineurs de fer vers les métiers de l'industrie sidérurgique, souligne Marc Olenine, P-DG d'Iris. L'association fondée à l'époque pour accompagner les mineurs de fer a évolué vers la formation et l'accompagnement à l'emploi des publics faiblement qualifiés. Mais, avec la loi de modernisation sociale et la place prépondérante des branches professionnelles dans le pilotage de la formation, le projet s'est essoufflé. Une partie du personnel s'est constituée en Scop et Iris est né. »

Cette jeune entreprise doit impérativement conquérir de nouveaux territoires et marchés. Pour y parvenir et s'imposer sur le créneau très convoité de l'accompagnement au changement, la Scop a choisi de redéployer les compétences des formateurs, rebaptisés chargés de mission. « Nous avons institué des ateliers hebdomadaires d'échange de pratiques et de ressources, décrit Marc Olenine. Parallèlement, quatre chantiers d'action-recherche ont été lancés pour faire monter en compétence nos salariés sur des sujets comme la validation des acquis ou l'accompagnement au changement. » Pour obtenir une bonne reconnaissance sur son marché, Iris collabore à des actions-recherche avec des institutions reconnues comme l'université Nancy I, l'Aract de Lorraine, l'Institut Bateson de Liège et l'institut régional du travail social de Lorraine.

L'entreprise s'est ensuite réorganisée en créant une cellule de développement commercial et un bureau d'études pour répondre aux appels d'offres. Des services qui n'existaient pas dans l'ancienne structure. « Nous travaillons désormais avec des entreprises du secteur sanitaire et social et plus seulement avec le secteur public, explique Agnès Sautré, une ancienne formatrice devenue chargée d'études en ingénierie des apprentissages et de la cognition. Les procédures sont plus exigeantes, nos clients attendent des résultats et sont vigilants sur les moyens que nous mettons en œuvre pour y parvenir. C'est un vrai changement culturel. Les actions de développement des compétences et de partage des savoirs sont des points d'appui essentiels pour réussir ces missions. » Iris s'est donné jusqu'à 2006 pour réussir son pari et faire en sorte que sa nouvelle clientèle représente 60 % de son chiffre d'affaires, contre seulement 30 % aujourd'hui.

Auteur

  • A.-C. G.