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La fin du social

Livres | publié le : 01.03.2005 | H. G.

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La fin du social

Crédit photo H. G.

Un nouveau paradigme. Pour comprendre le monde d'aujourd'hui Alain Touraine Éditions Fayard. 370 pages, 23 euros.

Échaudé par le succès que remporta le thème de la fin du travail, c'est avec méfiance qu'on appréhende le dernier livre d'Alain Touraine où est proclamée d'entrée la fin du social. Derrière ce terme, le sociologue défend l'idée que nous sommes en train de changer de paradigme – en informatique, on dirait de logiciel – dans notre représentation de la vie collective et personnelle : « Nous sortons de l'époque où tout s'exprimait et s'expliquait en termes sociaux », affirme l'auteur.

La première partie du livre décrit les multiples manifestations de cette fin du social, qui est plutôt la perte de la centralité des rapports sociaux dans l'organisation de la société ainsi que dans la vision que ses acteurs ont d'elle. Un double mouvement a provoqué cette désocialisation de la société : la globalisation, forme extrême du capitalisme qui instaure une société mondiale de masse au-dessus de nos vieilles sociétés nationales ; et l'individualisation, forme de résistance du sujet à l'impersonnalisation et à la standardisation développées par la mondialisation. « Partout, comme un effet de ces tendances opposées, s'accélère le déclin des formes de vie sociale et politique traditionnelles et de la gestion nationale de l'industrie », observe Touraine, donnant pour exemple de formes déclinantes, les syndicats. Il souligne, en tant que conséquence du vide ainsi créé, la montée de « forces placées au-dessus de la société » : la guerre, les marchés, le communautarisme, la violence terroriste… Tout cela fait que « nous ne pouvons plus, nous ne devons plus penser socialement les faits sociaux ».

Désormais, c'est par le biais de la défense des droits culturels qu'il faut tenter de décrypter la société. Par droits culturels, l'auteur entend « le droit de combiner une différence culturelle avec la participation à un système économique de plus en plus mondialisé ». Mouvements féminins, d'immigrés, de minorités menacées, altermondialistes, les « nouveaux mouvements sociaux » sont d'abord d'ordre culturel. « Nous sommes dans une situation analogue aujourd'hui à celle de la classe ouvrière dans la société industrielle, mais c'est dans l'ordre culturel et non plus dans l'ordre social qu'apparaissent les grands déchirements. » Alain Touraine avance une thèse qui semble correspondre plus à une intuition qu'à la conclusion logique d'un travail scientifique. Selon lui, l'ère du postsocial sera une « société de femmes », marquée par le passage d'une culture tournée vers l'extérieur à une autre, tournée vers l'intérieur. Avec l'âge, il tend à céder encore un peu plus à son péché de jeunesse : le systématisme. Mais il a gardé intact l'art des belles fresques synthétiques dont nous avons besoin pour nous rassurer sur la « compréhensibilité » du monde d'aujourd'hui.

Auteur

  • H. G.