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Reporting : encore un effort !

Dossier | publié le : 01.02.2005 | A.-C. G.

Obligées par la loi sur les nouvelles régulations économiques (NRE) de rendre compte de l'impact social et environnemental de leurs activités, les entreprises cotées doivent encore améliorer la qualité des documents qu'elles élaborent. Seules maîtres des informations qui y figurent, elles sont tentées d'éviter les sujets qui fâchent.

Joli cadeau de Noël pour Jean-Pierre Marchand, le directeur de l'environnement et du développement durable des Autoroutes du sud de la France. En décembre dernier, les ASF ont décroché le trophée du Meilleur Premier Rapport de développement durable remis par le conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables. Une distinction qui récompense le travail de leur équipe installée par la direction de l'entreprise en 2002 à la suite de son entrée en Bourse. « Ce rapport, nous l'avons mûri pendant neuf mois, raconte le directeur. Près de 70 personnes ont planché et fait l'inventaire des dizaines d'actions menées ou à mener dans les domaines de l'environnement, de la sécurité au travail, des RH, de la relation clients, du développement de nos métiers et des synergies avec les territoires que nous traversons. » Le rapport a mis en avant 21 actions à réaliser et à approfondir d'ici à 2006.

L'entreprise prévoit, par exemple, d'organiser des temps de dialogue entre l'encadrement et le personnel sur deux sites en France. Elle annonce également vouloir mettre en place une gestion des carrières individualisée pour le personnel de maîtrise, similaire à celle développée pour les cadres. Et, pour tenir leurs engagements, les ASF ont même défini un « plan de progrès triennal » afin d'asseoir leur crédibilité et de permettre à leurs « parties prenantes » de suivre les réalisations d'une année à l'autre.

« Petits malins », « francs-tireurs » et « leaders »

Depuis 2001, la loi sur les nouvelles régulations économiques et son article 116 fixent aux entreprises cotées l'obligation de rendre compte de leur impact social et environnemental au moyen d'un document qui donne des informations claires et exhaustives sur les initiatives prises. Un exercice de style auquel la plupart des entreprises se plient avec plus ou moins bonne grâce. « La première année d'application de la loi, les rapports partaient d'un niveau très bas. Les entreprises, souvent prises de court, s'étaient contentées de répondre aux exigences légales sans entrer dans les détails. Cette année, les entreprises du CAC 40 ont fait des efforts sur la qualité des informations concernant la responsabilité sociale des entreprises (RSE). Mais, sur les 700 entreprises concernées, un grand nombre continuent à traîner des pieds pour mettre en perspective leurs données sociales », affirme Stéphane Itier, chargé de la RSE chez Alpha Études.

Depuis deux ans, la société de conseil dissèque les rapports de développement durable en se concentrant sur la qualité du reporting social. Selon elle, les entreprises adoptent quatre types de comportement face aux exigences de la loi : les « rien à cirer » ne font aucun effort de reporting social, à l'instar de Lagardère ou Bouygues, les « petits malins » se contentent de fournir des informations concernant la holding (soit 10 à 15 % des effectifs), comme Wendel Investissement, les « francs-tireurs » fournissent des informations de bonne qualité sur des items qu'elles ont sélectionnés au préalable et les « leaders » mettent en œuvre des moyens importants pour respecter la loi (Veolia, Axa, Danone…).

Un catalogue d'actions valorisantes

Que les rapports fassent trois ou cent pages, les directeurs du développement durable, placés en première ligne, réclament encore du temps pour satisfaire aux exigences et à l'esprit de la loi. « Nous n'en sommes qu'au début de l'histoire, plaide Jacques Toraille, chargé de mission pour le développement durable chez Michelin. D'une année à l'autre, nous essayons d'apporter de nouvelles données et d'en améliorer la fiabilité. L'an prochain, nous allons être plus précis sur l'embauche et l'accueil des travailleurs handicapés ou encore sur la sécurité au travail. »

Chez Rhodia, depuis la parution du premier rapport en 2000, le format du document n'a pas bougé, reprenant chaque année les mêmes indicateurs. « Nous avions besoin d'une certaine stabilité pour analyser les données que nous remontions et leur évolution, explique Jacques Kheliff, directeur du développement durable du chimiste. Jusqu'à présent le rapport était structuré autour de trois piliers : l'environnement, les hommes et l'économie. Cette année, nous allons nous doter d'une grille d'analyse plus fine et refondre le rapport à partir des responsabilités que nous avons à l'égard de nos parties prenantes : les salariés, les clients, les sous-traitants, les actionnaires, l'environnement et les collectivités locales. »

L'une des limites de cet exercice de rédaction réside dans le fait que les entreprises sont seules à décider des informations qu'elles souhaitent voir figurer dans leur rapport. D'où le sentiment, à la lecture de certains documents, d'un catalogue d'actions toujours très valorisantes pour les entreprises. Les sujets qui fâchent, comme la lutte contre la corruption, la présence de l'entreprise dans des pays peu démocratiques, le respect des droits de l'homme par les sous-traitants, restent les grands absents des rapports.

Un statu quo qui a fait monter au créneau le Forum citoyen pour la RSE. Ce collectif, créé l'été dernier et composé d'ONG (Amnesty International, Les Amis de la Terre, Greenpeace, le CCFD, le Crid) et de syndicats (la CFDT, la CGT, la CFE-CGC), souhaite un renforcement de la loi en la matière. Car, à l'heure actuelle, aucune sanction n'est prévue pour les entreprises qui ne la respectent pas. Les signataires ont ainsi défini huit axes de progrès pour redonner un peu d'élan au développement durable. « Nous avons le sentiment que la RSE piétine, explique Éric Loiselet, porte-parole du collectif. L'un de nos objectifs est d'accroître le droit de regard des représentants des salariés et des ONG sur le reporting social. Aujourd'hui, la question du contrôle et de la vérification des données fournies par les entreprises n'est pas réglée. »

Le Forum citoyen pour la RSE souhaite maintenant sensibiliser directement les entreprises en ciblant les mauvais élèves pour les obliger à se soumettre à la loi. « On ne réglera rien par la contrainte, estime pour sa part Jean-Pierre Marchand aux ASF. Nous allons vers une sectorisation des approches et des politiques de développement durable. Les entreprises qui blufferont seront vite repérées dans leur secteur d'activité. À terme, la concurrence portera aussi sur la qualité de notre reporting social et environnemental. Et les retardataires prendront alors rapidement le train en marche. »

Auteur

  • A.-C. G.