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Vie des entreprises

Le patron de Flunch veut redorer l'image sociale de ses cafétérias

Vie des entreprises | METHODE | publié le : 01.01.2005 | Stéphane Béchaux

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Le patron de Flunch veut redorer l'image sociale de ses cafétérias

Crédit photo Stéphane Béchaux

Dans un secteur ingrat caractérisé par un fort turnover, des salaires au ras du smic et du temps partiel à gogo, Jean-Louis Landrieux met le paquet sur le développement des compétences, les primes de progrès et de participation. Tout en travaillant à mettre en réseau les 160 restaurants du groupe.

Branle-bas de combat au centre commercial d'Aulnoy-lez-Valenciennes. Flunch s'apprête à y ouvrir, le 1er février, son 181e restaurant, le quatorzième sur ses terres historiques du Nord. Une cafétéria de 240 places comptant une trentaine de salariés avec, à leur tête, l'ancien directeur du Flunch d'Englos, dans la banlieue lilloise. Pour intégrer l'équipe du restaurant, pas besoin de diplôme : l'enseigne recourt aux services de l'ANPE et à sa méthode des habiletés. « On l'utilise pour les ouvertures ou les réouvertures, quand le volume de recrutement est important », explique Laurence Pithion, responsable du recrutement. C'est-à-dire trois ou quatre fois par an tout au plus, car la principale filiale d'Agapes Restauration, propriété de la famille Mulliez, opère sur un marché mature et fortement contraint par la loi Royer réglementant l'ouverture des grandes surfaces.

Chez Flunch, les embauches au fil de l'eau restent, de loin, les plus nombreuses. Même si le turnover a été divisé par deux depuis l'arrivée de la nouvelle équipe de direction, en 2001, il s'établit encore à près de 50 %. En 2004, l'enseigne a recruté près de 2 000 employés, en CDI, dans l'ensemble des 161 cafétérias qu'elle détient en propre. Des femmes, à 75 %, pour des contrats d'une trentaine d'heures hebdomadaires en moyenne. Pas facile, dans ces conditions, de mener des politiques RH sur le moyen terme, comme s'y essaie Jean-Louis Landrieux, patron opérationnel de Flunch depuis 1999. D'autant plus difficile que l'enseigne connaît, depuis quatre ans, une diminution du nombre de ses clients.

1 FÉDÉRER LES RESTAURANTS

Chez Flunch, on dénombre pas moins de… 162 patrons. Un directeur général, Jean-Louis Landrieux, basé au siège social de Villeneuve-d'Ascq, et 161 directeurs de cafétéria, qui, répartis sur tout le territoire, disposent d'une très large autonomie pour gérer leurs troupes et tenir leur compte d'exploitation. Le tout sans faire cas des 19 patrons franchisés qui opèrent aussi sous les couleurs de Flunch. « Nos restaurants sont de véritables PME d'une cinquantaine de salariés, avec à leur tête un vrai patron autonome ayant une large délégation de pouvoir », insiste Christian Leroy, le DRH groupe. Une décentralisation des prises de décision qui permet, certes, de gagner en réactivité, mais favorise aussi les baronnies. « Entre les décisions prises par le siège et leur application sur le terrain, il y a parfois plus que des retards à l'allumage. Tout dépend du bon vouloir du directeur », résume Didier Bourotte, adjoint de direction à Nevers et représentant syndical CGT au comité central d'entreprise.

C'est justement pour limiter ce genre de dérives que la filiale d'Agapes Restauration a revu de fond en comble son organisation, au début de l'année 2001. Depuis, les cadres autonomes qui, de Villeneuve-d'Ascq, travaillent dans l'une des six directions fonctionnelles (technique, marketing, achats, contrôle de gestion, systèmes d'information et RH) font également office de référents pour une partie des directeurs de restaurant. À la direction des ressources humaines, par exemple, la responsable juridique, Brigitte Canut, est aussi la correspondante RH des restaurants d'Artois et de Picardie. Laurence Pithion, chargée du recrutement, répond, elle, aux sollicitations des cafétérias de Midi-Pyrénées. Quant à Fabrice Pecqueur, il supervise les politiques RH des cafétérias bretonnes.

Une organisation matricielle qui vise à rapprocher la direction générale du terrain et à favoriser la communication, descendante et ascendante. « Tous les cadres du siège viennent en soutien des restaurants. Ce qui les oblige à travailler en réseau pour trouver les réponses aux problèmes rencontrés par les directeurs et leurs équipes. Au final, ils élargissent leurs compétences sur un plan opérationnel et développent leur employabilité », se félicite Christian Leroy. Ce mode de fonctionnement facilite, certes, la vie des directeurs, mais il reste très largement méconnu des 7 000 employés de Flunch. « Les correspondants RH, on ne les voit jamais. Quand ils descendent dans les restaurants, ils ne rencontrent jamais les représentants du personnel, encore moins les salariés », regrettent en chœur les délégués syndicaux.

Faisant auparavant cavaliers seuls, les 161 directeurs de cafétéria font aujourd'hui partie de l'un des douze réseaux géographiques qui quadrillent le territoire. Cornaqués par des animateurs de réseau, ils sont encouragés à partager expériences et bonnes pratiques avec leurs homologues locaux. Dans chaque secteur, des comités RH, formation, produits ou commerce réunissent, à intervalles réguliers, les personnels d'encadrement. Quant aux formations, autrefois dispensées en partie depuis Villeneuve-d'Ascq, elles sont aujourd'hui complètement décentralisées : dans chaque réseau, un restaurant, labellisé par le siège social, fait désormais office de centre de formation.

2 PRATIQUER L'OUVERTURE AVEC LES SYNDICATS

Très prisée dans la restauration, la chasse aux syndicalistes n'est pas de mise chez Flunch. Depuis son arrivée au poste de DRH, au printemps 2000, Christian Leroy n'a de cesse de répéter qu'il a « besoin de partenaires sociaux ». « En France, la culture sociale amène les organisations syndicales à être au cœur du bon fonctionnement des entreprises », justifie-t-il. Ce qui ne l'empêche pas, parfois, de piquer des colères noires contre leurs représentants. « Tant qu'on est d'accord avec la direction, tout va bien. Mais quand on refuse de la suivre, c'est nettement plus compliqué », constate Christiane Séher, la déléguée centrale CFTC. Sur le terrain, la réalité est nuancée. « Le langage officiel de la direction est de favoriser les syndicats. Mais quand on crée une section, cela suscite toujours beaucoup de tensions », explique Claude Strohl, le délégué syndical central cédétiste. Chez Flunch, tous les restaurants, quelle que soit leur taille, bénéficient d'un comité d'entreprise et d'un budget propre – mais très limité – pour leurs œuvres sociales. Rares sont néanmoins les établissements dont les représentants sont élus sur liste syndicale, les cinq centrales ne comptant guère qu'une vingtaine d'implantations, CFDT ou CGT pour la plupart.

Résultat : au comité central d'entreprise, renouvelé cet automne, les élus sans étiquette sont de loin les plus nombreux parmi les 40 titulaires et suppléants. Un échec certain pour les organisations syndicales qui, depuis cinq ans, disposent d'un accord de droit syndical relativement généreux. Celui-ci permet aux cinq centrales de désigner un délégué syndical central, payé à temps plein par l'entreprise moyennant soixante-cinq heures de travail mensuelles dans son restaurant, et six délégués syndicaux nationaux, disposant de vingt-cinq heures de délégation. Les syndicats ont également des moyens financiers, revus à la baisse en 2003 lorsque la direction s'est rendu compte que les délégués centraux CFDT et CGT utilisaient le compte à des fins personnelles.

Auparavant fixée à 1 500 euros mensuels, la dotation a été divisée pratiquement par quatre, à 400 euros.

À la décharge des syndicats, leur implantation est particulièrement compliquée dans une entreprise éclatée en 161 établissements qui, de plus, renouvelle près de la moitié de ses effectifs d'une année à l'autre. « La direction joue sur l'éclatement des points de restauration. L'information, cloisonnée, ne circule pas. Il est très difficile d'avoir des actions communes dans les différents restaurants », explique Marie-José Bienvenue, la déléguée centrale cégétiste. En plus de trente ans d'existence – le premier Flunch date de 1971 –, l'entreprise n'a jamais connu le moindre mouvement de grève national. Reste que l'enseigne nordiste fait preuve d'une certaine ouverture à l'égard de ses partenaires sociaux. Elle a notamment accepté de débloquer un budget (230 euros par session) pour que l'ensemble des élus du personnel soient formés par les délégués syndicaux. La première session est prévue en mars.

3 MISER SUR LA POLYVALENCE DES SALARIÉS

Le principal ustensile de cuisine chez Flunch ? Les ciseaux ! Voilà belle lurette, en effet, que les plats en sauce, tartes et autres choucroutes ne sont plus préparés dans les cuisines des restaurants, mais approvisionnés par Le Petit Cuisinier, l'énorme cuisine centrale d'Agapes Restauration située à Hénin-Beaumont, dans le Pas-de-Calais. La charcuterie, elle, arrive directement d'Alsace, de la Charcuterie de la vallée de la Bruche. « En cuisine, l'essentiel du boulot consiste à mettre des barquettes plastifiées au bain-marie et à ouvrir des sachets avec des ciseaux. Il n'y a plus guère que les tomates qu'il faut encore couper », explique Mokhtar Boutlane, employé depuis vingt-huit ans à Nancy et délégué cédétiste.

Pas besoin, donc, d'un CAP de cuistot pour entrer chez Flunch. L'enseigne, pas regardante sur les diplômes, n'embauche que des employés polyvalents, susceptibles de tourner sur l'ensemble des « secteurs » du restaurant : la cuisine chaude et froide, la caisse, la plonge, le nettoyage de la salle, la réception… « Nos agents de restauration sont polycompétents. Mais on n'est pas stupide. Si on a un très bon cuistot, on le fera travailler en priorité dans l'espace cuisine », relativise le DRH. Dans les restaurants, les employés tiennent d'ailleurs rarement plus de deux à trois postes, en fonction de leurs envies et de leurs compétences. Les tâches les plus pénibles ? La plonge et la salle, souvent réservées aux moins qualifiés.

Avec une quarantaine d'employés, deux à trois adjoints de direction (agents de maîtrise) et un ou deux cadres (le directeur et le directeur adjoint), la cafétéria Flunch type ne permet guère les promotions verticales. D'autant que les employés ont des responsabilités de plus en plus élargies, comme le permet la convention collective. Depuis la mise en place des 35 heures, au printemps 2000, ils se voient confier des tâches auparavant assumées par des agents de maîtrise, comme l'animation des services. Un poste stratégique qui consiste à superviser le travail de l'équipe pendant toute la durée d'un service et à affecter le personnel aux différents postes en fonction des besoins. « On donne des ordres et on organise le service, même si on n'a pas de pouvoir de sanction. En fait, on a des responsabilités d'agents de maîtrise sans en avoir ni le statut ni le salaire », explique l'un de ces animateurs de service, basé en Provence. Une affirmation confirmée par plusieurs sources dans l'encadrement. Les restaurants de taille moyenne fonctionnent même fréquemment sans qu'aucun membre d'encadrement ne soit présent dans les murs. Les animateurs de service se chargent alors d'ouvrir ou de fermer l'établissement, de diriger l'équipe et de déposer la recette au coffre.

Autre fonction, elle aussi remplie par des employés, le monitorat. Exercée par des personnes ayant une bonne expérience de la maison, elle consiste à conseiller et à guider les jeunes recrues dans leur prise de poste. « Chez Flunch, on devient facilement moniteur. Rarement animateur de service et très rarement adjoint de direction », résume Mireille Momper, déléguée cédétiste, qui travaille à Martigues depuis vingt-quatre ans. « Ici, 35 % des adjoints de direction sont d'anciens employés, et 100 % des directeurs de restaurant sont d'anciens adjoints », rétorque Christian Leroy. Deux affirmations qui n'ont rien d'incompatible. Avec seulement 331 agents de maîtrise pour 7 000 employés en restaurant, d'après le bilan social 2003, les promotions – 56 l'an dernier – restent exceptionnelles, malgré la mise en place d'entretiens annuels de développement.

4 INTÉRESSER LE PERSONNEL AUX RÉSULTATS

Depuis quelques années, les négociations salariales annuelles de Flunch dépendent davantage de… Matignon que de Villeneuve-d'Ascq. Les hausses successives du smic mettent en effet systématiquement à mal la grille des salaires de l'entreprise. En juillet dernier, cinq des six minima applicables aux employés ont ainsi été rattrapés par l'augmentation du smic. Et encore ! le dernier niveau, celui des animateurs de service, ne dépassait le salaire minimum horaire que de 4 centimes…

Depuis le 1er décembre, la grille de Flunch a repris un tout petit peu de hauteur. Mais les trois premiers étages, dont dépendent les trois quarts des 7 000 employés, ne dépassent le smic horaire que de 6 centimes au maximum. Finalement, comme seulement 22 % des employés travaillent à temps plein, la rémunération brute de base dépasse rarement les 1 000 euros mensuels. « Pas cher payé, pour des salariés qui travaillent deux ou trois soirs par semaine et trois week-ends sur quatre », constate Patricia Loupias, déléguée cégétiste au restaurant de Melun-Cesson, en Seine-et-Marne.

Autant dire que le gel des augmentations générales depuis trois ans reste en travers de la gorge du personnel. En particulier des anciens qui, en l'absence de primes d'ancienneté, ne gagnent guère plus que les étudiants tout juste embauchés. « L'ancienneté ne fait pas partie du dictionnaire. Et comme il n'y a pas plus d'augmentations générales, on ne maintient plus les écarts », déplore Jean-Yves Le Pissart, délégué CFE-CGC. « Nous ne faisons plus d'augmentations générales car nous voulons lier l'accroissement des salaires à celle des compétences, justifie le DRH. Et si vous prenez tous les aspects de la rémunération, Flunch paie bien mieux que le reste de la restauration. » Avec leur fiche de paie de novembre, les salariés reçoivent en particulier une « gratification annuelle ». L'équivalent d'un treizième mois, non prévu par la convention collective, pour les salariés justifiant de trois ans d'ancienneté et de moins de quinze jours d'absence dans l'année.

Les moniteurs et animateurs de service bénéficient aussi, comme les agents de maîtrise et les cadres, d'une rémunération variable individuelle. D'un montant moyen annuel de 427 euros en 2003, son mode de calcul a changé l'an dernier. Elle est désormais assise sur des objectifs individualisés – les notes obtenues par le restaurant lors des visites de clients mystères, la baisse du turnover… – discutés avec le manager et inscrits dans une « lettre de mission ». « Avant, les animateurs de service touchaient 9,15 euros par service. C'était beaucoup plus clair que ces objectifs, négociés individuellement et plus difficilement mesurables », juge Marie-José Bienvenue qui, outre son mandat de déléguée syndicale centrale CGT, est animatrice de service au Flunch de Fontenay-sous-Bois, dans le Val-de-Marne.

Enfin, comme toutes les enseignes de la galaxie Mulliez (Auchan, Boulanger, Décathlon, Leroy Merlin, etc.), les salariés de Flunch bénéficient aussi d'un système d'intéressement collectif aux résultats économiques de leur restaurant. Une « prime de progrès » par nature aléatoire, puisque assise sur la progression du chiffre d'affaires et du résultat d'exploitation de la cafétéria, difficile à obtenir en ces temps de stagnation du nombre de clients (47 millions en 2003) et du chiffre d'affaires (432 millions d'euros en 2003). « Autrefois, on pouvait toucher l'équivalent d'un mois de salaire. Maintenant, une très bonne prime, c'est 200 euros », assure Mireille Momper. Une affirmation démentie par la direction qui, chiffres à l'appui, assure toujours distribuer chaque année de 3 à 5 % de la masse salariale sous cette forme. S'y ajoute la participation, proche d'un mois de salaire, que le personnel place majoritairement dans le système d'actionnariat salarié maison. Un bon investissement en ces temps de morosité boursière, puisque la part a progressé de 65 % au cours des cinq dernières années. « Globalement, on redistribue le tiers des résultats sous forme de primes de progrès ou de participation. Chez Flunch, le partage de l'avoir, c'est l'un de nos points clés », rappelle Christian Leroy.

5 METTRE SUR PIED DES PARCOURS DIPLÔMANTS

La formation est sans conteste l'un des chantiers sur lesquels la direction des ressources humaines a le plus travaillé au cours des dernières années. Aujourd'hui, tous les restaurants disposent d'un coin multimédia et d'une DVD-thèque où les salariés peuvent puiser pour parfaire leur connaissance de l'entreprise et de ses métiers et développer leurs compétences professionnelles. Baptisés Start, Top, Excell ou Spinnaker, ces cursus de formation accompagnent les salariés depuis leurs premiers pas chez Flunch jusqu'au monitorat ou l'animation de service. Avec, pour ces deux derniers postes, respectivement, cinq et dix jours de stage dans l'école de formation interne dont dépend leur restaurant.

Reste que ces parcours, qui reposent à la fois sur le volontariat des employés et les besoins des restaurants, sont inégalement suivis. « Sur certains sites, les DVD sont encore quasiment sous Cellophane. Vu le manque de personnel dans les restaurants, la formation est rarement considérée comme une priorité », juge Florence Hourco, secrétaire cédétiste du comité central d'entreprise. Et tant pis si le restaurant prend du retard sur son plan de formation… Globalement, l'entreprise affiche quand même des dépenses de formation à hauteur de 3 % de sa masse salariale, dont 80 % à destination de ses employés.

Ses parcours de formation internes, Flunch voudrait désormais les rendre diplômants. Depuis plusieurs mois, l'enseigne travaille dans ce sens avec le Fafih, l'organisme paritaire collecteur agréé de l'industrie hôtelière, et sa commission nationale paritaire de l'emploi. Objectif : permettre à ses employés d'obtenir, par la validation des acquis de l'expérience et un cursus de formation interne, le certificat de qualification professionnelle (CQP) « agent de restauration » et « tuteur ». À ce jour, quelques salariés de Flunch se sont vu délivrer le précieux sésame. Un très grand motif de fierté pour le DRH, mais pas pour les syndicats, qui doutent de la qualité du diplôme et de la transférabilité du savoir-faire maison. « Ce CQP, c'est bidon. En sortant de chez Flunch, vous ne savez ni cuisiner ni servir en salle », soulignent-ils.

Pour l'entreprise nordiste, le sujet dépasse la simple VAE. Car l'enseigne entend aussi proposer le CQP Recape (reconnaissance d'aptitude à l'emploi) à des jeunes de 16 à 25 ans sans diplôme, qu'elle recruterait en contrat de qualification. « Des jeunes qui seraient soi-disant formés dans le restaurant et qui travailleraient pour un salaire de 30 à 75 % du smic », dénonce une déléguée syndicale. Au passage, Flunch récupérerait le 0,5 % de masse salariale versé, pour l'instant à fonds perdu, au Fafih au titre de l'apprentissage. « On n'a pas pour ambition de ne plus recruter que des jeunes par ce biais, précise Fabrice Pecqueur, responsable de la formation. Mais, dans la perspective des difficultés d'embauche à venir, on veut pouvoir recourir à tous les types de contrats, en offrant des formations qualifiantes. »

Autre dossier sur lequel Flunch essaie d'avancer ses pions : le nouveau droit individuel à la formation (DIF). « On a été précurseur, on a déjà tous les outils », se félicite Christian Leroy, qui n'attend plus que la conclusion des négociations de branche. Restera, ensuite, à convaincre les syndicats de la maison. Car ceux-ci n'ont pas l'intention de limiter le DIF aux formations maison déjà existantes. Pour eux, pas question de priver les employés d'un dispositif susceptible de favoriser leur employabilité en dehors de l'enseigne…

Entretien avec Jean-Louis Landrieux :
« Si la TVA est ramenée à 5,5 %, je m'engage à créer du jour au lendemain trois emplois par restaurant »

Sandwiches, réfrigérateurs, moquettes… Jean-Louis Landrieux a touché à tout au cours de ses trente ans de carrière. Un parcours très varié, que ce citoyen belge de 54 ans a réalisé en grande partie au sein de l'empire Mulliez. Diplômé en sciences économiques en Belgique et titulaire d'un MBA de l'Arizona State University, il a fait ses premières armes à La Redoute, avant d'entrer chez Auchan, dont il devient le directeur de la centrale d'achats. Ce fervent supporter du Losc, l'équipe de foot de Lille, rejoint alors Boulanger comme directeur général avant de commettre sa seule infidélité au groupe : à 40 ans, il prend la présidence du directoire de Carpetland. Son retour aux sources, en 1994, s'effectue chez Agapes Restauration. Patron de Picpain, Jean-Louis Landrieux rejoint Flunch en 1996 pour s'occuper de l'international. Trois ans plus tard, il reprend les rênes de la chaîne de cafétérias, comme directeur général.

Dans les entreprises appartenant à la famille Mulliez, on cultive la discrétion dans les affaires. Quelle en est la raison ?

Chez Flunch en tout cas, nous préférons communiquer avec nos collaborateurs plutôt qu'avec nos concurrents. Comme l'entreprise n'est pas cotée en Bourse et qu'elle a zéro endettement, on n'a pas besoin de médiatiser nos actions. Nous n'avons rien à vendre aux banquiers ni aux investisseurs.

Le refus du tape-à-l'œil, comme ce siège social modeste, est-ce le reflet de votre culture d'entreprise ?

L'absence de paillettes et de grandes conventions d'entreprise font partie des valeurs et de l'exemplarité qu'on se doit d'avoir dans un métier particulièrement difficile. Si on commençait à vivre dans un grand confort, avec un certain luxe, avec des avantages pour certains et pas pour d'autres, nos clients et nos salariés ne le comprendraient pas. Nous faisons un métier de « centimiers ». Sur chaque repas, nous gagnons 0,16 euro. À ce tarif-là, on ne peut pas avoir un train de vie très élevé.

Dans les restaurants, on entend pourtant des salariés dire que les Mulliez s'en mettent plein les poches…

Dans la restauration, nous dégageons des marges très faibles. Et pourtant nous redistribuons 25 % de la progression des résultats et plus de 4 % de la masse salariale sous forme de participation. Nous avons en plus un système d'actionnariat salarié dont la valeur des parts a progressé de plus de 60 % en cinq ans. C'est sûr, on n'est pas chez Bill Gates. Mais nous faisons beaucoup mieux que la plupart de nos concurrents.

Le fait d'avoir beaucoup de salariés actionnaires a-t-il un impact sur les comportements ?

Oui car la valeur de notre action, non cotée, est basée sur une valeur économique, en dehors de toute spéculation. Si on bosse bien, l'action monte. Si on bosse moins bien, elle monte moins vite, et elle peut même baisser. Chez Flunch, l'actionnariat s'adresse d'abord au noyau dur de nos salariés, ceux qui sont fidèles à l'entreprise et y font carrière. Ils savent pourquoi ils se battent et se serrent les coudes. Il s'adresse aussi aux nouveaux salariés avec un abondement.

Comment vivez-vous les hausses successives du smic ?

Difficilement. Les hausses des trois dernières années nous ont coûté l'équivalent d'une année de cash-flow. C'est une secousse très importante, d'un point de vue financier, mais aussi managérial. Comment expliquer à un salarié qui est là depuis dix ans qu'il va gagner la même chose, à quelques centimes près, qu'un jeune qui n'y connaît rien et qu'il va devoir, en plus, le former ? Cet écrasement des grilles est incompréhensible pour les collaborateurs. C'est démotivant et déconcertant.

Cela a dû chambouler complètement votre politique salariale…

Pas complètement. Car, depuis trois ans, nous avons construit une politique d'individualisation des rémunérations reposant sur l'évaluation des compétences à partir d'outils de mesure auxquels nous avons formé notre encadrement.

Le coût du travail est-il trop élevé en France ?

Le problème de base, c'est que le consommateur français ne veut pas payer le service. Comme les grilles de salaire évoluent à un rythme soutenu, les frais de personnel à l'intérieur de la valeur ajoutée évoluent beaucoup plus vite que les prix de vente.

Mais vous avez quand même obtenu, l'an dernier, des baisses de charges pour la restauration…

Oui, mais en 2005 ces allégements de charge seront mangés en majorité par la hausse du smic et pour le reste redistribués aux salariés.

La baisse de la TVA sur la restauration pourrait-elle changer la donne ?

Ce que nous demandons, c'est la fin de la discrimination fiscale. Actuellement, la vente à emporter est soumise à une TVA de 5,5 %, le fast-food à une TVA moyenne de 12% et le reste de la restauration à 19,6 %. Ces différences de taxe se ressentent forcément dans les politiques RH.

Si la TVA était ramenée à 5,5 %, créeriez-vous des emplois ?

En qualité de patron de Flunch, je m'engage à créer du jour au lendemain trois emplois par restaurant. Soit, en tout, entre 500 et 600 emplois. Les aides à l'emploi, en revanche, ne nous font créer aucun emploi. En plus, nous n'avons à ce sujet aucune visibilité au-delà du 31 décembre 2005.

À quoi serviraient ces emplois ?

À mieux servir les consommateurs et à élargir l'offre de produits et de services de nos restaurants. Aujourd'hui, on est arrivé au service minimum au client. Car, dans notre secteur, plus de la moitié de la marge part en dépenses de personnel.

L'image, actuellement négative, de vos métiers y gagnerait-elle ?

Globalement, la profession a pris pleinement conscience de ses responsabilités en matière de recrutement et de salaires. Le secteur est en train de modifier ses pratiques RH. Pour l'instant, c'est surtout perceptible dans les grandes chaînes commerciales, qui sont structurées pour cela. Mais ça vient aussi petit à petit chez les indépendants.

Êtes-vous demandeur de nouveaux assouplissements sur les 35 heures ?

Non, car nos attentes concernent essentiellement les agents de maîtrise en restaurant, qui travaillent actuellement 1 600 heures par an. Nous avons l'ambition de leur permettre de passer progressivement cadres, avec un forfait jours. Ils seront à la fois plus autonomes et plus responsabilisés. La gestion à l'heure est complexe dans la restauration. On ne peut pas deviner à quelle heure vont arriver les clients ni à quelle heure ils partiront.

Vos directeurs de restaurant bénéficient-ils de la réduction du temps de travail ?

Ils travaillent 217 jours par an. Dans notre philosophie, chaque directeur de restaurant est patron, avec une vraie délégation de pouvoir. Il est, dans sa tête, tel un franchisé. Il a 95 % des responsabilités d'un franchisé. C'est lui qui recrute, qui fait les contrats, qui fixe les salaires et qui possède la clé du coffre.

Dans le cadre de votre développement actuel, proposez-vous à vos salariés de devenir franchisés ?

Nous réalisons en ce moment une campagne de recrutement interne en ce sens. Une partie de nos collaborateurs ont envie de devenir entrepreneurs, au sens final du terme. Certains d'entre eux ont acheté des pas-de-porte ou se sont associés avec des franchisés. Nous proposons aussi à ceux qui ne disposent pas de l'apport nécessaire de se lancer dans la location-gérance pour devenir leur propre boss.

Propos recueillis par Stéphane Béchaux et Jean-Paul Coulange

En 2004, l'enseigne Flunch a recruté près de 2 000 employés en CDI dans les 161 cafétérias qu'elle détient en propre.ROLLE/REAEn fin d'année, les salariés de Flunch touchent l'équivalent d'un treizième mois, non prévu par la convention collective de la restauration.CORSAN/LE PARISIEN/MAXPPP

Auteur

  • Stéphane Béchaux