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Enquête

Les petites batailles des grandes fusions

Enquête | publié le : 01.01.2005 | Valérie Devillechabrolle, Sandrine Foulon

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Les petites batailles des grandes fusions

Crédit photo Valérie Devillechabrolle, Sandrine Foulon

Rapprochements librement consentis ou mariages forcés, les alliances repartent de plus belle. Avec les personnels concernés, certains groupes emploient la manière forte, quitte à malmener les organisations ; d'autres misent davantage sur le consensus et l'équité. Enquête dans les coulisses des fusions.

C'est parti pour la seconde vague. À la faveur de la convalescence de la Bourse et du désengagement de l'État, les grands groupes cherchent à nouveau à convoler. Air France et KLM ont donné le la de la reprise des fiançailles. Snecma et Sagem ont publié leurs bans. Et les grandes manœuvres se poursuivent dans l'aéronautique et la défense. À défaut de se marier avec EADS, Thales ne quitte pas des yeux DCN. Giat Industries sait qu'il ne pourra rester longtemps célibataire… Dans les autres secteurs, la nécessité de constituer des champions mondiaux fait toujours loi. Mittal Steel, le nouveau conglomérat américano-néerlandais dirigé par l'Indien Lakshmi Mittal, vient de coiffer au poteau Arcelor, contraint de lui céder sa place de numéro un mondial. Le Crédit agricole et le Crédit lyonnais ont donné le coup d'envoi des restructurations bancaires en Europe.

Difficile de tirer des leçons des expériences passées pour parier sur la réussite des épousailles. « Chaque fusion reste intrinsèquement une aventure. On découvre en marchant », observe Jean-Louis Pierquin, DRH du groupe Arcelor. Tout dépend de l'argent mis dans la dot, de la nature hostile ou amicale du mariage. Quant aux fusions entre égaux, elles ne sont pas exemptes de batailles d'egos. Fusionner, c'est avancer en terrain miné. « Près d'une fusion sur deux échoue à cause de problèmes humains et culturels sous-estimés », constate Jean-Pierre Doly, expert ès fusions à BPI.

L'art du plan com

Cela étant, les processus de fusions obéissent à quelques critères majeurs. La vitesse, d'abord. Beaucoup de fusionnés adoptent cet axiome de Michel Pébereau, artisan de la fusion de BNP avec Paribas : « six jours, six semaines, six mois ». Pour nommer le premier cercle de dirigeants et présenter le projet aux analystes, puis désigner les n – 2, et enfin lancer les groupes de travail. Au-delà du facteur vitesse, deux grandes écoles se détachent dans la manière de conduire la fusion. Certains, au nom de l'équité, tentent de ménager la chèvre et le chou, d'autres laissent – délibérément ou non – la raison du plus fort l'emporter. « Tout dépend du but poursuivi par les dirigeants, répond Aine O'Donnell, d'Entreprise et Personnel. On ne peut pas comparer une entreprise soucieuse de fidéliser ses équipes et qui va tout faire pour ne pas déstabiliser l'organisation à une société qui cherche à conquérir de nouvelles parts de marché sans se préoccuper de la fuite des anciens dirigeants. »

Autre constante, les salariés n'ont guère voix au chapitre. En lieu et place du dialogue escompté sur les rationalisations à mettre en œuvre, les directions sont passées maîtres dans l'art du plan com, sur le mode « ne vous affolez pas, cela ne changera rien pour vous ! ». Tout en faisant miroiter à l'extérieur, auprès des actionnaires et des analystes boursiers, les nombreuses synergies possibles, un vocable lénifiant pour désigner les suppressions d'emplois. « Car il s'agit surtout de faire baisser le prix de vente et d'amortir les lourds investissements consentis », décode un DRH. Les patrons des ressources humaines sont d'ailleurs souvent réduits à gérer les pots cassés, à exécuter le plan social et conduire les déménagements. L'intégration des équipes proprement dite revenant aux managers. En dernier ressort, en dépit des discours et des méthodes, la guerre des chefs a toujours lieu, les doublons finissent par sauter et les statuts par s'harmoniser. C'est juste une question de temps.

Qu'il s'agisse du transport aérien avec Air France-KLM (à gauche, Jean-Cyril Spinetta, le président de la compagnie nationale, à droite Leo van Wijk, son homologue néerlandais), de l'industrie pharmaceutique avec Sanofi-Aventis (en haut, une manifestation de salariés allemands craignant pour leur emploi), ou de la production d'aluminium avec le rachat de Pechiney par Alcan (ci-dessus), la nécessité de constituer des géants mondiaux favorise les rapprochements. Si l'option stratégique est souvent la même, les méthodes, elles, sont parfois très différentes.

Auteur

  • Valérie Devillechabrolle, Sandrine Foulon