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Moins de visites, plus de terrain

Dossier | publié le : 01.01.2005 | S.D.

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Moins de visites, plus de terrain

Crédit photo S.D.

→ Le décret du 28 juillet dernier réaffirme la règle du tiers temps des médecins dans les entreprises et fait passer la visite médicale au rythme d'une tous les deux ans pour les salariés non exposés. Mais avec des quotas qui font craindre un alourdissement de la charge de travail.

« Notre métier, c'est de partager notre temps entre le port de la blouse blanche dans nos cabinets et le bleu de travail dans les entreprises, rappelle Jean-Michel Domergue, médecin dans un service interentreprises du Val-de-Marne. Jusqu'à présent, nous restions plutôt cantonnés aux visites médicales. La règle du tiers temps selon laquelle nous devions consacrer une partie de notre temps à des actions sur le terrain était régulièrement bafouée. Au moins le décret du 28 juillet dernier qui achève la réforme de la médecine du travail réaffirme ce principe. » Dorénavant, avec la « sanctuarisation du tiers temps », expression chère à Gérard Larcher, ministre délégué aux Relations du travail, les quelque 7 000 praticiens devront passer 150 demi-journées par an sur le terrain.

La généralisation, en 2006, de la fiche d'entrepris – sur laquelle le médecin fait figurer les risques professionnels et les noms des salariés qui y sont exposés – est aussi l'occasion de forcer les portes des PME et des TPE. Une présence renforcée qui devrait permettre aux médecins d'agir sur les conditions de travail et sur la prévention des risques professionnels.

22 % des salariés en surveillance renforcée

Pour dégager du temps aux praticiens, la nouvelle réglementation prévoit de faire passer la fréquence de la visite médicale systématique à deux ans, excepté pour les salariés sous surveillance médicale renforcée (SMR), lesquels représentent près d'un quart des salariés – 22 % des effectifs selon le Centre interservices de santé et de médecine du travail en entreprise (Cisme). Mais, dans certaines régions, ce pourcentage est sensiblement supérieur. « Au sein de notre service, plus de la moitié des salariés bénéficient d'une SMR et continueront d'être examinés au moins tous les ans, calcule Bénédicte Ledenvic, médecin coordinateur de Santé au travail en Mayenne. Au mieux, la réforme va nous dégager 25 % de notre temps. » Du coup, certains médecins du travail réclament une révision des populations dites à risque. « Nous plaidons pour un réexamen du décret de 1977 qui définit les salariés exposés à des risques plus grands et y intègre, par exemple, les travailleurs sur écran », indique Gabriel Paillereau, délégué général du Cisme. Mais le décret de juillet 2004 renvoie aux accords de branche la définition des salariés les plus exposés.

Reste aux services de santé à redoubler de pédagogie auprès des employeurs, qui s'attendent à voir diminuer leurs cotisations. « Dans l'imaginaire patronal, le montant des cotisations est corrélé aux seules visites médicales, souligne Jean-Michel Domergue. Si celles-ci diminuent en nombre, les employeurs vont s'attendre à payer moins. Une entreprise adhérente a même menacé de quitter notre service sur les conseils de son expert-comptable qui ne comprenait pas pourquoi il allait payer le même prix pour une prestation moindre. »

Redéployer les moyens, non les réduire

Des menaces d'abandon, le docteur Jean-Michel Domergue en compte déjà une quinzaine dans son service. « La réforme prévoit de redéployer les moyens, non de les réduire, argumente Gabriel Paillereau. Nous devons faire comprendre aux employeurs que l'action des médecins sur le terrain est une prestation, au même titre que la visite. » En attendant, les professionnels s'attendent à une concurrence exacerbée entre services. Autre source d'inquiétude : les nouveaux quotas (pas plus de 450 entreprises, 3 300 salariés, 3 200 examens médicaux par an et par médecin) définis par le décret du 28 juillet 2004. « La charge de travail risque de s'alourdir car tous les employeurs vont vouloir faire de ces plafonds une réalité », tonne Lionel Doré, secrétaire général du Syndicat national professionnel des médecins du travail, qui y discerne une forme de « démédicalisation rampante » !

Pour le ministère, il s'agit bien de plafonds annuels d'activité et non d'objectifs à atteindre. En outre, ces plafonds ne peuvent se cumuler. Si l'un d'entre eux est atteint, la charge de travail du médecin ne peut être davantage alourdie. Gérard Larcher devait rappeler tout cela dans une circulaire. En outre, le ministre délégué aux Relations du travail s'est engagé à la rentrée dernière (voir l'interview accordée à Liaisons sociales Quotidien du 8 septembre 2004) à soumettre dans les deux ans au Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels une évaluation de l'application des mesures relatives au temps de travail médical.

Gabriel Paillereau, délégué général du Cisme : « Nous devons faire comprendre aux employeurs que l'action des médecins sur le terrain est une prestation au même titre que la visite. »MICHEL LABELLE

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  • S.D.