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Les bouchers à l'épreuve des TMS

Dossier | publié le : 01.01.2005 | A.-C. G.

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Les bouchers à l'épreuve des TMS

Crédit photo A.-C. G.

→ Dans les boucheries industrielles, les ouvriers subissent des cadences toujours plus rapides et des conditions de travail très rudes. TMS et accidents sont légion. La branche a bien tenté d'organiser une sensibilisation à la prévention des risques, mais les résultats se font attendre.

Création d'un service de prévention-sécurité, mise en place de correspondants sécurité et de mini-CHSCT sur tous les sites de plus de 50 salariés, Euroviande Service ne ménage pas ses efforts pour faire émerger une culture de la prévention des risques et des maladies professionnels. Installée à Saint-Sylvain-d'Anjou, dans le Maine-et-Loire, cette entreprise emploie 1 150 salariés, principalement des tâcherons qu'elle met à disposition des abattoirs et ateliers de découpe. « Nous travaillons depuis six ans sur la sécurité, et les premiers résultats commencent à se faire sentir, constate Patrick Aublin, son P-DG. Durant cette période, nous avons fait chuter de 20 % le nombre d'accidents du travail dans l'entreprise. »

Des résultats plutôt flatteurs dans une filière qui, en matière de santé au travail, cumule des records peu enviables. Près d'un salarié sur quatre est victime d'un accident du travail avec arrêt et le nombre des troubles musculo-squelettiques y augmente de façon exponentielle. Ces cinq dernières années, le nombre de salariés concernés par les TMS a été multiplié par six. Au point que, pour l'ensemble de l'agroalimentaire, la filière est aujourd'hui la plus touchée, devant l'industrie de la volaille, et dépasse la grande distribution et la restauration collective. Par ailleurs, le secteur souffre d'une image très négative en raison des conditions de travail. Les boucheries industrielles ont poussé à l'extrême le travail à la chaîne avec des cadences très élevées et une parcellisation des tâches toujours plus importante.

Pourtant, entre 1995 et 2001, sous la houlette de la Caisse nationale d'assurance maladie, les ingénieurs-conseils des Cram, les préventeurs de la Mutualité sociale agricole (MSA), les organisations professionnelles, les services vétérinaires ont tenté d'enrayer ces tendances en lançant une démarche de sensibilisation et de prévention : l'approche participative par branche (APB). L'idée était d'outiller les entreprises du secteur pour les aider à évaluer les risques et les causes de TMS et, du même coup, revaloriser une profession qui commence à manquer de main-d'œuvre et qui sera bientôt confrontée au délicat dossier du maintien des salariés âgés à leur poste. « L'APB nous a permis de mettre en évidence que plus de 60 % des bouchers avaient des couteaux qui coupaient mal. Or plus un couteau coupe mal, plus l'opérateur force sur son poignet pour effectuer sa tâche, souligne Albert Servant, ingénieur-conseil à la Cram des Pays de la Loire. Nous avons donc cherché à sensibiliser les chefs d'entreprise pour qu'ils forment leurs salariés. »

Le « couteau qui coupe »

Chez Bigard, à Quimperlé (dans le Finistère), l'un des plus grands abattoirs et ateliers de découpe de la région, la démarche du « couteau qui coupe » a été payante. « Nous avons désormais des actions de formation sur l'entretien des couteaux, explique Guy Pendu, élu au CHSCT. Il y a quelques années, chacun entretenait ses outils comme il l'entendait. » Même cas de figure chez Euroviande où deux personnes à temps plein forment deux fois par an l'ensemble des salariés.

Achevée fin 2001, l'APB n'a pourtant pas laissé que de bons souvenirs. Car, hormis quelques entreprises pionnières et une multitude de guides, la démarche a, au bout du compte, été peu suivie d'effets. « Le démarrage a été difficile, se souvient Jean-Paul Liot, ingénieur-conseil à la direction des risques professionnels de la Cnamts. Quand nous parlions aux entreprises d'équipements de protection, elles acceptaient nos remarques. Mais dès que nous abordions le sujet des TMS, il y avait blocage car nous mettions alors directement en cause leur organisation du travail. » Pour Albert Servant, à la Cram des Pays de la Loire, « c'est le manque d'organisation des fédérations patronales qui a desservi la démarche. Nous n'avions aucun relais en région pour convaincre les chefs d'entreprise de nous suivre ». Du côté des entreprises, c'est l'aspect très théorique et peu opérationnel des guides proposés qui a découragé.

En Bretagne, depuis trois ans, la CFDT a repris le combat en signant une charte sur la reconquête de l'eau avec les industriels du secteur agroalimentaire regroupés en association. « Ce dossier fonctionne finalement mieux que l'APB, explique Joël Delépine, secrétaire fédéral à la FGA-CFDT de Bretagne. Nous avons fini par convaincre les employeurs qu'il n'y aurait pas de produits de qualité sans un travail de qualité. Aujourd'hui, les TMS ne sont plus un sujet tabou dans les entreprises bretonnes. »

20 % d'accidents du travail en moins en six ans : dans une filière qui cumule les mauvais points, ce résultat obtenu par Euroviande Service peut être considéré comme une performance.BARTOLI/MAXPPP

Auteur

  • A.-C. G.