logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Vie des entreprises

Le social un peu plus clean chez Onet que chez Samsic

Vie des entreprises | MATCH | publié le : 01.11.2004 | Éric Béal

Image

Le social un peu plus clean chez Onet que chez Samsic

Crédit photo Éric Béal

Dans un secteur peu réputé pour ses avancées sociales, Onet et Samsic veulent faire figure de bons éléments. Le premier se démarque par l'effort qu'il porte à la formation de ses agents et par son respect du fait syndical. Mais, dans les deux groupes, les marges de manœuvre sont étroites. Et la dispersion des salariés favorise les inégalités de traitement.

Ça gronde dans le nettoyage. Le 18 octobre dernier, les salariés du secteur étaient appelés à manifester devant le siège de la Fédération des entreprises de propreté et services associés (FEP), à Villejuif. D'autres manifestations étaient programmées à Nantes et à Lyon. Motif de cette poussée de fièvre, le récent échec des négociations entre la chambre patronale et les syndicats sur la création d'un treizième mois. Une péripétie de plus dans une branche où le dialogue social est réputé difficile.

Fataliste, un délégué syndical estime qu'en dépit de ce revers la politique contractuelle se porte mieux : « Il y a trente ans, le dialogue social, ça se terminait souvent à coups de manche de pioche. » Antoine Montant, le responsable des affaires sociales de la FEP, rappelle pour sa part que, depuis 2002, trois accords portant sur les classifications, le travail de nuit et la prime de transport ont été signés par les partenaires sociaux et que le régime de prévoyance de la branche a été amélioré. Le syndicat professionnel se démène aussi pour diffuser des outils de GRH auprès d'adhérents qui ne brillent guère par leur audace.

Dans ce domaine, Onet et Samsic, numéros un et quatre du secteur, avec respectivement 38 600 et 25 000 salariés, assurent se démarquer des mauvaises habitudes des entreprises du secteur – quelque 13 000 entreprises de nettoyage recensées par l'Insee –, dont la majorité sont des PME comprenant un à cinq salariés. « Nous avons beaucoup développé notre gestion des ressources humaines au cours des dernières années, explique Véronique Roux, DRH groupe d'Onet, une entreprise plus que centenaire d'origine marseillaise. Nos chefs d'agence disposent sur l'intranet d'un contrat de travail type et d'indications précises sur les règles à respecter en cas de reprise d'un chantier. Par ailleurs, chaque région compte un responsable des ressources humaines qui réalise un audit social tous les ans. »

Chez Samsic, le site Internet donne le ton : l'entreprise y indique avoir « toujours placé l'humain au centre de [ses] préoccupations ». P-DG et fondateur de cette société rennaise créée en 1986, Christian Roulleau affirme quant à lui accorder beaucoup d'importance aux relations de travail. « Nous demandons à nos responsables d'agence de créer une bonne ambiance pour fidéliser les salariés. » Tout en reconnaissant, par ailleurs, qu'en matière sociale sa marge de manœuvre est étroite car le nettoyage n'est pas rémunéré à sa juste valeur en France. « Il y a de plus en plus de salariés exploités, victimes de rythmes d'exécution trop importants », dénonce-t-il. Selon lui, dans les années 70, on exigeait d'un agent de propreté en moyenne 150 mètres carrés à l'heure. Aujourd'hui, la productivité a été multipliée par 2,2, pour atteindre 330 mètres carrés. « Chez Samsic, nous veillons à la cohérence entre le cahier des charges imposé et le prix négocié pour faire admettre à nos clients qu'à pousser la logique économique trop loin le turnover des équipes augmente et la qualité de prestation baisse », souligne-t-il.

La paie tombe le 15 du mois
SAMSIC Effectif 2003 : 22 000 salariés dont 17 000 dans le nettoyage (60 % à temps partiel). 80 agences. Chiffre d'affaires 2003 : 225 millions d'euros.NICOLAS

Cette pression sur les coûts, non sans effet sur la politique sociale menée par les entreprises de nettoyage, est la caractéristique numéro un du secteur. « La propreté est une industrie de main-d'œuvre qui ne bénéficie pas d'économies d'échelle, souligne Yann Gaudronneau, directeur de la région Ouest chez Onet et président de la commission sociale de la FEP. Les marges sont étroites. Il suffit de deux heures hebdomadaires en trop sur un chantier et nous perdons de l'argent. » Autre particularité du métier, les techniques utilisées dans le nettoyage n'ont guère évolué depuis des décennies, et les interventions dans le tertiaire, qui constituent 75 % du marché, ne nécessitent pas de savoir-faire particulier. Le marché est donc très ouvert. Ce qui a permis à Christian Roulleau de se lancer en 1986 dans la création d'entreprise. Dix-huit ans plus tard, son groupe a absorbé une cinquantaine de concurrents et possède, comme Onet, des agences partout en France afin de pouvoir répondre aux appels d'offres multisites des grandes entreprises.

Chez Samsic, on prétend refuser un chantier plutôt que d'écraser ses prix. Les responsables d'agence sont néanmoins mis sous contrainte. « Nous leur donnons des cadres de fonctionnement annuels à respecter. Les objectifs financiers doivent être atteints. » Une pratique que dénonce Souleyman Soumarou, membre du CHSCT de la filiale francilienne et conseiller CGT des salariés. « Les managers subissent une telle pression pour atteindre le niveau attendu de profitabilité que les heures complémentaires non payées sont nombreuses. Dans certaines agences, les salariés attendent le 15 du mois pour toucher leur paie, quand ce n'est pas le remboursement de la carte Orange qui disparaît. » Chez Onet, les responsables d'agence affirment effectuer des ajustements en fonction des impératifs financiers des clients. « On revoit le cahier des charges avec le client et on diminue le nombre d'heures sur le chantier. Lorsqu'il exige une baisse trop importante, nous pouvons lui demander de participer aux coûts sociaux inévitables, si l'on doit, par exemple, réduire les effectifs », explique un chef d'agence. Mais Hayriye Sévinc, seize ans de métier dont six chez Onet, ne voit pas de différence dans les pratiques des grands du nettoyage : « Les chefs d'agence Onet sont aussi près de leurs sous que ceux des autres entreprises. Leurs salariés subissent les mêmes contraintes de rentabilité, qui se traduisent par un accroissement d'activité sans modification du temps de travail. »

Nouvelle grille de classifications

Conscients des effets pervers de cette pression sur les prix et désireux de trouver un moyen d'en sortir, les partenaires sociaux du secteur ont réagi. Signée en 2002, l'annexe 1 de la convention collective de la branche entérine notamment l'élargissement des activités des entreprises de propreté par l'intégration de services associés et adopte une classification adaptée des emplois. La direction d'Onet y voit un double avantage : la possibilité d'obtenir un complément d'activités et de plus grandes facilités pour gérer le personnel. « Nous allons pouvoir faire évoluer nos agents de nettoyage vers les services de proximité comme le service de course, les petits déménagements ou le courrier », souligne Véronique Roux.

Un espoir que partage Didier Bonte, délégué central CFDT et secrétaire du CE chez Safen, filiale d'Onet. « Les prestations annexes sont un moyen d'apporter des heures complémentaires aux salariés, estime-t-il. Ceux qui exerçaient déjà ce genre d'activités devraient pouvoir faire reconnaître leur qualification plus facilement et obtenir des augmentations de salaire. » Mais Christian Roulleau, le P-DG de Samsic, ne voit là rien de nouveau. « Ça n'arrêtera pas la guerre des prix. Et, de toute façon, nous formions déjà notre personnel en fonction des demandes de nos clients. »

Avant de se concrétiser par des heures complémentaires ou une qualification plus élevée, l'application de la nouvelle grille n'a pas été simple dans les deux entreprises. Chez Samsic, nombre de délégués du personnel estiment qu'elle a été habilement utilisée par la direction pour contenir les augmentations. « En négociant serré, les syndicats ont obtenu quelques requalifications tenant compte de l'expérience et de l'ancienneté. Mais la majorité des salariés a été bernée », estime Souleyman Soumarou, de la CGT. Un constat que partagent certains représentants du personnel d'Onet.

Autre sujet de polémique entre les entreprises et les syndicats, l'annexe 7 de la convention collective prévoit qu'en cas de changement de prestataire les contrats de travail des ouvriers attachés au chantier seront transférés à la société ayant gagné le marché, sans modification du temps de travail ni de la rémunération. Ce texte, qui reprend l'article L. 122-12 du Code du travail, est à l'origine d'un turnover très élevé chez l'ensemble des prestataires. Juridiquement, les salariés passant d'un employeur à un autre ne peuvent se voir imposer de baisse de salaire. Ainsi, dans le groupe Onet, précise la DRH, les primes octroyées par l'employeur précédent sont conservées. Mais, dans les faits, Véronique Roux admet que les chefs d'agence ont une très large délégation de pouvoir qui leur permet de prendre toute décision pour « caler » un chantier. « Par exemple, ils réduisent le nombre d'heures des salariés à temps partiel. Ce qui revient à diminuer leur salaire », affirme Didier Bonte, de la CFDT.

Même gestion au cordeau chez Samsic. « Dans mon ancienne entreprise nous touchions la participation, et le financement du comité d'entreprise était assuré à hauteur de 0,8 % de la masse salariale. Aujourd'hui, je n'ai plus de participation et le CE ne bénéficie que du 0,3 % imposé par la loi pour financer ses activités sociales », explique Bernardino Oliveira, délégué syndical central CFDT de la filiale d'Ile-de-France.

Des différences de traitement

Face à des salariés disséminés sur de multiples chantiers, dont plus de 60 % à temps partiel, les entreprises de propreté sont soupçonnées par leurs interlocuteurs syndicaux de diviser pour régner. Les discussions sur le nombre d'heures à effectuer ou la distribution des tâches sont menées directement sur le lieu de travail, ce qui rend les employés ignorants des accords passés sur d'autres chantiers. D'où des différences de traitement au sein d'une même entreprise. Exemple : le personnel de Samsic affecté à la tour Elf de la Défense bénéficie du treizième mois, à la suite d'un mouvement social. Ailleurs, la direction ne paie pas les heures effectuées le samedi en cas d'absence le vendredi.

S'il y a désaccord entre une direction d'agence et ses salariés, seule la menace d'un conflit social ou d'un recours aux prud'hommes est susceptible de faire reculer le responsable. « Mais, entre des femmes seules qui n'ont que leur salaire pour élever leurs enfants, des anciens du bâtiment qui sont à quelques années de la retraite et des immigrés qui craignent pour le renouvellement de leur carte de séjour, il est difficile d'organiser un mouvement social », déplore un syndicaliste de Samsic.

D'autant que l'exercice du droit syndical n'est pas toujours une sinécure dans le secteur du nettoyage. Chez Onet, Didier Bonte se sent écouté et ses interventions sont prises en compte par la DRH. Ce n'est pas le cas à Samsic, où les syndicats se plaignent de subir des pressions ou des mesures discriminatoires visant à calmer leurs ardeurs. « Juste après ma nomination, mon chef d'agence m'a proposé une prime, explique ainsi Bernardino Oliveira. Avec un message clair : je n'avais qu'à rester tranquille et à m'occuper de mes affaires… »

Recrutement plus professionnel

En matière de formation, les deux entreprises mènent des politiques sensiblement différentes. Si Samsic investit 4,16 % de sa masse salariale dans la formation, l'Ifes, sa filiale spécialisée, accueille surtout des membres de l'encadrement. « Un cadre ou un commercial vient au moins trois semaines par an à Rennes pour se former », indique Bruno Leroux, le DRH de Samsic, qui ne cache pas que la formation des agents de nettoyage travaillant dans les bureaux n'est pas une priorité pour l'entreprise. Conséquence, bien qu'adhérent à la FEP depuis quatre ans, Samsic a très peu utilisé les conseils du Fonds d'action pour la réinsertion et l'emploi (Fare), une association créée par la branche et financée par une taxe de 0,15 % sur la masse salariale des entreprises. Seules 4 des 80 agences utilisent Oasis, l'« outil d'aide à la sélection et à l'intégration des salariés » développé par le Fare.

Onet a au contraire choisi d'utiliser cette méthode. Dans 80 de ses 200 agences, les contremaîtres et les assistantes administratives s'appuient sur ses fiches pratiques. « Nous essayons de professionnaliser nos méthodes de recrutement, reconnaît Véronique Roux. Oasis aide les managers à mieux recruter et intégrer les candidats. Nous utilisons également les conseils du Fare pour former des tuteurs et améliorer l'intégration des jeunes. » Un certain nombre d'agents expérimentés sont envoyés en stage dans l'un des sept centres de formation de l'Inhni, l'organisme de formation de la branche. Objectif : les rendre compétents sur l'entretien des espaces verts, les petits travaux électriques ou encore de plomberie. « Une fois formés, ils seront chargés de transmettre leur savoir-faire à leurs collègues », précise Yann Gaudronneau.

Reste que, dans les agences, les salariés ont du mal à percevoir le changement. Un syndicaliste d'Onet Service, la filiale la plus importante du groupe, estime que si le tutorat entre dans les mœurs, il est souvent difficile de trouver des volontaires à une formation, car un grand nombre de salariés ont plusieurs employeurs et multiplient les chantiers pour atteindre un salaire correct. « Dans ces conditions, il leur est difficile de dégager le temps nécessaire pour se former. »

Des fiches de paie peu reluisantes

Pour Mohamed Bounaquara, délégué syndical FO chez Onet Métro, le problème serait plutôt lié aux critères de choix. « Le contremaître ou le chef d'agence choisissent les bénéficiaires en fonction de paramètres que nous ne connaissons pas. Et les stages d'alphabétisation sont toujours réservés à la maîtrise. » Sans surprise, les représentants du personnel de Samsic constatent que les formations sont plutôt attribuées aux cadres. En Ile-de-France, où 67 % des salariés sont d'origine étrangère, cette situation provoque des effets pervers, selon Souleyman Soumarou, de la CGT. « Les salariés qui ne savent ni lire ni écrire le français ne suivent pas les instructions indiquées avant d'utiliser des produits toxiques. Les proportions eau-détergent recommandées dans les vaporisateurs ne sont pas toujours respectées et cela peut avoir des conséquences sur la santé des agents. »

Ce militant CGT n'est guère étonné des difficultés que rencontre la profession pour attirer les jeunes. « La recherche systématique du moindre coût pèse sur nos conditions de travail. Un seul exemple : les sacs-poubelles en plastique sont trop fins et se déchirent. Ça nous fait perdre du temps alors que les cadences augmentent. » D'autant qu'avec cent vingt heures de travail en moyenne par mois les fiches de paie ne sont pas vraiment reluisantes.

Bisbilles syndicales
Onet veut profiter de la nouvelle convention de branche pour élargir ses activités et faire évoluer ses agents vers d'autres travaux, du type petite réparation d'électricité.BESSARD/REA

Si la réputation des employeurs de la propreté n'est pas flatteuse, les syndicats du secteur traînent aussi quelques casseroles. Dans les entreprises, les syndicalistes eux-mêmes admettent l'existence de délégués syndicaux « achetés » par la direction.

« Je suis régulièrement sollicité par des salariés qui souhaitent obtenir un mandat, explique Laurent Grognu, responsable du secteur nettoyage à la Fédération CGT-FO de l'équipement, des transports et des services. Il n'est pas rare qu'en discutant de ses motivations, je me rende compte que la personne est envoyée par une direction recherchant un représentant syndical à sa main. » Du côté des organisations syndicales, les motivations des responsables ne sont pas non plus toujours limpides.

La CFDT et la CGT-FO ont débarqué leurs dirigeants indélicats en toute discrétion.

Ce n'est pas le cas de la CGT, où Aly Sawadogo, secrétaire général du Syndicat CGT des agents de propreté de la région parisienne, voit sa gestion critiquée par Youssouf Diagne, élu à la commission exécutive, et par un certain nombre d'opposants regroupés dans un collectif. Ces derniers dénoncent le manque de démocratie au sein du syndicat, des comptes opaques et un fonctionnement approximatif de la commission exécutive. À leur demande, le TGI de Paris a nommé un administrateur judiciaire le 12 août 2002, chargé d'organiser un congrès explicatif. Lequel a eu lieu sans modifier la situation d'un iota. Dans une lettre adressée à Bernard Thibault en juin 2004, les contestataires reviennent sur les raisons du malaise, soulignant que la désignation centralisée des délégués syndicaux CGT obéit essentiellement à des « besoins personnels et égoïstes ». Responsable de l'espace vie syndicale à la confédération, Gérard Billon avoue son impuissance. « Nous avons essayé de rapprocher les points de vue, mais nous ne sommes arrivés à rien. Les statuts des syndicats et fédérations CGT leur confère une grande autonomie. » Reste que la décision du comité confédéral national d'autoriser la création de syndicats interprofessionnels, une nouveauté à la CGT, pourrait permettre l'émergence d'un syndicat CGT alternatif dans le secteur.

Auteur

  • Éric Béal