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Politique sociale

Ces maisons de l'emploi où cohabiteront ANPE, Unedic et acteurs locaux

Politique sociale | ZOOM | publié le : 01.11.2004 | Anne Fairise

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Ces maisons de l'emploi où cohabiteront ANPE, Unedic et acteurs locaux

Crédit photo Anne Fairise

Simple guichet d'accueil de chômeurs ou dispositif d'animation territoriale, cellule centrée sur un public ou plates-formes ouvertes à tous… Quelque 150 antennes sont, sur le terrain, susceptibles d'être labellisées « maison de l'emploi » dans le cadre du plan Borloo. Reste à régler la question de leur pilotage entre le service public de l'emploi et les collectivités locales.

Le téléphone n'arrête pas de sonner à la Cité des métiers de Belfort. Depuis que Jean-Louis Borloo a annoncé la création, d'ici à 2006, de 300 maisons de l'emploi dans le cadre de son plan de cohésion sociale, nombre d'élus veulent tout savoir de cette structure départementale, créée en 1999, qui ressemble comme deux gouttes d'eau à la future maison Borloo. Un lieu à la fois de coordination entre les collectivités territoriales et le service public de l'emploi et d'accueil du public.

C'est du moins l'avis de Bertrand Creusy, son directeur, qui pourrait installer l'enseigne « Maison de l'emploi » à l'entrée de ce bâtiment de 1 600 mètres carrés. « Nous avons toutes les caractéristiques énoncées dans le projet de loi. C'est un multipartenariat construit autour d'un diagnostic partagé, un lieu ouvert à tous les publics. À la Cité des métiers, on trouve une plate-forme de conseil pour la vie professionnelle et des services spécialisés, de la cellule chargée du suivi des allocataires du RMI à la mission locale pour les jeunes, qui sont maîtres-d'œuvre de la politique d'insertion du département ou du volet emploi de la politique de la ville. »

Sur l'île de Noirmoutier, en Vendée, les élus du district, qui regroupe 10 000 habitants en quatre communes et dix hameaux, n'ont pas tergiversé. Ils ont déjà demandé la labellisation de leur agence locale, d'ambition plus modeste, montée en 1993 pour rompre l'isolement des chômeurs insulaires. « L'antenne ANPE n'était ouverte que l'été. Or l'agence la plus proche est à 45 kilomètres. Le nombre de demandeurs d'emploi augmentait alors que les entreprises locales avaient de plus en plus de mal à trouver des saisonniers. Il fallait agir, rapprocher l'offre de la demande », rappelle Marie-France Léculé, sa directrice. Depuis, elle n'a eu de cesse de regrouper tous les services susceptibles d'accompagner les 700 personnes inscrites dans les fichiers, « demandeurs d'emploi ou pas ». Dans ce local exigu, quatre salariés territoriaux, épaulés trois jours par semaine par un agent de l'Anpe, prospectent les entreprises de l'île. Les inscriptions à l'Assedic ont été centralisées ici, et un visiophone installé. La mission locale de Challans y assure une permanence un jour par semaine ; l'association Cap Emploi pour les handicapés, un après-midi par mois…

Même enthousiasme à Dunkerque où, dès le mois de septembre, les élus ont fait déposer sur les bureaux du ministère un projet de maison de l'emploi d'une tout autre dimension. Ici non plus, il ne s'agit pas d'une création ex nihilo. Dans cet ancien bassin sidérurgique où le taux de chômage a atteint jusqu'à 17 %, la mission locale d'agglomération et le plan local pour l'insertion et l'emploi (Plie) par l'économique, qui accompagne 5 000 chômeurs de longue durée et RMIstes, partagent depuis treize ans le même toit, au sein d'une même structure associative. Alors qu'un nouveau programme territorial de l'emploi est dans les tuyaux (élargissement à cinq intercommunalités rurales du périmètre actuel couvrant 18 villes), le projet Borloo tombe à pic. Pour l'accompagner et, note Marcel Tibier, directeur du Plie, « formaliser plus encore les partenariats déjà existants avec l'ANPE ».

La maison Borloo embrasse large
Référence du projet Borloo, la maison de Rueil a été créée en 1989 pour stimuler le tissu local et accompagner les publics en difficulté.LUC PERENOM

« Les demandes de labellisation ? Ça mord bien », reconnaît un conseiller du ministère de l'Emploi qui comptabilise près de 250 candidatures. Mais, Rue de Grenelle, on a pour l'instant recensé quelque 150 structures, généralement créées par des communes, comme base possible d'une future maison de l'emploi… du simple regroupement géographique de services à une structure d'animation territoriale, du dispositif centré sur un public particulier ou d'un sommaire guichet d'accueil des chômeurs à des plates-formes également ouvertes aux salariés et créateurs d'entreprise. Et rares sont les expériences qui répondent au concept ambitieux de Jean-Louis Borloo.

Car sa maison de l'emploi (MDE) embrasse large. Objectif ? Mener « des actions de prévision des besoins de main-d'œuvre et de reconversion des territoires, notamment en cas de restructuration ». Les MDE « peuvent également participer à l'accueil et à l'orientation des demandeurs d'emploi » et, pour tous les publics, « à l'orientation en formation, à l'accompagnement, à l'aide à la création d'entreprise ».

Exemple de bonne pratique souvent citée au ministère : la maison de l'emploi de Rueil-Malmaison, dans les Hauts-de-Seine, qui propose des services très intégrés entre la mission locale, le Plie, des observatoires sur l'emploi ou l'alternance à l'échelle de trois communes : Rueil, Garches et Vaucresson. Elle aurait servi de modèle au projet de loi Borloo. En 2003, plus de 2 000 personnes ont fréquenté cette grande maison en pierre, consulté les offres d'emploi et annonces placardées sur les murs ou été reçues par des conseillers spécialisés.

Depuis sa création en 1989 à l'initiative du maire UMP Jacques Baumel, la maison de l'emploi a travaillé dans deux directions : l'accompagnement des personnes en difficulté et la stimulation du tissu économique local, en collaboration avec les entreprises locales, en faisant émerger les emplois cachés et en impulsant la création de structures d'insertion par l'économique. Depuis dix ans, elle a rassemblé, sous le statut de groupement d'intérêt public, tous les services emploi-formation. « Cela nous a permis d'autonomiser la structure face aux collectivités territoriales, mais aussi de mieux inscrire le partenariat dans les actes. Car tous les membres du GIP, qu'il s'agisse des services de l'état, de la ville, du département, de la région, des associations, des partenaires sociaux ou des entreprises, signent une convention, après s'être entendus sur un contrat territorial pour l'emploi et l'insertion, avec des objectifs chiffrés », note Marie-Pierre Establie, la directrice.

Pas d'usines à gaz

Surtout, la maison de l'emploi de Rueil a été le creuset de l'expérience Plie. Elle a créé l'association Alliance Villes Emploi, qui regroupe des élus de toute obédience, afin de professionnaliser et de diffuser les actions menées dans ce cadre. Bilan : sur les 111 000 personnes en grande difficulté entrées en parcours personnalisé entre 2000 et 2002 dans un Plie, 34 % sont sorties vers un contrat de plus de six mois ou vers une formation qualifiante. Durée moyenne des parcours : dix-neuf mois.

De quoi, selon Marie-Pierre Establie, plaider auprès du cabinet Borloo pour que les Plie servent de base aux futures maisons de l'emploi. « Il y a une méthodologie et un savoir-faire expérimentés depuis dix ans. Évitons de construire de nouvelles usines à gaz. L'intérêt du projet de loi est de professionnaliser les initiatives locales et de généraliser les bonnes pratiques. » L'Alliance Villes Emploi s'est attelée à la rédaction d'un cahier des charges pour les maisons de l'emploi.

Mais le modèle Rueil a de la concurrence. À Bonneville, en Haute-Savoie, la maison de l'emploi créée en 1997 par les communes de la vallée de l'Arve accueille sans restriction demandeurs d'emploi, créateurs d'entreprise ou salariés en reconversion. « Cela pose les bases d'une émulation », commente Dominique Huard, son directeur. L'association, axée à la fois sur la recherche d'emploi, la création d'entreprise et le conseil aux entreprises, reçoit presque autant de candidats à la création d'entreprise que de demandeurs d'emploi. « En raison de l'enclavement de la vallée, l'ANPE a été tout de suite associée au projet », poursuit le directeur de la maison. Une cinquantaine d'associations viennent tour à tour animer des permanences. Dominique Huard a mis en place un accueil avec une équipe de six personnes chargées d'orienter le nouvel arrivant vers la bonne structure. « Quand il y a de multiples partenariats, reprend-il, on peut se retrouver confronté à des questions de priorité, chaque structure étant présente pour des interventions spécifiques. Nous avons passé beaucoup de temps à nous faire repréciser les missions des uns et des autres, à rappeler où commence et où s'arrête l'accompagnement. Exemple : où orienter un jeune ayant travaillé et souffrant d'un léger handicap ? Vers la mission locale, l'ANPE ou l'association Cap Emploi pour les handicapés ? »

Plate-forme interprofessionnelle

Autre configuration encore, à Bressuire, dans les Deux-Sèvres, où, en 2000, le syndicat mixte du pays a réuni sous un même toit l'ensemble des partenaires impliqués dans l'information, l'orientation professionnelle et l'emploi. Inutile de rechercher le pilote de la structure, il n'en existe pas. « À l'origine, le regroupement s'est fait sur la base d'un projet immobilier, porté par le syndicat mixte, qui est propriétaire des lieux », rappelle Alain Robin, directeur du comité de bassin d'emploi. Si des actions communes ont été menées en raison de la cohabitation des différentes structures, c'est la préfecture qui a créé le déclic, en 2003, en choisissant le comité de bassin d'emploi comme pilote d'une plate-forme de reconversion territoriale, après la fermeture successive de plusieurs entreprises de confection.

« Plutôt que chaque entreprise monte sa propre cellule de reclassement, nous avons mutualisé les financements pour créer une plate-forme interprofessionnelle associant tout le monde, partenaires sociaux inclus» , résume Alain Robin. En septembre dernier, après dix-huit mois de fonctionnement, 64 % des 378 salariés licenciés recherchant un emploi étaient en CDI, en CDD de six mois ou en formation qualifiante. Un résultat jugé « encourageant ».

« La maison de l'emploi n'est pas un concept rigide et figé », estiment les services du ministère de l'Emploi. Dans l'entourage de Jean-Louis Borloo, on souligne qu'il s'agit de coller au mieux aux réalités du terrain. Il n'est évidemment pas question » de créer ex nihilo une maison là où les acteurs de terrain ont mis en œuvre des outils de ce type ». Reste que le texte du projet de loi inquiète. D'autant que la collaboration voulue entre le service public de l'emploi et les collectivités locales implique de redéfinir les missions.

Les syndicats de l'ANPE inquiets

Réservé, le Conseil économique et social a pointé, fin août, « l'imprécision des textes » qui l'amène à s'interroger sur « le fonctionnement futur de ces structures et leur efficacité visée ». Sur le terrain, les syndicats de l'ANPE sont vite montés au créneau, fustigeant une confusion des responsabilités. « Au nom de la simplification, ne va-t-on pas créer une structure supplémentaire alors que tout le monde dénonce l'empilement des dispositifs ? » se demande à juste titre Noël Daucé, du SNU-ANPE.

Autre source d'inquiétude syndicale : les moyens que l'Agence consacrera aux futures maisons de l'emploi. « Elles vont permettre une meilleure coordination des financeurs d'actions en faveur de l'emploi ou de la formation, ce qui sera l'occasion de faire un diagnostic commun et de repérer les besoins en accompagnement des personnes les plus en difficulté, dont les maisons de l'emploi auront la responsabilité. S'il existe déjà un lieu, l'ANPE pourra aider à structurer notamment l'accueil et l'orientation. Nous irons vers des systèmes d'information partagés », explique Jean-Marie Marx, directeur général adjoint de l'ANPE.

La question du pilotage des maisons de l'emploi, qui doivent inclure, selon le projet de loi, « a minima » le service public de l'emploi (directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, ANPE, Assedic et Afpa) et « au moins une collectivité territoriale », semble particulièrement épineuse. Seul Dunkerque, où les élus se disent prêts à confier les clés de la future maison de l'emploi à l'ANPE, du moins pour l'accompagnement des publics en difficulté, fait figure d'exception : « Un seul pilote facilitera la cohérence des actions. Nous considérons que la compétence emploi relève de l'état. Les initiatives locales s'inscrivent en complémentarité », estime Michel Tibier, directeur du Plie.

Mais, partout ailleurs, les élus qui ont mis sur pied, avec succès, des services de proximité et des partenariats réussis sur l'emploi, ne sont pas prêts à lâcher les commandes. Même au profit d'un GIP, comme le préconise le projet de loi soumis en octobre aux parlementaires. Autant dire qu'en coulisses les lobbys s'activent au Palais-Bourbon.

Jobcentre Plus, l'exemple britannique
Suivi personnalisé, services regroupés dans un même lieu : les Jobcentre Plus, au cœur du système britannique, ont également inspiré les pouvoirs publics français.GOLDWATER/NETWORK/RAPHO

Le Jobcentre Plus de Highgate a reçu en juillet dernier un visiteur prestigieux : Laurent Hénart. C'est en effet cette pimpante agence du nord de Londres que le secrétaire d'état à l'Insertion professionnelle des jeunes a visitée pour y puiser des idées qui pourraient être utilisées dans les maison de l'emploi proposées par Jean-Louis Borloo. « On lui a détaillé le fonctionnement d'un Jobcentre Plus en lui expliquant étape par étape le déroulement d'une visite d'un de nos clients », explique Ruth McAllister, chargée du dossier au ministère de l'Emploi. Les Jobcentre Plus sont depuis 2001 au cœur du système britannique de recherche d'emploi. Ces nouvelles agences ne sont pas seulement plus agréables (couleurs vives au mur, ordinateurs) et plus confortables (moquettes, fauteuils en cuir) : elles se veulent un instrument plus efficace avec une gamme de services plus étendue.

À leur arrivée dans l'un des 543 Jobcentre Plus du Royaume-Uni, les usagers – désignés par le vocable de clients – sont accueillis par un conseiller qui les oriente vers le service le mieux adapté à leur requête. « Que vous ayez un problème avec vos allocations chômage ou que vous veniez pour un bilan de compétences, tout se passe dans le même lieu », explique Ruth McAllister. Chaque client bénéficie d'un suivi personnalisé et doit se plier à un régime strict de rendez-vous et d'entretiens, comme le rappelle Mark, un demandeur d'emploi de 28 ans, de l'agence de Highgate. Pendant six mois, cet informaticien de formation a touché 55 livres par semaine (80 euros). Après six mois, il a rejoint le programme New Deal. « C'était obligatoire pour que je continue de toucher les allocations, explique-t-il. Ce programme organise des stages, des expériences professionnelles et des formations. » Pour le gouvernement, le coût total de l'opération en 2003-2004 s'est élevé à 600 millions de livres (870 millions d'euros). Fort de son succès, il veut ouvrir d'ici à 2010 1 000 Jobcentre Plus dans l'ensemble du Royaume-Uni.

Jérôme Rasetti, à Londres

Marie-Pierre Establie, directrice de la maison de l'emploi de Rueil : « Les Plie ont un savoir-faire expérimenté depuis dix ans. Évitons de bâtir de nouvelles usines à gaz. »LUC PERENOM

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  • Anne Fairise