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Une partie délicate à jouer

Dossier | publié le : 01.11.2004 | C.L.

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Des relations sociales dégradées. Comment qualifieriez-vous vos relations avec les partenaires sociaux ?

Crédit photo C.L.

Les turbulences de l'environnement pèsent sur le moral des salariés et le climat social. S'il y a peu de conflits ouverts, absentéisme et litiges sont en hausse. Dans ce contexte, la faiblesse du relais syndical n'arrange pas les choses.

Alors qu'on demande aux salariés d'être de plus en plus impliqués pour relever les défis de l'entreprise globale, ces derniers sont déstabilisés par les turbulences de l'environnement, selon les DRH interrogés dans notre enquête. Leur motivation est souvent en berne, comme l'indiquent les baromètres de satisfaction que les entreprises multiplient pour vérifier leur adhésion aux projets, mais aussi les attentes et les inquiétudes de leur personnel. Les sujets de mécontentement sont globalement les mêmes que ceux constatés l'année dernière. 46 % des DRH jugent l'environnement macroéconomique défavorable au climat social dans leur société. 55 % mettent en avant les restructurations, 54 % la charge et les conditions de travail, 49 % l'évolution des effectifs.

Pourtant les salariés comprennent de mieux en mieux les enjeux stratégiques auxquels leur entreprise est confrontée parce que la direction leur fait de mieux en mieux partager. 73 % des personnes interrogées estiment en effet qu'ils sont bien acceptés. Le DRH de La Poste, Georges Lefebvre, résume cette contradiction : « Il y a une bonne compréhension des changements en cours, mais beaucoup de salariés se demandent ce qui va leur arriver. Cela demande un gros travail de clarification. »

Il n'empêche que la modernisation fait peur, parfois de façon irrationnelle, souvent à juste titre. Le marché du travail n'offre aucune garantie en cas de licenciement. Face au stress né des conditions de travail et de l'incertitude, les anciens n'ont plus de soupape de sécurité. Le mécontentement face à l'éloignement du départ à la retraite est souligné par 65 % des DRH et à l'arrêt des préretraites par 57 %. Rien de surprenant alors que près d'un quart des DRH fassent état d'une montée de l'absentéisme. Un score à relier aux 6,7 millions d'arrêts de travail enregistrés en France en 2003, soit un taux de 7, 2 %. Ce sont les salariés « vieillissants » qui sont concernés au premier chef. « Le taux d'absentéisme est stable chez nous, mais à un niveau élevé, car nous avons une population âgée », précise Dominique Laurent. On notera aussi qu'une part substantielle des DRH (27 % d'entre eux) constatent une augmentation du nombre de litiges devant les prud'hommes, du nombre de licenciements pour faute (20 %) ou encore d'affaires de harcèlement moral (16 %), qui témoignent de la dégradation du climat social.

La préservation de l'emploi au premier plan

Pour autant, ces formes de résistance passive ne se traduisent pas par des conflits ouverts. 40 % des responsables RH observent une baisse du nombre de jours de grève. C'est le seul indicateur social qui fléchisse autant. Il faut dire que, sauf menace ouverte de fermeture de site, les salariés font le dos rond, comme dans toutes les périodes de crise. C'est aussi pourquoi les rémunérations ou les perspectives de carrière passent au second plan derrière la préservation de l'emploi. 60 % des DRH de notre baromètre indiquent que les salariés se satisfont de leur salaire. Dans ce contexte, les relations avec les partenaires sociaux ne sont généralement pas au beau fixe. Plus d'un tiers des DRH interrogés notent une dégradation de leurs relations avec les représentants du personnel ou syndicaux en raison de la conflictualité dans l'entreprise. Pour Dominique Laurent, d'ElcoBrandt, « les syndicats restent dans une logique d'opposition, au lieu d'accompagner les changements, ce qui durcit le climat social ». Pour autant, 78 % des DRH jugent que la compréhension partagée des grands enjeux progresse, tout comme la transparence du dialogue (87 %).

Comment expliquer cette nouvelle contradiction ? C'est peut-être dans la faiblesse de la représentativité syndicale, soulignée par 73 % des sondés, qu'il faut chercher des éléments de réponse. Certains DRH pensent même que cette faible représentativité conduit les syndicats à faire de la surenchère pour conserver leur légitimité. Au risque de ne plus représenter qu'eux-mêmes. Les baromètres de satisfaction montrent parfois d'étonnants décalages entre les positions des salariés et leurs représentants. Il faut dire aussi que, dans un contexte d'individualisme, les syndicats sont surtout considérés comme des pompiers. Quant à l'engagement collectif… « On sent bien que les relations entre les entreprises et les syndicats sont à un moment charnière, affirme Christian Delhaye, responsable du service du personnel de Michelin pour la France. Afin de se maintenir, certains essaient l'opposition, d'autres la concertation. »

Faire progresser le dialogue social

« Les syndicats sont affaiblis. C'est un facteur de risque, juge Georges Lefebvre, de La Poste. Il faut les aider à trouver leur légitimité. » Un sentiment largement partagé. 61 % des DRH déclarent avoir lancé des actions dans ce domaine. Ils n'étaient que 53 % l'an dernier. La Poste a signé en juin dernier un accord sur les principes et les méthodes du dialogue social pour « faire progresser la pratique et la qualité du dialogue, renforcer les relations de confiance et de respect et réaffirmer la légitimité des organisations syndicales représentatives ». L'objectif est aussi de promouvoir un dialogue social décentralisé conforme à sa nouvelle organisation par métiers (grand public, courrier et colis).

C'est par le biais d'accords innovants que le dialogue social pourrait connaître une nouvelle jeunesse. 48 % des DRH en font le constat et 29 % déclarent avoir signé davantage d'accords que l'an passé. « Nous sommes dans une vraie dynamique sur ce terrain avec les partenaires sociaux », relate Christian Delhaye. Il est vrai qu'il y a du grain à moudre autour des enjeux sociétaux : gestion des âges, couverture sociale, parité, handicapés, intégration des jeunes issus de l'immigration. De nombreuses sociétés planchent sur ces sujets. En juin dernier, EADS a signé un accord sur la parité. Quant au groupe PPR, il a lancé une « mission handicapés ». « Cela fait partie de la légitimité sociale et économique de l'entreprise de s'impliquer sur tous ces sujets », estime Emmanuel Van Innis, DRH du groupe Suez. Elle y est aussi conduite par le législateur. Parmi les axes émergents des politiques RH, les DRH citent, pour 32 % d'entre eux, la gestion des âges (voir page 75), la mise en place du nouveau dispositif de formation (31 %), le développement de l'épargne salariale et des compléments de retraite (21 %), l'optimisation de la protection sociale complémentaire (13 %).

Des orientations législatives « inadaptées »

Mais si les DRH sont favorables à la signature d'accords d'entreprise, ils sont, en revanche, beaucoup plus réservés quant aux contraintes imposées par la législation. 65,3 % jugent les orientations du législateur inadaptées aux réalités économiques et 69,7 % aux besoins des entreprises. Dominique Laurent, d'ElcoBrandt, dénonce un cadre mouvant et complexe. « Avec les 35 heures, les salariés travaillent moins, mais avec la réforme sur les retraites, ils doivent rester plus longtemps en activité. Il y a de quoi devenir schizophrène. » Difficile, également, de négocier en même temps la réforme de la formation professionnelle et celle du dialogue social. « Il faut maintenant stabiliser le cadre. Les entreprises ne peuvent plus suivre à un moment où elles sont confrontées à des défis considérables. »

Christian Delhaye, de Michelin, pointe, pour sa part, les difficultés de mise en œuvre des nouveaux dispositifs. « Prenons l'exemple de la réforme de la formation. Pourquoi aller aussi loin sur les contraintes en termes de moyens au lieu de fixer simplement des orientations et de laisser les entreprises s'organiser ? C'est un vrai casse-tête administratif », regrette-t-il. Un discours déjà entendu à l'époque des lois Aubry !

Auteur

  • C.L.