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Ces DRH qui usent des ficelles du marketing pour séduire les salariés

Vie des entreprises | ZOOM | publié le : 01.10.2004 | Catherine Lévi

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Ces DRH qui usent des ficelles du marketing pour séduire les salariés

Crédit photo Catherine Lévi

Passés maîtres dans l'art du marketing, les Unilever, Accor et autres PPR utilisent les mêmes ressorts dans leur politique RH. Objectif : vendre le groupe auprès des candidats à l'embauche, comme des salariés que l'on cherche à retenir, en mettant en avant ses atouts d'employeur. Encore faut-il ne pas se contenter de slogans et tenir ses promesses.

« Révélons vos talents pour la Vie ». Décliné depuis mars dernier sur tous les supports écrits de recrutement et de communication interne de Pfizer, le slogan accompagne une photographie présentant cinq salariés de styles et d'âges distincts, chacun peinturluré d'une touche de couleur différente. L'objectif avoué est d'illustrer la palette des talents individuels qui contribuent à la réussite collective de l'entreprise. Signée du slogan corporate du laboratoire pharmaceutique, « Pfizer, la Vie, nous y consacrons notre vie », cette composition doit laisser, selon ses concepteurs, une part d'interprétation à chacun. Mais le message n'a rien de subliminal. Vice-président des ressources humaines, Yves Grandmontagne le résume ainsi : « Pfizer s'engage à créer un environnement de travail motivant pour permettre à chacun d'être acteur de son développement en participant à des projets diversifiés et passionnants et en facilitant les initiatives. »

Pour être perçu comme un employeur attractif, le laboratoire pharmaceutique n'a pas hésité à appliquer les techniques du marketing au management des hommes et de l'emploi. Et Pfizer n'est pas un cas isolé. Unilever, Accor, Groupama, Bouygues Telecom, Deloitte, PPR et bien d'autres se sont lancés dans ce que certains appellent une démarche de marque employeur, d'autres du marketing social ou encore du marketing employeur. Peu importe la dénomination, la recette est identique. Pour attirer et retenir les talents auxquels la concurrence fait les yeux doux, une entreprise doit savoir se vendre, en mettant en exergue ce qu'il y a d'unique dans sa politique de ressources humaines et en prenant des engagements en termes de réalisation personnelle, de progression de carrière, d'équilibre entre vie professionnelle et vie privée, etc. Une sorte de « contrat de service à la Darty » par lequel le salarié s'engage, lui aussi, à se mobiliser autour des objectifs de l'entreprise. Du gagnant-gagnant, en quelque sorte.

Guère surprenant si ce marketing new-look s'applique d'abord aux jeunes diplômés. « Les entreprises ont besoin d'équipes engagées et performantes. Or le salaire n'est plus la principale préoccupation de la nouvelle génération, qui ne veut plus réussir dans la vie, mais sa vie, d'où une quête d'épanouissement et de reconnaissance », estime Valérie Sauteret, directrice du planning stratégique de l'agence Mediasystem. Les jeunes boudent l'entreprise malthusienne et mercantile qui a malmené leurs parents. Dans un contexte de papy-boom et de baby-krach, les grands groupes ont impérativement besoin de se refaire une santé sociale et de combler les attentes de leurs futurs salariés, leurs « clients internes ».

Un déficit de notoriété

Dans son expression la plus simple, le marketing employeur est donc une démarche de communication externe pour être identifié par ses « prospects ». Si étonnant que cela puisse paraître, cela n'a souvent rien d'évident, même pour des grandes firmes qui règnent sur une galaxie de marques prestigieuses comme Unilever (Amora, Carte d'Or, Knorr, Skip, Rexona, Signal…), Accor (Sofitel, Novotel, Mercure, Ibis…), Groupama (Groupama, le GAN) ou PPR (Fnac, Printemps, Conforama, La Redoute…). Beaucoup de ces géants sont en effet surtout connus du grand public à travers leurs marques ou la mosaïque des entreprises qui les composent. Mais ils souffrent d'un déficit de notoriété pénalisant et ont parfois du mal à recruter.

La plupart du temps, les jeunes méconnaissent les atouts de ces groupes en termes de carrière ou d'avantages sociaux, d'autant que leurs différentes entités recrutent souvent en direct, sans nécessairement faire référence à leur maison mère. « Nous avons construit notre groupe pendant neuf ans, mais nous n'avons guère communiqué, explique François Potier, DRH du groupe PPR. Il est aujourd'hui important de capitaliser sur notre marque pour attirer les jeunes. »

Le recrutement constitue l'occasion rêvée pour une entreprise de communiquer sur elle-même. Dès 2001, Accor a créé une direction marketing des RH pour optimiser les discours de ses marques et valoriser le label groupe. « Notre communication doit être cohérente de manière à montrer les possibilités offertes par le groupe », explique Philippe Liger, l'ancien patron de l'université d'entreprise, aujourd'hui responsable de cette structure novatrice. Jusqu'alors, les publicités de recrutement manquaient d'unité et Accor passait le plus souvent incognito. Définies selon un cahier des charges commun, elles présentent désormais les différentes enseignes et sont signées Accor. Cette identité de groupe est déclinée dans tous les supports de communication de recrutement et sert aussi de fil rouge dans les relations avec les écoles comme dans l'accueil des stagiaires.

Pour déclencher l'« acte d'achat », les entreprises ont retenu les leçons du marketing. Elles ne se contentent pas d'afficher leur identité corporate, elles formulent aussi clairement les engagements de leurs ressources humaines traduits par un slogan fort où chaque mot est pesé. Un exercice indispensable pour la cote de popularité, surtout si le secteur professionnel est déprécié, à l'instar de l'assurance, de la distribution ou de l'hôtellerie. « Notre activité a une image contrastée, alors qu'il y a pléthore de nouveaux métiers et de réelles possibilités d'évolution. C'est trop souvent ignoré. Nous devons mettre nos atouts en perspective », explique Philippe Liger. Signées « Accor, l'avenir vous sourit », les annonces de recrutement soulignent les plus du groupe : les formations pour accompagner les évolutions de carrière, le travail au sein d'équipes jeunes et dynamiques, sans oublier les nombreux avantages sociaux d'un groupe international…

Le « You day » d'Unilever
« Pfizer s'engage à créer un environnement motivant », note Yves Grandmontagne, vice-président des ressources humaines du groupe.

Champion du marketing produit, Unilever est allé jusqu'à déposer en novembre 2002 une marque employeur, « You », qui se veut ludique et moderne. C'est le fruit d'une stratégie très élaborée pour se rapprocher des jeunes et augmenter la notoriété du groupe. Omniprésente dans sa communication, la marque est portée par 300 ambassadeurs de l'entreprise chargés de présenter les métiers dans les écoles et de véhiculer ses valeurs. La marque est visible sur le site Internet de recrutement, sur ses brochures de communication, les publicités de recrutement, le guide d'intégration des stagiaires, la revue métiers, les stands… Et, chaque année, Unilever organise un événement festif destiné aux étudiants, le « You day ».

You est visuellement associé à la promesse de l'entreprise, résumée dans le slogan « Votre passion, notre force ». « Celle-ci a pour vocation de répondre aux attentes des jeunes qui veulent être stimulés et mis sans cesse au défi dans leur vie professionnelle, souligne Dominique Nioré, responsable de la gestion des cadres et du recrutement. Nous affichons clairement qui nous sommes. » Unilever met ainsi en avant ce qu'il estime être ses principaux atouts : un impact sur le quotidien des consommateurs grâce à des marques fortes, la possibilité de développer sa valeur professionnelle et d'apprendre sans cesse dans un contexte international et surtout de réussir… en prenant du plaisir.

Dans cette opération de séduction à l'égard des jeunes, il faut aussi donner une identité visuelle percutante à ses engagements.

Hier bien tristes, souvent sinistres, les publicités de recrutement, désormais confiées à des grandes agences de pub, ont un look « flashy », « starifiant » les collaborateurs et privilégiant l'émotion au texte. Dans une période où l'image des télécommunications est devenue moins attractive, Bouygues Telecom a ainsi rajeuni ses visuels, vieux de plus de trois ans. Plus suggestifs, moins techniques, « ils affirment l'image dynamique et l'enthousiasme d'une entreprise performante, expliquait Jean-Pierre Rousseau, le directeur des ressources humaines, lors d'un congrès de décideurs RH en mars dernier. Nous souhaitons accompagner l'émergence d'un nouveau rapport au travail, un travail qui a du sens dans une entreprise qui a envie de se dépasser ». La publicité est habillée aux trois quarts par une photo de jeune au visage épanoui sur laquelle est apposé un slogan choc : « La nouvelle génération changera la donne et ce n'est qu'un début. »

Mais les entreprises ne réservent pas leurs efforts de séduction à l'externe. Elles communiquent tout autant sur leur identité employeur en interne. Question de cohérence. Affirmer son identité en interne est aussi un facteur de cohésion sociale et de fidélisation, en particulier dans des groupes éclatés ou perturbés par des restructurations à répétition. Les salariés ont besoin de points de repère et de valeurs fédératrices. Afficher une identité employeur est une façon de créer une culture managériale groupe ou de remettre en selle le projet d'entreprise en lui donnant un contenu plus humain. Pfizer, dont le périmètre a changé avec l'absorption de Warner-Lambert et de Pharmacia, a largement expliqué sa démarche de marque employeur à ses collaborateurs et en a profité pour rappeler que les valeurs du groupe (travail en équipe, performance, intégrité, innovation…) n'ont de sens que partagées par tous.

Se vendre aussi en interne

Pour favoriser l'implication du personnel et lutter contre le turnover, les entreprises doivent également se vendre en interne. Dans des groupes souvent très éclatés, les salariés sont parfois aussi mal informés que les candidats extérieurs des opportunités existantes. Pour toutes ces raisons, les entreprises redoublent d'efforts en matière de communication des ressources humaines. Afin d'accroître sa visibilité, Pfizer a créé un pôle dédié à la communication en direction de ses employés et un intranet RH. Groupama a lui aussi mis en place de nouveaux outils.

Bien communiquer suppose d'avoir préalablement identifié avec soin ses facteurs d'attraction et de rétention. Un travail d'introspection souvent long pour écouter et comprendre les attentes des salariés, bâtir un projet qui tienne la route et qui soit cohérent avec la culture et les atouts de l'entreprise. « Pour définir la carte culturelle de PPR et notre offre, nous sommes en train de mener une étude de perception interne et externe qui nourrira la réflexion du comité de direction et débouchera sur des supports de communication », indique François Potier, le directeur des ressources humaines. Avant de lancer sa campagne de communication, Pfizer a mené pendant six mois, en partenariat avec le cabinet Hewitt, une réflexion auprès de 80 collaborateurs pour répondre aux questions suivantes : « Qui est Pfizer en tant qu'employeur ? Que propose-t-il à ses salariés actuels et futurs ? Qu'attend-il d'eux ? »

Des promesses à faire vivre

Un exercice de vérité grâce auquel le laboratoire pharmaceutique a pu identifier ses forces comme ses faiblesses. Il est perçu comme un leader solide qui offre des missions attractives, favorise le travail d'équipe et permet à chacun d'évoluer. A contrario, il manque de proximité, et la charge comme les conditions de travail doivent être améliorées. Autant de lacunes sur lesquelles Pfizer a décidé de travailler pour être à la hauteur de ses engagements. On ne naît pas employeur de référence, on le devient. « La démarche de marque employeur consiste avant tout pour nous à mettre à niveau nos pratiques », insiste Yves Grandmontagne. Parmi les chantiers prioritaires figure le travail avec les managers sur leur responsabilité RH, car ils ont un rôle clé à jouer dans la création d'un environnement de travail riche et ouvert, tout comme dans le développement des individus.

Aligner les programmes de management pour faire vivre ses promesses est sans doute ce qu'il y a de plus délicat. Une entreprise entre dans un cycle d'améliorations continues qui exige d'être en permanence à l'écoute de ses salariés. Ainsi Groupama, qui souhaite consolider ses acquis, a défini un programme complet de ressources humaines pour 2004-2006. Il a également lancé un baromètre d'opinion sur la stratégie, le management, les ressources humaines et la communication.

Cette recherche d'excellence est logique. « Quand une entreprise prétend quelque chose, elle doit être exemplaire dans ses actions », affirme Didier Piteley, président de Guillaume Tell, une agence de conseil en ressources humaines. Faire de la marque employeur une simple démarche de communication externe et court-termiste serait dangereux. » Gare aux slogans survendeurs !

Une autre idée de la relation chez Deloitte

S'il y a une chose dont Éric Piétrac, le DRH du cabinet d'audit et d'expertise comptable Deloitte, est bien convaincu, c'est que pour satisfaire ses salariés une entreprise doit se donner les moyens de ses ambitions. Dont acte !

Intitulée « Une autre idée de la relation », la démarche de marque employeur lancée en 2001 pour lutter contre le turnover et renforcer les liens avec les salariés s'est accompagnée d'un plan de dynamisation de la politique RH.

Deloitte a d'abord réalisé un baromètre de satisfaction interne pour mesurer la façon dont les collaborateurs percevaient le cabinet, ses valeurs, son fonctionnement, ses métiers. « Notre objectif était de comprendre ce qui n'allait pas », précise Éric Piétrac.

Des groupes associant 130 collaborateurs ont été constitués pour travailler sur six axes de progrès prioritaires : l'équilibre vie professionnelle-vie privée, les services extraprofessionnels existants, l'offre de formation, l'action citoyenne… Ils ont débouché sur une centaine de préconisations dont la plupart ont été suivies d'actions concrètes.

Exemple : la possibilité de prendre un congé de longue durée – entre deux et dix-huit mois – assorti d'une aide financière de l'entreprise (20 % du salaire brut mensuel). Autre proposition mise en œuvre, l'ouverture en février 2002 d'une conciergerie qui propose aux 2 500 salariés du siège de Neuilly-sur-Seine une gamme de services facilitant leur vie quotidienne : pressing, cordonnerie, cadeaux de dernière minute, mais aussi masseur, coiffeur ou esthéticienne.

Enfin, un comité de liaison des initiatives citoyennes a été créé pour proposer et suivre des initiatives de développement durable et faciliter l'implication des salariés dans des actions au service de l'éducation et de l'enfance.

Un deuxième baromètre conduit en novembre 2002 a montré que les objectifs sont globalement atteints ; mais il reste des progrès à faire, notamment en termes de gestion des carrières et d'équité hommes-femmes. Le turnover a été divisé par trois. Pourquoi s'arrêter en si bon chemin ?

La conciergerie qui propose de multiples services aux salariés – pressing, coiffeur, cordonnier… – est un produit direct de la démarche de marque employeur de Deloitte.
Présentation des métiers dans les écoles, événement annuel du « You day » pour les étudiants… Unilever s'appuie sur sa marque You pour accroître sa notoriété de recruteur.

Auteur

  • Catherine Lévi