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Les paris de Jean-Louis Borloo

Repères | publié le : 01.10.2004 | Denis Boissard

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Les paris de Jean-Louis Borloo

Crédit photo Denis Boissard

Le revirement est spectaculaire. Là où François Fillon avait posé les jalons d'une politique de l'emploi plutôt libérale – allégement généralisé du coût du travail peu qualifié, réorientation des aides vers les entreprises, accroissement du volume des heures travaillées, volonté affichée de diminuer les contraintes juridiques pesant sur les entreprises et de renforcer le contrôle des chômeurs –, son successeur, Jean-Louis Borloo, donne le sentiment de revenir aux vieilles ficelles du traitement social du chômage. Et, in fine, de chercher plutôt à s'attaquer au problème de l'exclusion qu'à booster l'emploi.

Mesure emblématique de la loi Borloo, le contrat d'avenir, un contrat fortement subventionné qui profitera aux RMIstes et aux chômeurs en fin de droits recrutés par des collectivités locales, des associations ou des entreprises d'insertion, participe à cette impression de déjà-vu, de retour à une politique de l'emploi teintée de social-colbertisme. Mais on aurait tort de ne voir dans ce plan qu'un habile recyclage de recettes éculées. Un constat, tout d'abord : en faisant porter l'effort sur les exclus du marché du travail, Jean-Louis Borloo corrige un défaut majeur de la politique conduite par son prédécesseur. Elle faisait l'impasse sur les chômeurs en difficulté, sur les jeunes en situation d'échec scolaire, pour lesquels le traitement social reste – qu'on le veuille ou non – un sas nécessaire avant de décrocher un poste en entreprise.

Ensuite et surtout, la loi de cohésion sociale comporte un certain nombre de dispositions bienvenues. À commencer par la réforme du service public de l'emploi. Non seulement le texte met fin au monopole de placement de l'ANPE, ouvrant la porte à la concurrence stimulante d'opérateurs privés, mais il contraint agences pour l'emploi, Assedic, Afpa, Apec à travailler ensemble et avec les collectivités locales pour mieux répondre sur le terrain aux besoins des chômeurs et des entreprises. Ceci au sein de maisons de l'emploi, inspirées des job centres britanniques. Cette coopération devrait être renforcée par l'instauration d'un dossier unique du demandeur d'emploi. Une petite révolution au regard du cloisonnement que ces différents organismes publics s'évertuent à entretenir entre eux.

Autre mesure moins spectaculaire mais potentiellement efficace : la possibilité d'user de sanctions graduées à l'encontre des chômeurs qui ne rechercheraient pas activement un emploi. Au lieu d'être purement et simplement supprimée, l'allocation pourra être réduite… Une sanction plus facile à prendre et donc susceptible d'être mise en œuvre plus fréquemment que la première, à laquelle l'administration répugnait de recourir. Par ailleurs les obligations pesant sur les demandeurs d'emploi sont redéfinies et renforcées.

La loi Borloo procède aussi à une opération de dépoussiérage utile dans le mille-feuille des aides à l'emploi. Les contrats aidés du secteur non marchand, les CES et CEC seront fusionnés au sein d'un nouveau contrat d'accompagnement dans l'emploi, et les différents contrats et stages d'insertion (SAE et Sife) en entreprise dans un seul contrat initiative emploi. La loi met surtout fin à l'absurdité des objectifs chiffrés fixés depuis Paris : une latitude totale sera laissée à l'échelon départemental pour, à l'intérieur d'une enveloppe globale, donner la priorité à une mesure plutôt qu'à une autre, cibler tel ou tel public et moduler le montant des aides en fonction des nécessités du terrain. Le dispositif devrait gagner en lisibilité et en souplesse.

Également à mettre à l'actif du plan Borloo, une augmentation significative des crédits aux entreprises, chantiers et associations d'insertion par l'économique, qui contribuent utilement – leurs résultats le prouvent – à remettre en selle de nombreux laissés-pour-compte du marché du travail. Ainsi qu'une réforme ambitieuse de l'apprentissage susceptible, notamment par des incitations financières, de redynamiser cette formule efficace de formation en alternance.

Mais la vraie originalité du dispositif – fruit de l'expérience du maire de Valenciennes –, c'est son souci de proximité, d'ancrage sur le terrain, le rôle charnière octroyé au maire et aux élus locaux dans sa mise en œuvre : associés au service public de l'emploi, présents dans les maisons de l'emploi, ils seront les pilotes du nouveau contrat d'avenir. Leur investissement sera un gage de réussite pour la loi Borloo, mais pour l'heure c'est surtout un pari. Un pari sur l'aptitude des différents acteurs (communes, départements, régions, ANPE, Unedic) à se mobiliser et à travailler de concert… Ce n'est pas gagné ! Sans compter qu'il y a un autre pari, au moins aussi risqué, celui fait sur la capacité de l'État à poursuivre et à amplifier son effort financier durant cinq ans : sur 13 milliards d'euros promis d'ici à 2009, seul 1 milliard est budgété en 2005.

Un regret, enfin : que Jean-Louis Borloo n'ait pas profité de l'occasion pour faire passer un toilettage a minima de notre – trop – volumineux Code du travail.

Auteur

  • Denis Boissard