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SEPT FAMILLES DE CADRES EN RUPTURE DE BAN

Enquête | publié le : 01.10.2004 | Isabelle Moreau

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SEPT FAMILLES DE CADRES EN RUPTURE DE BAN

Crédit photo Isabelle Moreau

Les bons petits soldats, fidèles relais de la direction de l'entreprise, ont vécu. Et pour cause, ils sont bien en peine aujourd'hui de saisir le sens des décisions qui s'imposent à eux. Hédoniste, désabusé, rebelle… voici sept profils de cadres en panne de repères.

Ils ont le blues. De l'exécutant qui n'encadre que lui-même au manager opérationnel, voire au membre d'un comité de direction élargi. Tout simplement parce qu'ils ont le sentiment que leur entreprise marche sur la tête. Les décisions prises par le P-DG ou sa garde rapprochée, d'un siège lointain ou par des actionnaires invisibles, ne sont ni expliquées ni comprises. Difficile, dans ces conditions, de prêcher la bonne parole auprès des équipes. « Les cadres ont besoin de comprendre le sens de leur boulot. Or, aujourd'hui, ce sens s'est dilué, notamment dans les entreprises internationalisées », explique Pierre Blanc-Sahnoun, coach de dirigeants et auteur de Business Blues, manuel de survie au bureau (Éditions d'Organisation). Une perte de sens à laquelle les cadres réagissent de façon très variée, selon leur âge, la taille de l'entreprise, leur fonction et leur ancienneté. Revue de détail des sept profils de cadres qui n'adhèrent plus, ou de moins en moins, au discours de l'entreprise.

1 L'hédoniste

Cadre commercial dans une entreprise d'électronique automobile, Thierry ne se « défonce » plus au travail. Il prend scrupuleusement ses RTT, qu'il planifie à l'avance sur son Palm. En début d'année, il est parti quinze jours en congé de paternité, sans états d'âme, alors que son équipe était « harrette ». « C'est une catégorie de cadres qui prend de la hauteur en s'abstrayant de l'entreprise », résume Guy Groux, du Cevifop. Mais Thierry n'est pas pour autant un tire-au-flanc. Il a vécu, il y a quelques années, le rachat de sa société, alors française, par un groupe américain. Et le changement progressif, mais non moins radical des méthodes de travail, qui s'est accompagné d'un plan draconien de réduction des coûts et d'une augmentation de la charge de travail… Une minirévolution en quelque sorte, souvent peu, voire pas expliquée, que ce cadre, même s'il ne la partageait pas, était chargé de mettre en œuvre et d'expliquer à son équipe. « Lorsqu'elle est en train d'être rachetée, une entreprise n'investit plus et ne décroche plus de nouvelles affaires ; il y a alors beaucoup moins de motivation », explique Thierry. Pas question, pour lui, de faire l'éloge de la paresse, contrairement à Corinne Maier, chercheuse et économiste d'EDF, dont l'ouvrage intitulé Bonjour paresse, de l'art et de la nécessité d'en faire le moins possible en entreprise (éditions Michalon) fait un malheur en librairie. Mais ce cadre hédoniste relativise la place de la vie au bureau. Y compris lorsqu'il sévit dans les plus hautes sphères de la hiérarchie.

« J'ai comme client le directeur France d'un groupe de conseil américain à qui on a demandé de faire + 15 % sur son budget, explique le coach Pierre Blanc-Sahnoun. Soit il ment en jurant qu'il atteindra l'objectif, soit il dit que c'est impossible et il n'aura pas de prime, soit il est hypocrite et met des “airbags” dans son budget, c'est-à-dire qu'il construit des usines à gaz qui peuvent à tout moment faire capoter le processus de réalisation. »

Botter en touche semble être le maître mot de ces hédonistes. « Ils se replient sur leur tribu au sein de leur entreprise, laquelle se caractérise par la transparence, le respect mutuel, le partage des expériences. Cette tribu ne cherche pas à prendre le pouvoir : elle revendique de l'autonomie et fait son pot le vendredi soir », précise Gérard Pavy, consultant et professeur à HEC. « Et, lorsque ces cadres préfèrent prendre un poste déqualifié plutôt que de changer de lieu de résidence, il y a un risque qu'ils s'aigrissent au bout de quelques années », confirme Bernard Bresson, le DRH de France Télécom. Mais, dès qu'ils le pourront, ils partiront vers des rivages plus cléments.

2 Le désabusé

Il râle. Il ronchonne dans son coin. Mais en définitive il rentre la tête dans les épaules. Car il a peur de faire quelque chose qu'on puisse ensuite lui reprocher. Devant un patron incompétent, par exemple, il aimerait monter au créneau, en pleine réunion. Mais il n'ose pas. Car c'est « la recette idéale pour en prendre plein la figure, même si vous avez raison, et surtout si vous avez raison, tandis que vos collègues regardent leurs ongles d'un air absorbé. Alors il adopte le « politiquement correct ». On fait semblant d'ignorer la réalité et comme tout le monde se tient par la barbichette, on baisse les bras », analyse Pierre Blanc-Sahnoun.

Même s'il bouillonne dans son for intérieur, le désabusé fait profil bas. Il tourne sept fois sa langue dans sa bouche avant de parler. D'autant que, dans l'entreprise, les cadres n'ont plus voix au chapitre. Avant l'OPA lancée par Sanofi-Synthelabo sur le groupe, « les cadres n'avaient plus la possibilité de contester ni d'émettre une opinion, explique Daniel Thébault, à la CFE-CGC d'Aventis. Et de toute façon on ne leur demandait plus leur avis, en dehors des 200 hauts potentiels repérés par Igor Landau, l'ex-PDG ».

Du coup, rares sont ceux qui osent briser cette forme d'omerta. Par peur. Du placard. Ou d'un licenciement. « Il faut être sérieusement costaud pour sortir du bois, explique Gérard Pavy, consultant et professeur à HEC. La révolte coûte très cher : les cadres ne souhaitent pas plus que les autres se retrouver au chômage. » « Tout le monde ne peut pas se payer le luxe d'être frondeur. Je vois beaucoup de résistance passive et d'incompréhension ou de contestation sourde qui se manifeste par un manque d'ardeur dans les projets », complète Pascal de Longeville, directeur associé d'EOS.

Et cela ne va pas s'arranger. Surtout dans les entreprises très internationalisées où les cadres sont soumis à de fortes pressions et contraintes. Dominique Genelot, d'Insep Consulting, abonde : « Les cadres n'en sont plus à râler contre leur directeur général. Ils ne peuvent plus faire autrement que de prendre en compte cette réalité qui les dépasse. » Et la performance globale de l'entreprise s'en ressent.

3 Le procédurier

Dans ce groupe familial où les DRH valsent au gré des patrons de filiale, Michel a laissé l'image d'un révolté. Car il est le seul à ce niveau de la hiérarchie à avoir osé traîner son ex-employeur devant les juges. Pour l'exemple : « Je suis fier de la manière dont cela s'est terminé, car je suis resté fidèle à mes valeurs. » Fier, mais aussi très « amer » sur les pratiques managériales du groupe : « J'ai vu des cadres harcelés venir pleurer dans mon bureau, des délégués du personnel licenciés sans raison valable. Et ce n'est pas un hasard si l'entreprise croule maintenant sous les assignations aux prud'hommes… »

Premier signe de résistance, les cadres n'hésitent plus à faire valoir leurs droits devant les tribunaux. « Depuis quatre à cinq ans, confirme Michel André, président du conseil des prud'hommes de Nanterre et conseil en droit social au Medef des Hauts-de-Seine, les cadres se tournent davantage vers les prud'hommes. Sur Nanterre, qui englobe le quartier de la Défense, un peu plus de la moitié des affaires concerne des cadres. Cela a démarré avec la mise en place des 35 heures. Les cadres réclamaient essentiellement le paiement de leurs heures supplémentaires. » Se donner à fond dans le travail sans être récompensé financièrement ? Plus question, disent-ils aujourd'hui, même s'ils ne sont pas tous prêts à saisir les juges prud'homaux.

Entrer en conflit ouvert avec son employeur n'est pas si simple. « Le cadre doit faire le deuil de sa situation actuelle. Il faut qu'il ait un sentiment d'ingratitude ou même de trahison », estime Hervé Tourniquet, avocat au barreau de Nanterre. Mais les délais ont de quoi dissuader d'aller en justice. « Il faut compter deux ans avant que votre affaire passe aux prud'hommes, et, si l'entreprise fait appel, cela peut prendre quatre ans. Il faut garder le moral. C'est pourquoi je conseille aux cadres de négocier une transaction », explique Bernard Lachaux, directeur exécutif d'InterContinental Grand Hotel et délégué syndical CFE-CGC.

Phénomène récent, les cadres n'hésitent plus à consulter un avocat lorsqu'ils sont en poste. Avocat au barreau de Paris, Guillaume Bluzet cite le cas d'un client venu lui demander conseil « car il avait découvert qu'on venait d'embaucher son successeur ». Quant à Hervé Tourniquet, il a récemment reçu une cliente d'une quarantaine d'années venue le voir parce que son entreprise fusionnait. « Elle se retrouvait en doublon avec une autre personne à son poste et se voyait retirer un à un tous ses dossiers. Il fallait qu'elle réagisse la première avant qu'on ne puisse lui reprocher une faute », explique l'avocat, qui milite pour une réponse collective à ce type de situation, « la seule façon de faire avancer le droit social ». Reste que la multiplication des fusions-acquisitions risque fort d'entraîner des cas de litige individuels. Et de rébellion.

4 Le rebelle

Une centaine de salariés en grève devant le siège parisien du groupe de conseil Alpha à l'appel de l'intersyndicale CFDT-CGT qui protestent contre la mise en place d'un forfait jours pour les cadres, des syndicats qui se montrent de plus en plus pugnaces chez Accenture et qui pointent le bout de leur nez chez BPI, l'un des cabinets leaders sur le marché du reclassement, une CGT nouvelle venue chez Orange Distribution qui fait un carton dans l'encadrement aux dernières élections professionnelles… le syndicalisme fait, petit à petit, son lit dans des entreprises dont les troupes sont majoritairement des cadres ou des professions intellectuelles.

« Nous constatons une forte hausse des adhésions à la CGT, notamment + 30 % dans le secteur des télécommunications, dont une frange importante de l'encadrement, qui se tourne vers le syndicalisme. Y compris dans des secteurs où nous n'étions pas précédemment implantés », se réjouit Jean-Luc Molins, de la CGT PTT. « Ce qui est payant pour les syndicats c'est de mener une démarche collective, explique Alain Paulien, membre du bureau du Syndicat CGT des télécoms des Bouches-du-Rhône. Et c'est ce que nous faisons régulièrement à France Télécom et dans les filiales. Or nous sentons depuis environ trois ans une certaine sympathie des cadres envers ce que nous disons et ce que nous faisons, qui se traduit dans le département par un regain d'adhésions. »

Certes, les cadres ne sont pas tous prêts à s'encarter, même s'ils se montrent réceptifs au discours syndical : « Quand je leur parle du syndicat, ils ont toujours un sanglier sur le feu », regrette François Hommeril, coordinateur CFE-CGC à Pechiney. Souvent par crainte, car le cadre qui se syndique est rarement en odeur de sainteté auprès de sa direction. Certains se trouvent parfois mutés parce qu'ils sont candidats aux élections professionnelles. Voire font l'objet d'une procédure de licenciement, comme chez Accenture. « Nous sommes tolérés, et parfois regardés comme des martiens, surtout lorsque la direction est étrangère », reconnaît Bernard Lachaux, délégué CFE-CGC et directeur exécutif de l'InterContinental Grand Hotel. À défaut de faire des émules, ce syndicaliste cadre est très sollicité par ses homologues en cas de problèmes.

S'ils franchissent rarement le seuil de l'adhésion, les cadres ne dédaignent pas « participer aux diverses actions initiées par les syndicats. Avec un goût plus prononcé pour la pétition que pour la manifestation ou la grève. Cette dernière surtout n'est pas dans leur culture sociale », analyse Hugues Cazenave, d'Opinion-Way, un institut de sondage qui réalise chaque année un baromètre pour le compte de la CFE-CGC.

5 L'objecteur de conscience

Porter le chapeau ? Plus question pour bon nombre de cadres financiers qui redoublent de vigilance depuis que les scandales du type Enron et Parmalat ont défrayé la chronique. Si, par le passé, certains avaient pu fermer les yeux sur des opérations comptables limites, la mise en cause de leur propre responsabilité pénale a changé la donne. Rien d'étonnant à ce qu'ils revendiquent aujourd'hui le droit de dire non. « Je connais des cadres qui ont été tirés du lit à 6 heures du matin par les gendarmes à la suite d'une plainte du fisc », raconte Jean-Luc Peyret, président de la commission comptable de l'Association nationale des directeurs financiers et de contrôle de gestion (DFCG), qui compte quelque 2 500 membres. Et de poursuivre : « Les DAF en ont marre d'aller en prison quand ils se sont comportés comme de bons petits soldats. Sur le plan pénal, on n'a pas besoin d'être haut gradé pour être considéré comme comptable de fait. » C'est la raison pour laquelle la DFCG prône la mise en place d'une clause de conscience qui permettrait aux cadres financiers de démissionner en cas de désaccord tout en conservant leurs droits au chômage. Une arme dissuasive, à n'utiliser qu'en dernier ressort. Mais dont pourraient également bénéficier les DRH, car « ils sont aussi partie prenante des décisions », note Jean-Luc Peyret.

Depuis l'effondrement d'une tribune du stade de foot de Furiani à Bastia, en 1992, et les condamnations qui se sont ensuivies, les questions de responsabilité suscitent également des réactions épidermiques chez les cadres du bâtiment. « Les grandes entreprises ont cherché à se couvrir en faisant signer des délégations de responsabilités mal rédigées », observe Pierre Le Gars, secrétaire de la Fédération CFDT de la construction, qui a été saisie de cas de délégations en cascade. La sécurité est aussi au cœur des préoccupations de professionnels comme les gérants de petits hôtels qui ne veulent pas risquer de voir leur responsabilité engagée en cas d'incendie, alors même que la direction leur a refusé toute mise aux normes des installations électriques. Autre secteur sensible : les banques. « Des amicales se sont créées autour de notre syndicat pour aborder ensemble le problème du blanchiment de l'argent », constate Jean-Luc Cazettes, président de la CFE-CGC.

Aujourd'hui, « ce ne sont plus les grands sujets de société qui poussent les cadres à bouger, mais des questions liées aux enjeux locaux de l'entreprise, en lien avec une injustice sociale, un problème éthique ou déontologique ou la conséquence d'une logique de gestion », explique Anousheh Karvar, de l'UCC-CFDT. Prenant l'exemple d'un fonctionnaire travaillant avec un réseau de distribution d'eau qui s'aperçoit que l'argent des contribuables est détourné au profit de partis politiques, cette syndicaliste s'interroge : « Que peut-il faire ? Appeler une ligne verte pour se plaindre ? Le signaler à son supérieur ? En parler à ses collègues ? Dans tous les cas, s'il bouge, sa carrière est cuite. » D'où l'idée d'un manifeste pour la responsabilité sociale des cadres, initiée par la CFDT. Objectif visé ? Faire en sorte que la « citoyenneté des cadres soit explicitement reconnue sur leur lieu de travail par un droit d'intervention et d'initiative, droit reconnu d'expression pouvant aller dans certaines situations jusqu'au droit de refuser ou de s'opposer sans qu'ils encourent de représailles ou de sanctions ».

6 Le dépressif

Stress, dépression, pétage de plombs, voire suicide… la vie au travail n'est pas toujours un long fleuve tranquille pour les cadres. « Même quand il est en situation de détresse, il veut tenir le coup à tout prix. Et c'est un événement extérieur, comme la visite à la médecine du travail ou une dispute, qui va rompre le cercle infernal. Il finit alors par craquer et par prendre conscience de son état », explique Marie Pascual, médecin du travail de la consultation souffrance et travail à la Fnath, association des accidentés de la vie.

Signes d'épuisement, perte de sommeil, perte de confiance, les symptômes du surmenage sont connus. « Comme le cadre ne peut pas dire ce qu'il ressent, il pense qu'il est mauvais. Il n'a plus la lucidité qui lui permettrait de comprendre que ce n'est pas lui qui est en cause. Et en plus il se sent coupable d'avoir craqué », poursuit Marie Pascual. Le cadre « mal dans ses baskets » se rencontre à tous les échelons de la hiérarchie. « Il m'arrive de coacher des gens qui sont en dépression, explique Pierre Blanc-Sahnoun. J'ai le cas d'une directrice financière d'une grande boîte américaine d'agroalimentaire à qui la direction européenne demande d'augmenter les marges et de réaliser des économies sur un marché qui a changé. Cette femme essaie par tous les moyens d'y arriver, mais c'est mission impossible. Tout le monde le sait, et personne ne veut le dire. Bref, elle écope pendant que tout le monde boit du champagne sur le pont du Titanic. »

En cette période où la course au résultat est le lot quotidien des grandes entreprises, où les fusions se multiplient, le cadre dépressif est une espèce en voie de prolifération. « Nous allons de restructuration en restructuration et, comme il y a des doublons, certains cadres se retrouvent au placard. Ils ne sont pas virés car ce sont majoritairement des fonctionnaires, mais ils vivent mal ce qui leur arrive », explique Jean-Pierre Hippias, membre du CHSCT de France Télécom. Symptomatique selon lui : « La commission nationale sur le stress, créée en 2003, se réunit aujourd'hui une fois par mois, alors qu'elle se tenait tous les deux mois auparavant. » Chez l'opérateur téléphonique, les « stresseurs professionnels », comme les appelle ce délégué syndical CGT, sont de plus en plus nombreux.

7 Le fataliste

Cadre à sang-froid, il connaît la règle du jeu. Et il l'accepte. Occupant souvent un poste à forte responsabilité, il négocie une clause parachute lorsqu'il prend un job exposé. Une manière d'assurer ses arrières quand il ne convient plus. « Le couple DG-DRH est devenu très fort. Quand un nouveau directeur général arrive dans une entreprise, le directeur des ressources humaines sait qu'il ne restera pas », explique Gérard Fournier, de Boyden Interim Executive.

Le fataliste s'accommode aussi de la situation parce que cela correspond à sa construction mentale. « Beaucoup de cadres intègrent assez vite les options du management supérieur. Ne serait-ce que pour garantir leur santé psychique. Aujourd'hui, un manager n'existe que par sa capacité à produire du résultat. Comment pourrait-il socialement s'opposer à cette logique qui est sa principale raison d'être ? Il est d'accord avec la finalité », explique Bernard Galambaud, professeur à l'ESCP.

Tout philosophe qu'il soit, le cadre fataliste peut avoir des états d'âme. Tel ce quadragénaire qui occupe le poste de directeur financier dans un grand groupe international. « Celui-là est soumis à une pression énorme, alors que son périmètre est de plus en plus réduit, car les services financiers se trouvent aux États-Unis. Il ne se voit pas tenir encore vingt ans comme cela. Il a toujours été chassé. Il n'a pas connu le chômage et vient nous consulter », explique Gérard Fournier. Son rêve secret ? Reprendre une petite boîte en province. « Mais il s'aperçoit souvent que la taille de la PME, le produit qu'elle fabrique ne le font pas vraiment rêver. Il ne se voit pas non plus gérer le personnel au quotidien. Donc il reste », résume le consultant. Quitte à se faire une raison.

72 % des cadres ne sont pas d'accord avec les modalités de rémunération en vigueur dans leur groupe. 29 % d'entre eux expriment souvent un désaccord sur ce point et 43 % le font occasionnellement. Ce sont les trentenaires et les quinquas qui se montrent les plus revendicatifs avec, respectivement, 74 % et 72 % d'insatisfaits.

78 % des cadres expriment leur désaccord sur les pratiques managériales en vigueur dans leur entreprise. Celles-ci sont même devenues un point de crispation récurrent pour 36 % des cadres, surtout dans le secteur public (43 % de ces derniers expriment souvent leur désaccord sur ce point) et chez les femmes (41 %). En outre, 18 % des cadres (21 % des managers du public et 20 % des femmes) expriment très souvent leur désaccord sur les conditions de travail (charge de travail, horaires), et 36 % le font occasionnellement.

29 % des cadres déclarent « lever le pied » en signe de désaccord, tandis que 22 % continuent leur travail sans rien dire. Par ailleurs, 87 % des cadres souhaiteraient pouvoir consacrer davantage de temps à leur vie privée et familiale (91 % chez les femmes), tandis qu'à l'inverse 13 % aimeraient avoir davantage de temps pour leur activité professionnelle afin de mieux réussir personnellement. Les moins de 30 ans (14,16 %) privilégient davantage leur vie professionnelle que les plus de 40 ans (11 %).

77 % des cadres expriment leurs désaccords à leur direction ou hiérarchie, 58 % considèrent qu'ils doivent alerter et sensibiliser leurs collègues, 13 % trouvent un appui auprès des syndicats et seuls 7 % se syndiquent. Toujours en cas de désaccord, un petit tiers des cadres (29 %) recourent au DRH. Par ailleurs, 52 % des cadres se disent prêts à s'engager dans une action collective (manifestation, grève) et 35 % à y participer activement. Mais seuls 11 % se déclarent prêts à en prendre la tête.

Auteur

  • Isabelle Moreau