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Vie des entreprises

Les coachs sportifs, nouveaux gourous du management

Vie des entreprises | DÉCRYPTAGE | publié le : 01.09.2004 | Frédéric Rey

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Les coachs sportifs, nouveaux gourous du management

Crédit photo Frédéric Rey

Jacquet, Costantini, Laporte, Douillet… Entraîneurs ou champions, leurs prestations font aujourd'hui un tabac dans les entreprises. Ce qu'elles en attendent ? Des recettes gagnantes pour booster les équipes et gérer le collectif. La réussite sportive s'impose comme modèle, au point que certains cabinets en font leur spécialité.

Avec la déroute des Bleus en quart de finale de l'Euro 2004, il y a peu de chances que leur entraîneur, Jacques Santini, devienne la nouvelle coqueluche des entreprises. Contrairement à Aimé Jacquet, élevé, après la victoire de l'équipe tricolore sur le Brésil en finale du Mondial 1998, au rang d'icône que les sociétés se sont arrachée à prix d'or. Pour l'heure, la nouvelle star du conseil en management s'appelle Bernard Laporte. Depuis le grand chelem, au mois de mars, de l'équipe de France de rugby dans le Tournoi des six nations, un grand nombre d'entreprises rêvent de tout connaître des recettes gagnantes de l'entraîneur national.

En l'espace d'une décennie, les coachs sportifs sont en effet devenus des modèles aux yeux des directions d'entreprise, toujours en quête de nouvelles méthodes pour réussir. En 1995, c'est l'équipe de handball qui devenait championne du monde. Depuis, Daniel Costantini, l'entraîneur des Barjots, comme on surnommait alors l'équipe, est lui aussi entré dans le cercle fermé des sportifs qui conseillent les entreprises. « En 1987, l'équipe se traînait au seizième rang mondial, rappelle l'entraîneur. En l'espace de huit ans, nous avons réussi à remonter jusqu'à la première place. » De quoi faire pâlir d'envie des patrons obsédés par la conquête de parts de marché et la performance de leur cours de Bourse.

Sportifs de haut niveau et cadres des entreprises sont désormais logés à la même enseigne : au-delà des compétences, c'est leur motivation qui est aujourd'hui considérée comme le facteur clé de la performance individuelle ou collective. Le management des hommes est donc déterminant. « Quel que soit le sport, explique un consultant, les athlètes ont atteint un niveau de perfection très proche. Ce qui va faire la différence, c'est la motivation et la capacité à tout investir pour gagner. C'est pourquoi les coachs sont devenus incontournables. » Dans les sports individuels, les athlètes de haut niveau sont à eux seuls de véritables PME sponsorisées par des grandes entreprises, ce qui leur permet de s'entourer d'une cohorte de professionnels : coach, préparateur physique et mental, diététicien, kiné…

Et la compétition est sans pitié pour les managers qui n'obtiennent pas de résultats. Une succession de matchs perdus et c'est la porte. Luis Fernandez, l'entraîneur du Paris Saint-Germain, a ainsi été congédié en raison des contre-performances du club de foot parisien à la saison dernière. Tout comme, cette année, Alain Perrin, son homologue marseillais, recruté puis « viré » par Robert Louis-Dreyfus.

Les relations entre le monde du sport et celui des affaires ne sont pas nouvelles. Sauf que, dans les années 80, ce sont plutôt les entraîneurs qui cherchaient dans les entreprises des méthodes de motivation. « En 1993, la direction technique du centre d'entraînement de Clairefontaine m'a demandé d'intervenir dans le cadre de la formation des entraîneurs de football pour parler durant deux heures de psychologie de groupe », rappelle Lionel Bellanger, directeur adjoint de l'organisme de formation Centor Idep.

David Douillet, très demandé
Le coach de l'équipe de France de rugby. Bernard Laporte, est devenu la coqueluche des entreprises après le grand chelem de 2004.PISARENKO/AP/SIPA PRESS

Arrivé en 1985 à la Fédération française de handball, Daniel Costantini, un ancien professeur d'éducation physique, s'est vu fixer un objectif clair par le ministère de tutelle : obtenir de bons résultats et hisser l'équipe de France au rang des meilleures au niveau international. « Pour cela, à l'époque, il n'y avait que le modèle de l'entreprise dans lequel on pouvait puiser. Durant mes premières années d'entraîneur, je suis allé chez Renault et à Aerospatiale pour m'inspirer de leurs méthodes, en particulier auprès des professionnels du marketing ou des concepteurs de projet. à présent, c'est l'inverse, ce sont les entreprises qui viennent nous demander des conseils. »

Et le succès est tel qu'entraîneurs et athlètes offrent aujourd'hui leurs services aux entreprises. Parmi les pionniers, l'ancien joueur de rugby et entraîneur du club toulonnais Daniel Herrero a toujours la cote. Le commissaire au Plan, Alain Etchegoyen, a récemment fait appel à lui pour renforcer l'esprit d'équipe des chargés de mission de la Rue de Martignac. Les nouveaux venus, eux, s'appellent Fabien Galthié, ex-capitaine de l'équipe de France de rugby, Nathalie Tauziat, joueuse de tennis, Edgar Grospiron, skieur de bosses, Patrice Martin, champion de ski nautique, ou encore David Douillet, l'ex-judoka, qui fait partie des sportifs les plus recherchés par les sociétés.

« La première expérience remonte à huit ou neuf ans, raconte Valérie Douillet, son épouse, responsable de la société Ours blanc qu'ils ont créée ensemble. Le Crédit lyonnais, qui sponsorisait David, lui avait demandé de venir parler de son expérience de judoka devant des responsables de l'entreprise. » L'effet bouche-à-oreille a fonctionné à merveille et l'ex-champion du monde et champion olympique de judo continue d'intervenir plus de dix fois par an dans des secteurs aussi différents que le bâtiment, la banque ou la coiffure. « Sa notoriété grandissante nous a amenés à augmenter les tarifs, poursuit Valérie Douillet. La prestation se déroule généralement en deux temps : un exposé d'une heure puis un échange de questions-réponses. Elle est très souvent axée sur les problèmes de motivation. Ce n'est pas très original, mais David est un bon orateur et le message passe beaucoup mieux dans la bouche d'une personnalité. »

Spécialisée dans le conseil en intervention de personnalités pour les séminaires d'entreprises, l'agence Plate-Forme possède, elle, un joli carnet d'adresses dans le monde sportif, de David Douillet à Fabien Galthié. « Nous avons une cinquantaine d'athlètes ou entraîneurs qui peuvent aller s'exprimer sur leur métier, souligne Bruno Faure, directeur du département conférencier. Le sport reste à la mode dans le monde des affaires. C'est un excellent vecteur pour parler de mobilisation des équipes, en particulier des commerciaux. »

Sur le terrain comme à l'atelier

Mais le sport est également utilisé comme support de politiques de management. Principe de base : les équipes se construisent et s'animent de la même manière sur les terrains de sport ou dans les ateliers et bureaux d'une entreprise. En 2002, la direction commerciale de Renault a lancé un programme de formation destiné aux 500 chefs de vente de son réseau de concessions. L'objectif était de susciter chez ces responsables l'envie de coacher leurs commerciaux. « Sportif ou chef de vente, les fondements des comportements sont identiques, précise Joël Touchard, responsable de la formation commerciale. Il y a toujours cette envie de figurer parmi les meilleurs et de se battre contre un adversaire. Avec Daniel Herrero et Alain Weiss, l'entraîneur de l'équipe de France de basket, nous avons passé une journée au Stade de France. Les stagiaires ont visionné des interviews de sportifs. Grâce à des exercices de mise en situation, nous avons pu approfondir la relation entre le coach et ses partenaires. Deux ans plus tard, poursuit ce cadre, les participants gardent encore le souvenir d'un moment très fort. À la fin de chaque formation, nous demandons aux collaborateurs d'évaluer l'intérêt du stage. Nous n'avons jamais obtenu une note aussi élevée. »

La clé : la préparation mentale

Le modèle du sport n'est pas seulement utilisé avec les équipes de commerciaux. Il sert également de support au coaching de groupes de dirigeants ou de membres intermédiaires de l'administration. À Montpellier, Antoni Girod, entraîneur de tennis, s'est spécialisé dans le coaching individuel de patrons de PME. « Ensemble, nous travaillons des techniques de relaxation, de respiration et de détermination des objectifs. En fait, nous agissons comme si les échéances auxquelles doit faire face ce chef d'entreprise étaient une compétition sportive. Comme pour l'athlète, la clé du succès, c'est la préparation mentale. »

Autre exemple, « Business Champions » est un programme spécialement conçu par Euro Consulting pour les dirigeants appelés à devenir de parfaits stratèges. « La virtuosité et le talent ne suffisent pas, explique le consultant Loïc Lavalou, qu'il s'agisse de performance individuelle ou de réussite collective, l'essentiel est dans la capacité à inscrire l'effort quotidien dans une démarche tournée vers l'objectif à atteindre. En Formule 1, par exemple, la star n'est pas celle que l'on croit et le directeur sportif de l'écurie a un rôle éminemment plus stratégique que le pilote. » Pas de vedettes des plateaux de télé chez Euro Consulting. Le cabinet s'est entouré de sportifs moins connus comme Franck Dumoulin, champion olympique de tir à l'arc, ou Stéphanie Barneix, championne du monde de sauvetage côtier…

D'autres cabinets de conseil ont bâti leur carte de visite uniquement sur le modèle du management sportif. Quatre anciens élèves de Sup de co Lyon, tous ex-membres de l'équipe de foot de l'école, se sont retrouvés en 2000 pour créer l'agence de conseil en marketing sportif Koroïbos. Ici, le stagiaire ne s'arrête pas à la théorie. L'outil pédagogique intègre aussi la pratique d'une activité sportive avec mise en situation dans les conditions réelles. « Surpassez-vous avec le Paris Saint-Germain », par exemple, est une formation spécialement conçue pour les commerciaux. « Nous avons également monté une formation interentreprises avec le club de rugby d'Agen, explique Christophe Inzirillo, directeur associé du cabinet. Ce séminaire, baptisé « Manager collectif », commence par un visionnage de matchs où nous analysons la façon dont l'entraîneur gère son équipe. »

Un module nommé « Accepter l'équipe telle qu'elle est » consiste à évaluer les joueurs avant d'élaborer un projet de jeu collectif. Les formations comportent une série d'exercices pratiques. Exemple : la conduite de la balle, où le stagiaire doit mener un ballon en regardant droit devant lui le menton relevé. « Vous pouvez transposer cet apprentissage dans la vie professionnelle. Relever le menton, c'est s'habituer à prendre du recul pour ne pas se laisser déborder par ses tâches », explique Christophe Inzirillo.

Tous sur le terrain de rugby

Ancien joueur de l'équipe de France de rugby, Philippe Sella s'est reconverti dans la communication et le conseil par le sport. Sa société, Sella Management, est conçue comme un « centre d'entraînement à la performance », auquel collaborent quelques pointures comme le footballeur Jean-Pierre Papin ou l'entraîneur Bernard Laporte. « Nous n'allons pas entrer dans la technique du rugby, précise Philippe Sella, mais nous allons travailler sur les attitudes, les comportements, en établissant en permanence des allers et retours entre l'univers professionnel et celui d'un match. Comment, par exemple, avoir une continuité dans une équipe si on ne sait pas passer le ballon ? »

Une centaine de managers de Sage, un important éditeur de logiciels de gestion, se sont retrouvés sur les terrains de sport de la Banque de France, près de Chatou, pour disputer des matchs de rugby coachés par Philippe Sella et Bernard Laporte. « Dans les vestiaires, les femmes étaient mortes de trouille, se souvient Marie Vézy, l'ancienne directrice des ressources humaines, mais tout le monde a joué avec plaisir. En deux heures de jeu, nous avons réalisé l'importance du collectif. »

L'image d'un discours sportif vecteur de performance et de leadership a fait son chemin et le monde de l'entreprise n'est pas le dernier à vouloir se l'approprier. Rien ne semble freiner cet engouement. Pas même les nombreuses affaires de dopage qui font aussi régulièrement l'actualité sportive.

Le FC Nantes, apôtre du bien-être des salariés
Du conseil en ligne à l'intervention sur le lieu de travail, le FC Nantes diversifie ses ressources financières en distillant ses recettes de santé aux entreprises.KEMPINAIRE/VANDYSTADT

Des conseils pour gérer son stress dans les transports, pour se remotiver après une réunion catastrophique ou encore pour donner une bonne image de soi au travail… Toutes ces recettes figurent sur le site Internet bienetre-online, la dernière invention du Football Club Nantes Atlantique.

En vue de diversifier ses ressources financières, le club nantais s'est lancé dans le conseil aux chefs d'entreprise et aux salariés.

« Pour atteindre la performance, l'entreprise doit se soucier du bien-être de son personnel, souligne Jean-Luc Gripond, président du Football Club Nantes Atlantique ; notre expertise de manager sportif peut servir aux entreprises. » Sommeil, relaxation, alimentation, forme et équilibre, pour chacune de ces têtes de chapitre, bienetre-online propose des quiz, des sondages (avez-vous confiance en vous ? Êtes-vous accroc à la cigarette ?) et une palette de conseils et solutions avec des vidéos montrant des exercices physiques.

Une dizaine de grandes entreprises, dont L'Oréal et Arcelor, expérimentent actuellement ce service.

Le FC Nantes a aussi monté des formations spécifiques en entreprise avec l'intervention du médecin du club, d'un préparateur physique ou d'un entraîneur sportif.

« Sur demande de la direction, nous nous sommes rendus dans une usine sidérurgique de la région pour nous adresser aux ouvriers, explique Jean-Luc Gripond, Nous avions devant nous environ 300 gars casqués qui nous ont écouté parler durant une heure de l'importance du bien-être dans le travail.

Il y a un réel intérêt des individus pour ce thème et une vraie expertise à vendre. »

Auteur

  • Frédéric Rey