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Les masters RH en phase de rodage

Dossier | publié le : 01.09.2004 | Anne-Cécile Geoffroy

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Les masters RH en phase de rodage

Crédit photo Anne-Cécile Geoffroy

Depuis l'an dernier, les universités passent les unes après les autres le test LMD. En 2005, tous les DESS en ressources humaines répertoriés dans notre inventaire devront avoir revêtu leurs nouveaux habits de masters. Avec la baisse du volume d'heures de formation et la redéfinition des maquettes pédagogiques, la mise en œuvre de la réforme s'avère délicate.

Les DESS sont morts, vive les masters ! Avec l'harmonisation de l'enseignement supérieur européen décidée à Bologne en 1999, tous les diplômes universitaires sont appelés à subir un profond lifting d'ici à 2008. Objectif : organiser les formations autour de trois niveaux de diplôme, un tiercé gagnant baptisé LMD, pour licence, master et doctorat. Si les Deug et les maîtrises n'ont pas été formellement supprimés, le premier niveau de diplôme commence désormais à bac + 3 avec la licence, suivi, à bac + 5, par le master, qui se subdivise en master 1 (ex-maîtrise) et master 2 (ex-DESS et DEA) pour terminer avec le doctorat, à bac + 8. Un découpage qui vise à améliorer la lisibilité des diplômes au niveau international et la mobilité des étudiants en Europe. « Nous allons enfin pouvoir jouer dans la cour européenne, voire mondiale, des formations », se félicite Olivier Roques, directeur du master RH et management de la relation à l'IAE d'Aix-en-Provence. « Il sera plus facile d'accueillir des étudiants étrangers », ajoute Frédéric Wacheux, responsable du DESS GRH de Dauphine.

Un grand nettoyage par le vide

Au niveau national, cette réorganisation des cursus devrait à court terme changer la donne pour les troisièmes cycles, les formations « stars » des universités, plébiscitées par les employeurs. Concrètement, les DESS, comme les DEA, ne sont plus des diplômes à part entière, mais des spécialités du nouveau diplôme national de master (DNM), à l'intitulé plus général. À Nice, dès la rentrée, le DESS Psychologie du travail et ingénierie des ressources humaines deviendra ainsi une spécialité du master Sciences de l'homme et de la société. À Dijon, l'une des 10 universités pilotes à avoir mis en œuvre la réforme LMD depuis la rentrée 2003, le DESS Gestion des ressources humaines constitue déjà une spécialité du master Droit des administrations.

« Historiquement, nous sommes rattachés à l'UFR de droit et sciences politiques, expliquent Samuel Mercier et David Jacotot, coresponsables de cette formation. Pour ancrer notre DESS dans la réforme, l'UFR a créé au sein du nouveau master une filière administration économique, sociale et culturelle. Une façon de conserver la maîtrise d'AES en M1 et de proposer en M2 les spécialités Gestion des ressources humaines et Gestion du patrimoine culturel. Une façon aussi pour nous de sauvegarder notre autonomie en évitant d'être rattachés à un master plus en phase avec notre spécialité », reconnaissent les coresponsables du master Droit des administrations.

Jusqu'à présent, les patrons de ces troisièmes cycles étaient en effet très autonomes et géraient leur cuisine interne, qu'il s'agisse de l'administration ou du recrutement des étudiants, selon leur bon vouloir. « La réforme va changer progressivement les mentalités, espère Sylvie Lederlin, coordinatrice des masters à l'IAE d'Aix-en-Provence. Auparavant, chaque DESS était une forteresse. Avec l'introduction de la transdisciplinarité entre les deux années de master, les choses vont évoluer. » Par ailleurs, tous les directeurs de DESS ont dû ou vont devoir se plier à la campagne d'habilitation orchestrée par le ministère de l'éducation nationale pour décrocher le fameux master. Une petite révolution qu'il n'a pas toujours été très facile de faire accepter dans les campus. D'autant plus que le ministère de l'éducation nationale refuse de communiquer sur les critères d'habilitation retenus et entend profiter de la réforme LMD pour redessiner la carte des formations et la rendre plus homogène.

Du coup, pour certains responsables de formation, l'application de la réforme va surtout consister en un grand nettoyage par le vide. Exemple, à l'université Paris I, sur la soixantaine de DEA et de DESS existants, il ne devrait plus rester qu'une petite vingtaine de masters chapeautant plusieurs ex-DEA et DESS à la rentrée 2005. « Cette réforme va nous permettre de supprimer des incohérences, estime néanmoins François Gaudu, professeur de droit social à Paris I, qui suit le dossier LMD pour l'université. Mais nous ferons très attention à ce que nos masters ne soient pas noyés dans une dénomination trop englobante. Nous préférerions ouvrir des masters qui correspondent à un métier bien identifié pour conserver la même lisibilité auprès des entreprises partenaires. » Pour les patrons des ex-DESS, l'enjeu est effectivement de taille. Il s'agit de sauvegarder le lien privilégié qu'ils ont su tisser avec le monde de l'entreprise et pérenniser la taxe d'apprentissage qu'ils récoltent par ce biais pour financer leurs formations. À Dijon, sur les 480 heures de formation du master Droit des administrations, 150 sont prises en charge par l'université, le reste est financé par la parafiscalité. « Le LMD met par terre un système qui avait trouvé ses marques, tonne François Geuze, l'un des professeurs du DESS Management des ressources humaines de l'université de Lille I, également président de l'association des diplômés. Le monde de l'entreprise et celui de l'université avaient enfin fini par se comprendre et travailler ensemble, et voilà que les repères et les règles du jeu sont bouleversés. »

Bien plus qu'un habillage sémantique, la réforme LMD oblige en effet les enseignants à dépoussiérer l'architecture de leur programme, mais aussi, et c'est nouveau, à s'intéresser au contenu de la première année pour y trouver des articulations cohérentes et mutualiser des cours. Alors que le DESS se déroulait en un an, le master doit théoriquement s'organiser sur vingt-quatre mois. À l'IAE d'Aix-en-Provence, la première année de master se veut généraliste et proposera aux étudiants détenteurs d'une licence de gestion « des préludes aux métiers », choisis en fonction de l'orientation qu'ils souhaitent prendre en M2. « Nous y avons placé nos meilleurs cours d'initiation à la GRH pour attirer les bons étudiants d'universités européennes vers notre spécialité », explique Olivier Roques, de l'IAE d'Aix-en-Provence.

Substantielles économies à la clé

Reste que de nombreuses universités n'ont pas franchement joué le jeu de la mutualisation, jugeant impossible d'aménager les cours et se contentant bien souvent de rebaptiser master leur ancien DESS. D'autant que les responsables de formation y voient une manœuvre du ministère pour réaliser de substantielles économies. Car, au passage, dans la mise en œuvre de la réforme LMD, chaque DESS perd une cinquantaine d'heures de cours. C'est le cas, à Nice, du DESS de psychologie et d'ingénierie des ressources humaines.

« De 430 heures nous passons à 380 heures, indique Laurent Cambon, responsable de la formation. J'ai supprimé trois enseignements, piochés dans des cours d'importance moyenne et pris en charge par des intervenants extérieurs. » Des économies qui font craindre à de nombreux responsables de troisième cycle un appauvrissement de la qualité et du contenu des formations. Pour contourner la difficulté, certains masters ont introduit des innovations pédagogiques. À Lille, dès cette rentrée 2004, le master MRH proposera des cours in basket. « Ce sont des études de cas grandeur nature proposées et animées par des entreprises partenaires, que les étudiants effectueront pour partie en dehors des heures de cours, traduit François Geuze, l'un des enseignants. Une pirouette pour contrer la réduction des heures de cours imposée par le ministère. »

Autre inquiétude des responsables de DESS, le maintien ou non de la sélection des étudiants. La réputation de ces diplômes de troisième cycle s'est notamment construite sur le barrage sévère organisé à l'entrée. Or les textes qui concernent le passage entre la première et la deuxième année de master sont suffisamment flous pour être interprétés de façon différente. À Dijon, jusqu'à présent, sur les 300 dossiers de candidature déposés, seuls 17 étaient retenus. À l'IAE d'Aix-en-Provence comme à l'université de Toulouse I, les troisièmes cycles en ressources humaines ne disposent que d'une trentaine de places chaque année. « Nous avons encore des incertitudes juridiques quant à la sélection des étudiants, note Frédéric Wacheux, à Dauphine. Quand on lit les textes à la lettre, on ne peut pas interdire à un étudiant l'entrée en M2. Par ailleurs, le master s'organise sur deux ans. Pour maîtriser les candidatures et assurer un vrai brassage des étudiants, il faudrait mettre en place une sélection dès la première année, puis en M2. »

La crainte d'une massification

À l'université Toulouse I, la sélection pourrait également s'organiser dès la première année. « De toute façon, à partir du moment où les étudiants commenceront un master, ils voudront aller jusqu'au bout. La seule solution pour ne pas être obligé de doubler les effectifs est de recruter encore plus sévèrement. Mais où irons les jeunes ? » s'interroge Albert Arseguel, directeur du master Droit et management, ex-DESS de gestion du personnel de Toulouse I. À Dijon, les responsables du master Droit des administrations ont été clairs : sans procédure d'admission drastique, ils quittaient l'université. « On aurait perdu notre réseau d'entreprises partenaires. Le marché de l'emploi régional peut absorber 17 diplômés par an, pas plus, précise David Jacotot, l'un des responsables du master. Mais nous ne sommes pas à l'abri d'un étudiant qui consulterait les textes. Car le but du ministère est d'amener les étudiants au niveau du master. »

Une massification de l'enseignement qui pourrait dénaturer les formations de troisième cycle. Pour éviter un grand rush des étudiants vers leur formation et continuer d'assurer un melting-pot de candidats issus d'universités diverses, certains responsables de master ont bétonné les prérequis à son entrée. À l'IAE d'Aix-en-Provence, par exemple, seuls les étudiants titulaires d'une licence de gestion pourront postuler au master en sciences du management. Or l'université d'Aix-Marseille III, dont dépend l'IAE, ne délivre pas de licence de gestion, mais une licence de sciences éco et de gestion. Des subtilités que les étudiants devraient découvrir dès cette rentrée. Ou l'année prochaine au plus tard.

Les grandes écoles à l'heure du DNM
Jean-Pierre Helfer préside la commission d'évaluation des formations et diplômes de gestion : « La comparaison des formations est au cœur des objectifs de la réforme LMD et n'a rien d'une concurrence déloyale. »THIERRY LEDOUX

« La réforme LMD a été faite pour les grandes écoles, assure François Gaudu, professeur de droit social à l'université Paris I. Elles vont désormais pouvoir délivrer le même diplôme national de master (DNM) que les universités et en profiter pour enfin avoir une visibilité à l'international. » La concurrence que se livrent les universités et les grandes écoles va-t-elle reprendre de la vigueur sur le dos du nouveau diplôme national de master ? « Attention aux confusions, prévient Jean-Pierre Helfer, président de la commission d'évaluation des formations et diplômes de gestion et nouveau directeur d'Audencia, l'école de management de Nantes. Pour le moment, 28 formations peuvent désormais délivrer le grade de master, à ne pas confondre avec le diplôme national de master. Le premier fixe un niveau de sortie de fin d'études, le second correspond à une formation donnée. »

Reste que les 28 écoles « mastérisées » par l'État vont désormais pouvoir engager une demande d'habilitation afin de délivrer le DNM. « Pour le moment je ne peux pas prédire le comportement des écoles. Si on observe la démarche des écoles d'ingénieurs, on voit qu'elles ont décidé de demander le DNM pour les formations proposées aux étudiants étrangers et pas pour leur diplôme d'école, indique Jean-Pierre Helfer. Il me semble plus probable que les grandes écoles de commerce s'engagent dans la cohabilitation de masters à finalité de recherche avec les universités. » En attendant, le grade de master accordé aux 28 écoles de commerce va surtout permettre aux étudiants comme aux recruteurs de mieux comparer les formations. « Une comparaison qui est au cœur des objectifs de la réforme LMD et qui n'a rien d'une concurrence déloyale », souligne le directeur d'Audencia Nantes.

Méthodologie

Ce palmarès 2004 consacre 10 formations initiales parmi les 39 formant à la gestion des ressources humaines (voir inventaire page suivante). Les formations plus spécialisées (en droit, psychologie du travail, ingénierie de la formation, etc.) n'ont pas été évaluées. Nous n'avons pas non plus intégré les formations uniquement accessibles en formation continue. Pour élaborer ce classement, nous avons croisé quatre critères, sélectivité, adéquation formation/emploi, équipe pédagogique et existence d'un réseau d'anciens, pondérés en fonction de l'importance que nous avons décidé de lui accorder dans l'évaluation finale. Un collège d'experts composés de DRH et de responsables pédagogiques de troisième cycle RH a été consulté avant le début de l'enquête pour qu'ils s'expriment sur la pertinence des critères retenus. Les données factuelles ont été communiquées par les responsables pédagogiques des formations, via un questionnaire. Les données qualitatives ont été recueillies lors d'entretiens téléphoniques auprès de ces mêmes responsables entre avril et juin 2004.

Pour en savoir plus, www.liaisons-sociales.com

Auteur

  • Anne-Cécile Geoffroy