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Du bulletin de paie au recrutement

Dossier | publié le : 01.03.2004 | S. L.

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Du bulletin de paie au recrutement

Crédit photo S. L.

Longtemps cantonnée à la gestion des tâches administratives, l'externalisation des ressources humaines commence à gagner d'autres pans de la fonction. Mais avec lenteur. L'externalisation totale n'est pas pour demain. De quoi rassurer les DRH, déjà bien malmenés par la crise.

Dans le monde des ressources humaines, le scénario de l'externalisation peut aller très loin. Soucieuse de rendre un meilleur service aux salariés et, surtout, de réaliser des économies, la DRH commence, généralement, par confier à l'extérieur la paie, puis la gestion des notes de frais. Elle met en place ensuite, avec la bénédiction de sa direction générale, un système informatisé de ressources humaines (SIRH) qui offre la possibilité à chaque manager de l'entreprise, où qu'il se trouve, de gérer les plans de formation et les compétences de ses collaborateurs. Interfacé avec le site Internet, ce système permet de traiter avec beaucoup plus d'efficacité les recrutements et de trier les CV. Confronté à une conjoncture difficile, le DRH peut être également amené à déléguer à un cabinet de conseil la tâche ingrate d'organiser une restructuration conduisant la société à se séparer d'une part significative de ses effectifs.

Quel que soit le scénario, l'externalisation est associée, de façon quasi systématique, et surtout en période de conjoncture morose, à une réduction des coûts. Voire à une compression des effectifs, y compris au niveau des équipes dédiées aux ressources humaines. C'est donc un sujet qui embarrasse les DRH, pris en tenaille entre une logique d'entreprise qui les pousse à externaliser pour réduire les coûts et la nécessité de conserver les composantes de l'activité qui légitiment leur place dans l'organigramme. Pourtant, si l'on en croit Laurent Navarrete, consultant du pôle de performance des RH à la Cegos, « la fonction ressources humaines n'a pas encore une idée très claire de ses coûts. Alors, l'externalisation ressemble un peu à une patate chaude qu'on se repasse sans savoir toujours comment traiter le sujet ». Tous les responsables RH sont loin d'avoir une réflexion achevée sur une question que Thierry Laplanche, directeur du centre de compétences HCM (Human Change Management) d'Orga Consultants, du groupe Sopra, qualifie volontiers de « sensible ».

Le marché anglo-saxon est plus mature

« Les ressources humaines ne sont pas la première des fonctions externalisées », remarque tout d'abord Armelle Carminati-Rabasse, partner chez Accenture et auteur d'une étude sur l'externalisation menée auprès de 809 entreprises européennes et américaines en septembre 2003. « La fonction RH ne vient qu'au quatrième rang des activités externalisées pour 25 % des entreprises, loin derrière la formation (31 %), la chaîne logistique (36 %) et l'informatique (43 %). » Les entreprises restent d'ailleurs très partagées sur les motifs réels d'une externalisation. Selon Armelle Carminati-Rabasse, « on peut citer pratiquement à égalité la réduction des coûts, évoquée spontanément par 54 % des entreprises, et des aspirations plus nobles comme la focalisation sur le cœur de métier, mentionnée par 59 % des entreprises ».

Motifs financiers mais aussi approche qualitative de la fonction, tel est en effet le leitmotiv des DRH et des prestataires. C'est ce dernier argument qui a conduit beaucoup d'entreprises à se délester des tâches administratives (paie, gestion des congés), considérées comme des services à faible valeur ajoutée pour les ressources humaines. « Ce sont, historiquement, les premières activités pour lesquelles la notion d'externalisation est apparue, notamment en France », rappelle Christophe Bossuat, directeur managed services France chez ADP-GSI, un des pionniers et des leaders de l'externalisation des RH. Selon une étude rendue publique début janvier 2004 par Markess International, deux tiers (67 %) des entreprises interrogées ont recours, en totalité ou en partie, à l'externalisation des fonctions RH, la paie étant sous-traitée par 71 % d'entre elles. Dans ce domaine, les prestataires sont identifiés et les pratiques solidement installées. « Je n'y vois que des avantages », témoigne Olivier Bis, directeur des systèmes d'information de Go Sport, qui a externalisé sa paie chez ADP-GSI, puis chez Cegedim SRH : « Nous n'envisageons pas de revenir en arrière. Le fait d'avoir un service de paie fiable n'est pas pour rien dans l'existence d'un bon climat social dans l'entreprise. »

Hormis la permanence des programmes de maîtrise des coûts, l'explosion des nouvelles technologies et l'apparition d'une gestion décentralisée des ressources humaines via les SIRH ont élargi le périmètre d'externalisation à des domaines considérés comme plus qualitatifs ou stratégiques. En dehors de la formation, activité traditionnellement sous-traitée (voir ci-contre), le recrutement commence à être confié à des prestataires extérieurs. « Même si le marché anglo-saxon est plus mature que le marché français, le recrutement est sans doute la première fonction RH externalisée après la formation », estime Patrice Barbedette, directeur général adjoint de Jobpartners, un éditeur de solutions externalisées sur le recrutement.

Mais d'autres projets encore plus ambitieux pointent à l'horizon. Il s'agit, bien entendu, d'aider la DRH à assumer pleinement son rôle stratégique, quitte à externaliser une activité qui faisait auparavant partie de son cœur de métier, à savoir la gestion des ressources humaines et des compétences. La GRH et la relation avec le salarié commencent à attirer éditeurs et prestataires de solutions. Spécialisé dans la gestion administrative de la paie, Cegedim SRH développe ainsi une offre qui permet, selon Philippe Guinaud, chef de produit, « de faire de la gestion qualitative du capital humain, c'est-à-dire d'aller jusqu'à externaliser la gestion des carrières, le recrutement, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, le pilotage social, voire la gestion de la relation employé ».

Un package auquel s'intéresse également ADP-GSI, autre acteur majeur dans la gestion de la paie. Pour Merlane, une société toulousaine qui a fait de l'externalisation son cheval de bataille commercial, le concept de « DRH totalement dématérialisée » n'est pas absurde (voir page 75). « On parle, mais avec une relative prudence, de centres de services partagés pour la gestion des ressources humaines. Restons néanmoins prudents : selon notre étude, 76 % des entreprises interrogées n'ont pas l'intention de créer ce type de services », fait remarquer Sylvie Chauvin, directrice de Markess International.

Vers un démantèlement de la fonction RH ?

Face à l'offensive commerciale des éditeurs et prestataires, les DRH ne réagissent pas tous de la même façon. Certains voient d'un œil favorable l'émergence de ce type d'offres, d'autres ont le sentiment de jouer aux apprentis sorciers : « Nous avons externalisé ce qui n'avait aucune valeur ajoutée, mais nous n'irons pas au-delà. Il faut savoir s'arrêter au bon endroit », estime Olivier Bis, directeur des systèmes d'information de Go Sport. Vincent Paugam, responsable des projets SIRH de Chronopost International, a externalisé les aspects informatiques du traitement de la paie chez Atos Origin et une partie du recrutement chez Jobpartners. Il jure qu'il n'ira pas plus loin : « Nous avons externalisé la partie informatique, mais nous n'avons pas de projets d'externalisation de la fonction RH en tant que telle. » Les consultants eux-mêmes en appellent à une certaine prudence sur ce sujet : « Il faut savoir de quoi on parle, et bien analyser les processus RH avant toute démarche », souligne Laurent Navarrete, de la Cegos. « L'information RH est un domaine très sensible. Il faut garder une relation humaine et éviter à tout prix de déshumaniser la fonction », renchérit Sylvie Chauvin.

Conclusion, il n'existe pas de réponse unique, la solution dépend des contraintes économiques de l'entreprise et de la marge de manœuvre de la DRH. « L'externalisation pure et dure n'est pas au goût du jour », fait en tout cas remarquer Thierry Laplanche, d'Orga Consultants. Directeur des affaires sociales de Bull, Jean-Louis Encontre estime qu'« une PME de 50 personnes peut avoir tout intérêt à externaliser son DRH, si le service rendu et le suivi des salariés est mieux assuré qu'en interne, parce que l'entreprise fait appel à des compétences qu'elle ne possède pas. Mais, ce qui doit guider une démarche d'externalisation est surtout la recherche d'une plus grande flexibilité. L'externalisation n'est pas une fin en soi ».

Auteur

  • S. L.