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Les éditeurs à l'écoute du management

Dossier | publié le : 01.10.1999 |

Les outils informatiques de gestion des emplois et des postes se voulaient trop universels. La nouvelle génération de logiciels destinés à gérer les compétences des salariés sont plus spécifiques. Leurs caractéristiques varient en fonction des besoins propres des entreprises (optimisation de la formation, du recrutement, des rémunérations) ou des évolutions individuelles des salariés.

La course à la productivité a toujours été l'objectif principal des entreprises. Cette exigence reste d'actualité, mais elle n'est pas la seule. Un nouvel impératif est apparu, celui de la réactivité. Pouvoir répondre le plus rapidement possible aux besoins du marché en les anticipant ou, encore mieux, en les suscitant, tel est dorénavant l'enjeu auquel doivent faire face les entreprises. Les cycles de vie des produits et des services raccourcissent. La compétitivité repose aujourd'hui davantage sur la capacité à s'adapter aux fluctuations de la demande. Fini le temps où les métiers n'évoluaient que vers davantage d'expertise. Beaucoup d'entre eux sont appelés à se transformer de fond en comble. « Nous ne savons pas à quoi ressemblera demain notre métier. Nous sommes en perpétuelle migration », remarque Martine Mauret-Mata, directrice du département développement des compétences de Bouygues Telecom. Dans ce contexte, les salariés ne constituent plus seulement une ressource faisant fonctionner un appareil productif, mais une richesse sur laquelle s'appuyer pour évoluer le mieux et le plus rapidement possible. D'où l'importance qu'a prise la gestion des compétences. Ernest-Antoine Seillière, numéro un du Medef, va jusqu'à dire qu'elle « constitue une révolution managériale ». Chaque bouleversement de ce genre s'accompagne généralement d'une nouvelle génération d'outils informatiques. Après les systèmes d'aide à la gestion des emplois et des postes, les outils informatiques d'aide à la gestion des compétences devraient ainsi se généraliser.

De fait, les méthodes et les outils existent déjà, mais les applications sont encore peu nombreuses. « Aujourd'hui, environ 90 % de l'activité de notre service client repose sur des opérations ayant trait à la paie, à la formation et au passage aux 35 heures. Aucune d'entre elles ne concernait la gestion des compétences, alors que nos clients ont en majorité acheté le module spécifique à son traitement. En revanche, nous comptabilisons déjà une vingtaine de projets que les entreprises souhaitent voir démarrer l'année prochaine », note Michel Clerin, directeur marketing de Sopra. Il faut bien que les entreprises s'y mettent. Du moins celles qui voudront plus tard respecter les normes de qualité. L'ISO 9 000 actuel, qui date de 1994, s'intéressait au rôle et aux responsabilités des salariés. Le prochain ISO 9 000, en cours d'élaboration et attendu pour l'an 2000, demandera aux entreprises des précisions sur les compétences. « Il devenait indispensable que nous nous dotions d'un outil qui permette aux collaborateurs et aux managers d'être acteurs à part entière de l'évolution de notre métier », affirme Martine Mauret-Mata.

Passer d'une logique d'emploi à une logique de compétences

Il n'est guère surprenant que Bouygues Telecom, qui se développe sur un marché nouveau et en pleine expansion, celui de la téléphonie mobile, exprime ce besoin. Mais des industriels appartenant à des secteurs plus traditionnels partagent la même préoccupation. « La mise en place d'une organisation plus réactive des ateliers, fondée sur la polycompétence et la polyvalence des opérateurs, impose une gestion des parcours individuels sur informatique », estime Frédéric Wathier, responsable des ressources humaines de l'équipementier Foggini Key France. Ces deux exemples illustrent bien la tendance actuelle. Il ne s'agit plus seulement de prendre en compte des emplois et des postes, et d'y rattacher des individus afin de les affecter à des tâches ou à des classifications qui détermineront leur niveau de rémunération. Mais plutôt d'identifier et de traiter les compétences propres des salariés, quitte à les rapprocher d'un métier ou d'une famille de métiers. « C'est en passant d'une logique emplois à une logique de compétences que l'entreprise se donnera les moyens de connaître le patrimoine de ses talents », résume Richard Collin, directeur général de Trivium, l'un des fournisseurs de logiciels RH spécialisés dans les compétences. Selon lui, « beaucoup de directions des ressources humaines restent encore dans une approche taylorienne de l'administration du personnel », n'ayant pour seul objectif que de se doter d'un référentiel des métiers enregistré dans une base de données. Et généralement construit à partir d'un langage incompréhensible par le plus grand nombre.

Cette méthodologie a d'ailleurs été, en grande partie, responsable de l'échec des outils de gestion prévisionnelle des emplois. Dans la plupart des cas, les sièges des entreprises ont cherché à établir un catalogue précis de tous les métiers de l'entreprise, en les associant à des emplois et des postes (ou vice versa), à partir d'une multitude de caractéristiques sur les fameux « trois s », « savoir, savoir-faire et savoir être ». La base de données ainsi constituée est mise à jour par la direction ou le service central des ressources humaines, qui saisit notamment sur informatique les comptes rendus des entretiens individuels d'évaluation fournis par les responsables hiérarchiques opérationnels. Des opérations qui, dans les grandes entreprises, peuvent mobiliser deux ou trois personnes durant plusieurs mois. Le niveau de détails est tel que leur analyse donne rarement des résultats susceptibles d'être exploités pour gérer concrètement les besoins individuels sur le terrain.

Riches d'informations sur la pyramide des âges, sur le nombre de commerciaux ayant suivi une formation au cours des six derniers mois, ou encore sur le nom des collaborateurs parlant couramment anglais, les outils de gestion de l'emploi ont servi à dresser des plans de formation ou de recrutement. En aucune manière ils ne permettent d'identifier, par exemple, où se trouvent les compétences dont l'entreprise a besoin dans le cadre d'une diversification. Ils n'aident pas non plus les individus et les responsables hiérarchiques directs à mobiliser leurs compétences. Comme le souligne Frédéric Radier, responsable du développement de l'activité de Meta 4, « la gestion des compétences doit permettre de faire travailler une large population hétérogène dans un référentiel commun afin que chacun puisse développer son parcours individuel ». Le point crucial de la gestion de compétences est la manière dont se définit le catalogue à partir duquel va se construire la base de données sur les individus ou sur les métiers. « Les dirigeants qui mobilisent les compétences souhaitent disposer de définitions plutôt souples et générales qui vont leur permettre de gérer la mobilité de leurs collaborateurs. En revanche, les individus qui sont acteurs des compétences désirent des descriptions très précises de ce qu'ils savent faire », affirme Michel Authier, chargé de la recherche et des méthodes chez Trivium. Difficile de concilier les deux.

Un référentiel pour situer les 74 000 salariés de Cegetel

Les entreprises l'ont compris et leurs démarches sont aujourd'hui très pragmatiques. « Pour l'analyse de populations très larges n'est pris en compte qu'un nombre limité de caractéristiques. Les informations vont plus loin dans le détail uniquement sur une population restreinte, jugée stratégique », explique Stanislas de La Foye, responsable du développement de la gestion de compétences à ADP-GSI. C'est le cas par exemple pour les managers à haut potentiel appelés à occuper des emplois clés. LVMH a mis en place un outil à cette fin qui fonctionne depuis environ deux ans. Cegetel s'est attelé à la tâche pour l'ensemble de son personnel, soit 74 000 salariés. Chaque collaborateur est rattaché à un emploi, lui-même décrit par des compétences. Il aura fallu deux ans pour construire ce nouveau référentiel, qui fonctionne sur HR Access d'IBM Global Services.

Réaliser un catalogue des métiers ou des emplois est une tâche tellement lourde qu'il ne faut pas chercher à créer un outil universel, mais le construire en fonction de ses besoins spécifiques. « En tant que fonctionnels, les DRH doivent répondre aux besoins de leurs clients. Ils doivent se poser la question de la gestion des compétences en termes de résultats attendus », précise Chantal Tomasino, consultante au sein de Hewitt Associates. L'outil informatique variera en fonction des objectifs recherchés. Il s'agira de réunir les éléments destinés, selon les cas, à analyser les rémunérations, à établir des équivalences d'emplois entre différents sites étrangers, à construire des entretiens d'appréciation, à définir les plans de formation ou à mobiliser les salariés considérés comme indispensables à l'entreprise. « La spécificité de l'entreprise entre également en ligne de compte. Dans le cadre de fusions, il faut identifier les postes qui sont en surnombre. Dans une logique de croissance difficile à suivre, il se pose des questions de recrutement et de mobilité. En cas de réorientation stratégique, l'entreprise veut savoir où se trouvent les compétences qui vont permettre de la construire », observe Serge Assayag, consultant à Eurogroup.

Les réponses à ces questions préalables vont guider le choix de l'outil et la manière dont il sera ensuite mis en place. Le système informatique sera de toute façon relié à la base administrative du personnel où sont stockés les noms des salariés, leur état civil, leur date d'entrée dans l'entreprise, l'historique de leurs différents postes, leur classification et leur niveau de rémunération. Lorsque les besoins se posent en termes d'analyse d'éléments de rémunération, le progiciel devra être intégré, ou du moins interfacé, au logiciel de paie. Les éditeurs de solutions intégrées, de type ERP (enterprise resources planning), offrent alors les solutions les plus appropriées, car leur module de gestion des compétences ont l'avantage d'être ouverts aux autres éléments du systèmes d'informations des ressources humaines et de la paie. Mais les ERP n'aident pas à la réalisation du référentiel de compétences. Leur rôle se limite à en gérer l'utilisation. « Les ERP sont très longs à paramétrer, entraînent un lourd investissement et souvent une réorganisation des équipes de gestion des ressources humaines », indique Gérard Silve, consultant de Hewitt Associates. Si l'objectif consiste à optimiser les plans de formation par une meilleure connaissance des compétences, il est nécessaire d'avoir une bonne communication entre le progiciel de formation et celui des compétences.

Ce qui compte, c'est de pouvoir mobiliser rapidement la compétence

« Il est indispensable pour avoir une bonne adéquation entre les insuffisances de compétences et l'offre de formation. On peut ainsi mener avec davantage d'efficacité les actions correctives », souligne ainsi Sophie Boillot, responsable des études ressources groupe à la chambre syndicale des Banques populaires. L'organisme de tutelle de ces banques régionales a modernisé l'appareil de formation du réseau en partant d'un nouveau référentiel de compétences destiné à rénover le précédent, qui datait de 1991. Car, entre-temps, le groupe est entré sur des marchés comme l'agriculture. Et la banque automatique s'est développée, conduisant à une autre approche de l'accueil des clients.

Dans le cadre d'un accord d'aménagement et de réduction du temps de travail, obtenir une bonne adéquation entre le plan de charge et les ressources disponibles (entre postes à pourvoir et personnes disponibles) implique de privilégier la liaison entre le logiciel de compétences et l'outil de planification. Les éditeurs spécialisés dans la gestion des temps proposent des modules adaptés. Pour trouver un salarié capable d'occuper un poste défini, il suffit d'aller interroger la base et d'identifier ceux qui l'ont déjà tenu, ne serait-ce que temporairement. S'agissant des besoins en données consolidées des directions des ressources humaines, l'accent doit être mis sur les outils de requête et d'analyse, baptisés datawarehouse dans le monde informatique. Ils permettent de croiser les données sur plusieurs axes (nom, âge, date d'entrée dans l'entreprise et compétences) et aussi d'en sortir des agrégats.

Dernier paramètre à prendre en compte : le portage sur intranet, extranet ou l'Internet de certaines fonctions de la gestion des compétences est très utile pour les entreprises qui souhaitent décentraliser une partie des informations. Permettre aux salariés de prendre connaissance du référentiel des métiers et de saisir eux-mêmes leurs compétences sur leur écran favorise leur mobilisation. « C'est la mobilisation de la compétence qui est importante, ce n'est pas l'inventaire », affirme Richard Collin, partisan d'une telle décentralisation, du moins vers les opérationnels. Un point de vue que partage Frédéric Radier, de Meta 4 : « Les technologies de l'Internet permettent d'améliorer la façon dont on capte l'information sur les compétences. » Qui d'autre que le salarié lui-même est, en effet, le plus à même de décrire ce qu'il sait faire ?