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LA NÉBULEUSE ALTER ET ANTI-MONDIALISTE

Enquête | publié le : 01.02.2004 | Frédéric Rey

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LA NÉBULEUSE ALTER ET ANTI-MONDIALISTE

Crédit photo Frédéric Rey

D'Oxfam à No Vox, de Greenpeace à SUD, la planète radicale recouvre une myriade d'associations, de collectifs et d'ONG que fédère la contestation de la mondialisation libérale. En France, Attac joue un rôle moteur dans ce patchwork où l'on rencontre plus d'intellos et de fonctionnaires que d'ouvriers.

1994, à Genève : à l'appel de la Confédération paysanne, un maigre cortège de 2 000 personnes perturbe la quiétude de cette capitale cossue de la finance en tentant de bloquer une réunion du Gatt, devenu depuis l'OMC. En 2003, sur l'autre rive du Léman, ils sont trente fois plus nombreux à manifester contre le G8 d'Évian. En moins d'une décennie, les altermondialistes sont devenus les trublions incontournables de tous les sommets internationaux. Depuis la bataille rangée de Seattle, il n'y a plus un rendez-vous des dirigeants de la planète sans un important déploiement de forces de l'ordre pour endiguer les flots de contestataires. Et les grandes entreprises ont appris à compter, voire à composer avec ces nouveaux acteurs, surtout depuis que certaines d'entre elles, comme Nike, Esso, Total, Danone ou McDo, ont été prises pour cible de leurs critiques.

Après Porto Alegre, le Forum social mondial de Bombay avec ses 100 000 participants n'a pas démenti le succès de ces nouveaux rassemblements alternatifs qui sont même parvenus à éclipser le rendez-vous annuel des leaders économiques à Davos. La lutte contre la mondialisation libérale rencontre un large écho dans l'opinion publique, en particulier en France. Les politiques l'ont bien compris. De Laurent Fabius à Alain Juppé, tous se déclarent altermondialistes pour le plus grand amusement des intéressés. Et plus personne n'ose, aujourd'hui, défendre les vertus de la globalisation. « Nous avons liquidé la pensée unique », se réjouit Christophe Aguiton, syndicaliste et représentant de l'association Agir contre le chômage !

Mais si la critique du système a fait mouche dans la société, ces professionnels du militantisme peinent à entraîner les foules dans leur sillage. « Ce qui nous pose problème, poursuit Christophe Aguiton, c'est l'absence d'adhésion massive. » Ce mouvement ne s'accompagne pas non plus d'un renforcement des organisations, comme les ONG, présentes sur le terrain depuis des années. Benoît Miribel, directeur général d'Action contre la faim, est revenu de Porto Alegre plus sceptique qu'enthousiaste : « Beaucoup sont prêts à manifester, mais dès qu'il s'agit de mettre la main à la pâte, les vocations sont moins nombreuses. » Les altermondialistes s'interrogent sur la stratégie à adopter. « Le mouvement n'est pas parvenu à sortir d'une fonction tribunicienne », souligne Laurence Tubiana, directrice de l'Institut du développement durable et des relations internationales. La question du débouché politique de ces mobilisations taraude une partie des militants. D'autres balaient cette idée d'un revers de main et privilégient avant tout un activisme radical. Cette hétérogénéité qui a fait la force du mouvement altermondialiste dans les mobilisations est aussi sa faiblesse. Radiographie de la planète radicale.

• Une galaxie multiforme

« Un autre monde est possible ». Derrière ce slogan rassembleur, signe de ralliement des altermondialistes, il n'existe pas un mouvement contestataire homogène et structuré, mais une myriade d'organisations les plus diverses : ONG, syndicats, associations, coordinations et autres groupes autonomes… Le Comité d'initiative français, organisateur du Forum social européen, qui s'est tenu au mois de novembre à Paris et dans sa banlieue, en est le parfait reflet. Il ne comptait pas moins de 300 organisations, déroulant un chapelet de préoccupations très éclectiques : mobilisation contre le néolibéralisme, la réforme des retraites, l'extrême droite, le racisme et la xénophobie, contre les politiques sécuritaires et pour la défense des services publics, les droits des femmes, le retrait des territoires occupés par l'armée israélienne, etc. Un vrai capharnaüm dont il est impossible de dessiner les contours ou de dégager une ligne unique, sauf que tous se retrouvent dans l'espoir d'une alternative à la société actuelle. « Ce qui est nouveau et intéressant, souligne Annick Coupé, responsable du G10 rassemblant plusieurs syndicats, c'est de faire travailler et débattre ensemble des ONG avec des associations et des syndicats en partant de mobilisations de terrain pour construire des convergences de lutte. »

Des Artisans du monde aux Panthères roses

Dans ce magma, toutes les sensibilités sont représentées, du catholicisme social jusqu'à l'anarcho-syndicalisme, d'Artisans du monde aux Panthères roses, des Amis de la terre à Action-Critique-Médias (Acrimed), des pacifistes aux anticapitalistes les plus violents. Parfaite illustration, le rassemblement des altermondialistes, l'été dernier, sur le plateau du Larzac, était des plus hétéroclites. L'intermittent en colère croisait le prof opposé aux projets gouvernementaux sur la décentralisation, côtoyait le producteur de fromages bio et le jeune fan venu assister au concert de Manu Chao. Dans cette mouvance contestataire à géométrie variable, les différentes organisations participent à des degrés divers. « Nous ne nous considérons pas comme partie prenante du discours contre la mondialisation, souligne Jacques-Noël Leclercq, responsable de la commission Entreprises d'Amnesty International, mais cela ne nous empêche pas de participer aux forums de discussion. »

À l'inverse de Médecins du monde, présent dans tous les forums contestataires, son rival Médecins sans frontières y est beaucoup moins visible. Pour Nathalie Tenenbaum, du Centre de sociologie européenne (CSE-Ehess), auteur d'une thèse sur les altermondialistes, « ce qui fait la spécificité de ce mouvement, c'est justement cette incroyable constellation qui est parvenue à se forger un “vivre ensemble” au travers d'un adversaire commun, sans se soucier de chercher une définition légitime de qui est alter et de qui ne l'est pas, démontrant par là que les frontières du mouvement social sont encore mal définies ».

Au sein de cet immense patchwork, un syndicat et une association jouent, en France, un rôle moteur. Emmenée par José Bové, la Confédération paysanne défend une agriculture menacée par un modèle productiviste. Devenu le principal opposant aux OGM, le syndicat a étendu son capital de sympathie à un public beaucoup plus large que celui des paysans. Deuxième organisation fondatrice : Attac, Action pour une taxe Tobin d'aide aux citoyens, créée en 1998 par une poignée d'intellectuels, dont le directeur général du Monde diplomatique, pour protester contre les méfaits de la mondialisation financière. Elle revendique 31 000 adhérents répartis dans plus de 200 comités locaux. « Attac est la force motrice du mouvement, explique l'économiste Jacques Nikonoff, actuel président de l'association. Nous ne pouvons pas nous en tenir au stade d'actions symboliques qui restent à la marge ou cantonnées à un registre de dénonciations. Nous voulons amener une majorité des citoyens à la compréhension de la mondialisation et aux alternatives possibles. »

Des grains de sable pour gripper la machine

Mais ce leadership commence à être contesté par d'autres composantes altermondialistes. Une série de groupuscules reprochent l'institutionnalisation et la tiédeur d'Attac, comme les collectifs Vamos ! (Vive l'action pour une mondialisation des solidarités !) et Aarrg (Apprentis agitateurs réseau résistance global), qui sont en partie des émanations de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR). C'est le cas également des No Vox, un réseau international de mouvements de lutte de « Sans », les sans-logis, sans-papiers, sans-revenus… qui privilégient des formes d'action radicales et immédiates. En parallèle à ces organisations, d'autres groupes ont aussi fait leur apparition, revendiquant une indépendance totale et le refus de tout engagement politique. Ce sont ces commandos antipub, antimarques ou anti-McDo. « Ils ne sont pas la partie la plus visible, explique le sociologue Erwan Lecœur qui a travaillé sur les nouvelles radicalités. Ils n'acceptent pas le monde tel qu'il est, mais ils ne croient plus aux grands discours ou à un militantisme entièrement dédié à une cause. Plutôt que de chercher à renverser le système, ils font un pas de côté et zappent d'un engagement à l'autre en créant des grains de sable pour gripper une machine vouée de toute façon à exploser un jour. »

La contestation de la mondialisation libérale sert de ciment à ce mouvement très pluriel. « S'ils parviennent à rassembler autant, c'est sur un programme minimal », remarque Jean-René Buisson, secrétaire général du groupe Danone. Tant que ces organisations se limitent à faire un constat, le consensus reste possible, mais des divergences apparaissent sur les solutions. « C'est ce qui s'est passé avec la réforme des retraites. Certains syndicats ou associations en désaccord avec le projet se sont rassemblés derrière le slogan “Une autre réforme est possible”, souligne Anousheh Karvar, de la CFDT Cadres. Lorsqu'ils ont commencé à poser les premiers éléments d'une alternative, ce front s'est fissuré entre les tenants d'une ligne pragmatique et les activistes radicaux. »

• Syndicats et associations, même combat !

Si quelques grands syndicats européens participent activement à ce renouveau de la contestation sociale, comme la CGIL italienne, les centrales françaises se tiennent plus ou moins à distance. FO regarde les altermondialistes comme un corps étranger. La CFDT reste très critique, même si certains de ses adhérents militent à titre individuel dans des organisations comme Attac. Quant à la CGT, dont certaines fédérations sont impliquées dans le mouvement, elle campe dans le rôle d'observateur bienveillant : « L'anarcho-syndicalisme était à l'état latent dans la société, ce n'est donc pas nouveau pour nous », explique, en vieux briscard, Jean-Christophe Le Duigou, secrétaire national de la CGT. Et de citer Lénine pour qualifier ce courant gauchiste de « maladie infantile ». Ce sont surtout des petites organisations comme le Groupe des 10 (G10) ou la FSU qui tirent les ficelles par une action menée conjointement dans le cadre syndical et associatif.

Dans cette guerre, rien n'est exclu
La Confédération paysanne de José Bové et Attac, avec son président Jacques Nikonoff (au centre), et Bernard Cassen, son prédécesseur (à droite), jouent un rôle clé dans la galaxie alter.DENIS/REA

Les liens entre ces syndicats et certaines composantes altermondialistes sont nombreux. Le G10, composé essentiellement de syndicats SUD, est partie prenante dans des organisations comme AC ! (Agir contre le chômage !), le DAL (Droit au logement), Droits devant, la fondation Copernic. La moitié des fondateurs d'Attac sont issus du syndicalisme. Pour Jacques Nikonoff, son président, « l'articulation avec le mouvement syndical est l'axe stratégique principal ». Christophe Aguiton, figure emblématique de l'altermondialisme, milite à la LCR, à SUD PTT et à AC ! ; Annie Pourre, ancienne adhérente du parti communiste, syndiquée à la CGT puis à SUD, a rejoint le DAL et Droits devant. « Le syndicalisme est un outil, mais il ne suffit plus, il faut aujourd'hui bâtir des cadres de lutte plus larges », souligne Annick Coupé, fondatrice de SUD PTT et responsable du G10.

Dans la guerre contre le néolibéralisme, rien n'est exclu. « Cette phase de recomposition, explique la chercheuse Sophie Béroud, se caractérise à la fois par la réapparition de luttes offensives, construites sur la revendication de droits, mais aussi sur le rejet d'une marchandisation illimitée de l'activité sociale, par un dépassement des anciens liens de subordination entre associations, syndicats et partis. » Ce sont des syndicalistes qui ont été parmi les premiers à essayer d'organiser un vaste mouvement de chômeurs et de précaires en 1992. D'une marche contre le chômage lancée dans toute la France à l'appel de SUD, de la CFDT ANPE, de militants associatifs (Mrap, Ligue des droits de l'homme…) et de chercheurs dans la lignée de Pierre Bourdieu est née l'association AC ! « La CFDT n'était pas favorable à cette création, la CGT regardait ça avec scepticisme, précise Claire Villiers, ex-syndicaliste de la CFDT ANPE passée à la FSU et cofondatrice d'AC ! Mais, face à la montée du chômage et de la précarité, nous pensons que le rapport de force ne peut plus se construire seulement entre les murs de l'entreprise. »

• Ni chef ni hiérarchie

Le postulat du mouvement altermondialiste est le refus de toute hégémonie d'une organisation ou d'individus. « Il faut garder une indépendance de radicalité du mouvement », estime Annie Pourre, du DAL. « Pourquoi vouloir à tout prix unifier le mouvement ou trouver un leader, s'interroge Julie Ancian, chargée de mission sur la mondialisation et la santé à Médecins du monde. C'est une erreur stratégique et très franco-centrée d'appréhender le mouvement de cette manière. » Les altermondialistes cultivent à l'extrême l'utopie autogestionnaire. Pour échapper à toute dérive oligarchique, le Forum social européen n'avait désigné aucun porte-parole permanent, tandis que le secrétariat d'organisation était ouvert à tous les volontaires. Pour compliquer les choses, toutes les décisions sont toujours prises au consensus. « Nous ne travaillons pas au rapport de force mais en nous pliant à cette règle de l'unanimité. Tout le monde est à égalité, c'est la garantie de réussite de ce mouvement », précise Annick Coupé. Ce qui n'empêche pas les organisations de se coordonner au niveau international, comme Attac qui est présent dans une quarantaine de pays. La Confédération paysanne européenne représente 22 organisations dans 13 pays avec des préoccupations liées aux questions agricoles mais aussi à la réforme des règles du commerce mondial. Des collectifs internationaux sont créés sur les OGM, les services publics, la guerre… et des forums sociaux sont organisés aux échelles nationale et continentale. « Un réseau européen s'est créé sur la santé, précise Annick Coupé, avec la proposition de lancer des journées européennes. »

Greenpeace travaille avec plusieurs associations au niveau international, comme à Bhopal où l'ONG offre un soutien logistique à un syndicat fondé par deux salariées indiennes qui revendiquent le droit au travail. Cette organisation en réseau fonctionne grâce à Internet dont les altermondialistes ont parfaitement su tirer profit, en particulier pour mobiliser. La plupart des altermondialistes sont abonnés au « Grain de sable », le journal électronique d'Attac, qui diffuse des rapports provenant d'ONG ou d'autres organisations. C'est aussi à partir d'Internet que la campagne de boycott des produits Danone a été lancée, après l'annonce de la restructuration de sa filiale LU. Initiée par le réseau Voltaire, elle a été ensuite largement relayée par Attac. Véritable nerf de la guerre, la Toile favorise la globalisation des luttes et sa popularisation auprès d'un large public. Cette capacité à se constituer en réseau et à pouvoir réagir rapidement intéresse particulièrement les organisations syndicales traditionnelles. C'est même, pour la CFDT, la principale leçon à tirer du mouvement.

• Des intellos mais pas de prolos
Le rassemblement préparatoire à la rencontre de l'OMC, qui a réuni l'été dernier 230 000 personnes sur le plateau du Larzae, a constitué un moment fort de la mobilisation altermondialiste.DRUENNE/WOSTOK PRESS/MAXPPP

Des grèves de l'automne 1995 contre le plan Juppé, où les alters ont fait leurs premières armes, aux manifestations du printemps 2003 réunissant intermittents, profs et autres fonctionnaires, les salariés du privé ont brillé par leur absence. Hormis quelques conflits isolés et très radicaux concernant des fermetures d'entreprises, les mobilisations reposent majoritairement sur l'implication des agents du public. Et si les altermondialistes prennent pour cible une entreprise, la contestation s'organise à l'extérieur sans lien avec le personnel. « Une situation qui est propre à la France, précise Christophe Aguiton, où les syndicats les plus impliqués dans l'altermondialisme sont très présents dans les services publics et faiblement dans le privé. » La sociologie des militants altermondialistes est aussi typée : on y trouve des représentants de la classe moyenne supérieure mais rarement des ouvriers, employés et chômeurs. « Les cadres sont présents chez Attac, mais ils ne sont pas organisés dans leur entreprise », précise Jacques Nikonoff. « On rencontre toujours les mêmes profils, souligne Anousheh Karvar, responsable CFDT de l'Observatoire des cadres, des individus qui ont un engagement syndical ou associatif, adeptes du commerce équitable, mais ces mouvements sont coupés des couches les plus populaires. »

L'entreprise, l'adversaire le plus coriace

Le management, les ressources humaines ou l'organisation du travail sont absents des réflexions des altermondialistes. « Au FSE, nous n'avons pas parlé de ce qui se passe dans les entreprises, regrette Claire Villiers, syndicaliste et militante d'AC !. Cette question du travail est pourtant centrale. Certains crèvent de ne pas avoir de boulot et les autres crèvent au boulot. L'entreprise est l'adversaire le plus coriace. Le syndicalisme n'a pas réussi à traduire dans l'entreprise la contestation de la mondialisation. » Pour les altermondialistes, l'enjeu, à présent, est d'établir des liens avec le salariat. « Pourquoi ne pas envisager de créer des comités Attac en entreprise ? » s'interroge Jacques Nikonoff. Le sujet est à l'ordre du jour des réflexions de l'association en 2004. Annick Coupé, du G10, plaide pour une coordination des luttes contre les licenciements. Une première tentative vient de voir le jour dans la région d'Elbeuf, près de Rouen, où des syndicats SUD Chimie Aventis, SUD Renault et des cégétistes d'Alstom, Pirelli, Renault CKD et Total viennent de créer un collectif unitaire. « Que ce soit sous forme de plans sociaux, de fermetures d'entreprises, de licenciements individuels, la situation de l'emploi est dramatique, souligne François Teyssier, responsable de SUD Aventis. Avec une association rouennaise de chômeurs et de précaires, nous voulons nous battre contre les licenciements et imposer une politique de plein-emploi avec un travail stable, bien rémunéré et permettant l'épanouissement. » Le collectif a manifesté en janvier devant le siège du Medef à Rouen. Utopistes ? Ces syndicalistes le revendiquent. « Mais ce qui nous paraît bien plus irréaliste, poursuit François Teyssier, c'est la volonté des patrons de maintenir un taux de chômage élevé. »

Débats, forums, formations…
Une palette d'outils pour déconstruire l'idéologie néolibérale

« Il ne suffit plus d'avoir des convictions pour descendre dans la rue, il faut être un militant expert », résume Nathalie Tenenbaum, spécialiste des mouvements altermondialistes. « En 1968, il s'agissait surtout, avec les mouvements de retour à l'usine, de tuer le bourgeois qui était en soi. Aujourd'hui, les mouvements d'éducation populaire visent à faire voir le monde autrement. » D'où la nécessité d'arguments solides. En 1998, la fondation Copernic, qui réunit des universitaires et personnalités comme Michel Husson ou Yves Salesse, a ainsi été créée pour « remettre à l'endroit tout ce que le libéralisme fait fonctionner à l'envers ». Les innombrables ateliers des forums sociaux contribuent à faire avancer les idées de penseurs comme l'économiste philippin Walden Bello, directeur de l'organisation Focus on the Global South, le Malaisien Martin Khor, directeur du réseau d'ONG Third World Network, ou encore l'Indienne Vandana Shiva, dont l'organisation Navdanya est à l'origine d'une vingtaine de banques communautaires dans le pays. Idem pour les sites Internet (globalexchange.org, bellaciao.org, citizen.org, foodfirst.org…) qui relaient débats, pétitions, manifestations, espionnent les sites des grandes organisations internationales pour dénoncer leurs pratiques. Quant aux universités d'été d'Attac, où l'on retrouve Susan Georges, Bernard Cassen, René Passet, grandes figures du mouvement, elles multiplient formations et débats. « Notre objectif est de déconstruire l'idéologie néolibérale, affirme l'économiste Jacques Nikonoff, président d'Attac. Notre deuxième mission est de promouvoir des alternatives, mais nous avons encore, sur ce point, beaucoup de progrès à faire. » Cette mission d'éducation populaire porte encore mal son nom. Les ouvriers fréquentent peu les bancs de ces universités du savoir et les classes moyennes se reconnaissent peu dans le mouvement. « Or si on ne parvient pas à créer des passerelles, c'est foutu », résume Annie Pourre, du collectif No Vox.

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  • Frédéric Rey