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Le bloc-notes

Le paradoxe français : réformes et croissance

Le bloc-notes | publié le : 01.06.2003 | Raymond Soubie

Une vraie crise : les comptes de l'assurance maladie.

Décidément, le ralentissement de la croissance fait ressortir les difficultés et les dysfonctionnements de tous ordres de notre pays. Ainsi, après l'affaire des retraites, le gouvernement va-t-il devoir prendre les mesures que l'état de l'assurance maladie exige. Le constat est terrible : une ampleur des déficits inégalée depuis longtemps, un malaise profond des professions de santé, des doutes sur la qualité d'un système de soins jusqu'ici incontesté et, bien sûr, des marges de manœuvre très réduites. Comme si le plan Juppé et ceux qui l'ont précédé ou suivi n'avaient servi à rien. Circonstance aggravante, le problème est immédiat et il n'y a pas de diagnostic partagé sur les solutions, à l'inverse de ce qui s'est passé pour les retraites.

Pour dire vrai, on ne voit pas comment échapper à un nouvel accroissement des prélèvements obligatoires. Une maîtrise plus rude des dépenses à l'hôpital paraît bien imprudente en l'état actuel de la situation. Sans doute peut-on faire mieux à terme mais rien d'efficace à court terme. Dans le domaine du médicament, toutes les mesures susceptibles d'être prises ont commencé à l'être, mais avec un faible impact sur les dépenses de Sécurité sociale. Dans celui de la médecine de ville, les mécanismes de régulation antérieurs ont été mis à mal : on voit difficilement comment le gouvernement pourrait rétablir ceux-là, ou d'autres, compte tenu de l'état d'esprit des médecins et des concessions qu'il leur a faites.

Alors qu'imaginer ? Une prise en charge accrue par les patients eux-mêmes ? Peut-être, mais sans trop s'illusionner sur les économies qu'elle entraînerait : le petit risque n'est pas petit pour tout le monde et il y a des limites à ne pas dépasser.

Décidément, le plus vraisemblable est qu'en plus de modifications dans l'équilibre institutionnel de la gouvernance de l'assurance maladie les solutions soient trouvées du côté de nouvelles ressources, même si celles-ci paraissent justifiées par une nouvelle organisation. Le plan Juppé à l'envers en quelque sorte.

Emploi : à la recherche d'une négociation

Les partenaires sociaux ont entamé une négociation sur l'emploi. Au départ, il ne l'ont pas fait de bon cœur, se demandant sur quoi ils pouvaient négocier avec des chances d'aboutir. La suspension de la loi de modernisation sociale, renvoyant à cette négociation le soin de définir ce que pourraient être les nouvelles règles du droit de licenciement, a permis d'avancer.

Dans une première phase, syndicats et patronat ont entrepris d'étudier les meilleures pratiques en matière de licenciement économique. Celles-ci existent. Elles sont fondées sur une place accrue donnée à la négociation collective, une anticipation des processus facilitant le reclassement, la recherche de l'employabilité et la gestion des compétences. Que ces méthodes soient appliquées avant le processus formel d'information/consultation des institutions représentatives du personnel ou qu'elles constituent un processus permanent dans l'entreprise, elles représentent un progrès indéniable. Leur mise en œuvre suppose la réalisation de quelques conditions préalables. Notre droit, qui contraint assez fortement les procédures d'information/consultation, doit faire une place à de vraies négociations, antérieures aux restructurations, et sans risque de délit d'entrave. Les études d'employabilité, le diagnostic et la validation des acquis de l'expérience ont à être généralisés. Enfin, une partie au moins de ces méthodes doit être étendue aux PME grâce à des accords de branche ou locaux interprofessionnels. Comme on le voit, les partenaires sociaux auront du grain à moudre.

Réformes et croissance

La France est un pays bien étrange, qui n'a tiré aucune leçon de la fable de la cigale et de la fourmi. Quand la croissance est là, rien n'est mis de côté pour permettre de combler, le moment venu, les déficits publics ou les comptes sociaux futurs, en préparation d'un retournement de cycle. De même, les réformes les plus évidentes, les retraites par exemple, sont remises à plus tard pour ne pas détériorer le climat de confiance retrouvé. Quand la bise est venue et quand la croissance s'en est allée, les difficultés réapparaissent. Il faut y remédier. Les gouvernements doivent alors, au péril de leur existence, se mettre à réformer dans des conditions qui ne sont pas idéales. Situation contraire à la raison au pays de Descartes et aux principes de saine gestion. Nous avons jusqu'ici survécu mais rien ne dit que l'avenir nous sera aussi clément.

Auteur

  • Raymond Soubie