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Des syndicats divisés chez Michelin

Dossier | publié le : 01.06.2003 | D.G.

Poussée par la dynamique contractuelle de la RTT, la direction de Michelin a mis l'intéressement au programme. Et a su tirer profit de divisions à la fois inter et intrasyndicales pour négocier un accord à double détente, national et local.

Chez Michelin, ça bouge sur le social ! Dans la foulée de l'accord sur la RTT approuvé par référendum en mars 2001 après beaucoup de péripéties, la direction de la manufacture a ouvert des chantiers de négociation tous azimuts, à l'issue de décennies de guérilla avec les organisations syndicales : dans la foulée des salaires et des préretraites, l'intéressement a été mis au programme de la politique contractuelle, pour la première fois dans l'histoire du groupe. « L'accord signé en mai 2002 s'inscrit dans la dynamique nouvelle créée par l'accord sur les 35 heures », reconnaît Dominique Baldo, adjointe du directeur des relations sociales de Michelin. Les syndicats ont fait preuve d'une même ouverture d'esprit, bien que la CGT ait prévenu d'emblée qu'elle ne signerait pas d'accord, pour des raisons de principe. « La loi interdit aux entreprises de substituer l'intéressement aux salaires, mais on sait bien qu'au bout du compte cela fait toujours de l'argent en moins sur les fiches de paie », estime François Boisset, le délégué central CGT. Pour autant, le syndicat reste mesuré, reconnaissant, à l'unisson des autres organisations, la pertinence de certains critères proposés par la direction. En particulier, ceux liés à la protection de l'environnement comme le respect de la norme ISO 14001, mesurant les rejets industriels dans l'air et dans l'eau, ou la limitation de la production de déchets industriels.

La vraie pomme de discorde entre partenaires sociaux a porté sur la répartition de l'enveloppe globale attribuée au titre de l'intéressement. Les syndicats réclamaient le versement d'une prime identique pour l'ensemble du personnel, cadres et non-cadres. Une revendication jugée dans un premier temps inacceptable par la direction de Michelin, favorable à un montant calculé au prorata du salaire. « L'intéressement ne constitue pas un moyen de resserrer l'éventail des rémunérations. Ce n'est pas sa vocation », rappelle Dominique Baldo. Mais, devant la fermeté de la CFDT, l'entreprise a lâché du lest et accepté de mentionner dans l'accord la possibilité de négocier la part établissement sur une base égalitaire, la part groupe demeurant proportionnelle.

L'intéressement à la sauce Michelin se présente en effet comme une fusée à deux étages : un accord d'entreprise commun à tous les salariés, auquel s'ajoute un avenant décliné dans chaque site en fonction de paramètres locaux, 5 % maximum de la masse salariale brute étant distribuée. « Nous aurions évidemment préféré une prime entièrement égalitaire. Reste que certains établissements comme celui de Vannes ont arraché à la direction locale une prime identique pour tous, ce qui est un premier pas encourageant », souligne Alain Coudert, délégué central CFDT. Au final, l'accord national a été paraphé par la CFTC, la CFDT et même par SUD.

Deux établissements sur douze n'ont pas d'accord

Dans les établissements, l'ensemble des organisations syndicales se sont associées à la démarche, y compris Force ouvrière et la CGT, non signataires de l'accord de groupe. « Sur 12 établissements, seuls ceux du Puy et de Poitiers n'ont toujours pas signé d'accord », précise Dominique Baldo. FO a apposé sa signature à Montceau et à Bourges, tandis que la CGT a signé dans un site sur trois. Le consensus aurait sans doute été plus fort si la direction n'avait pas tenu à appliquer un critère visant à faire baisser le taux de fréquence des accidents du travail. Or FO, la CGT et SUD y voient une façon déguisée d'inciter les salariés à sous-déclarer les sinistres survenus sur le lieu de production. « L'indicateur du taux de fréquence des accidents du travail est trop chargé de suspicions et de dérives vis-à-vis de la manière dont il est obtenu. À plusieurs reprises, la caisse régionale d'assurance maladie a mis en garde les CHSCT sur une pratique des employeurs consistant à s'arranger avec les victimes d'accident », souligne Michèle Laurent Bobier, déléguée SUD pour le fief historique de Bibendum, à Clermont-Ferrand. Du coup, SUD, signataire de l'accord national, n'a paraphé que deux accords locaux, à Roanne et à Golbey.

« Comprenne qui pourra ! Les incohérences de SUD, de FO et de la CGT ne facilitent pas la négociation avec l'entreprise », ironise le cédétiste Alain Coudert. François Boisset, de la CGT, s'en sort par une pirouette : « J'aurais préféré qu'aucun de nos syndicats ne signe dans les établissements. Certains l'ont fait sans doute un peu par opportunisme, à l'approche des élections professionnelles. Mais cela prouve que la CGT n'est pas aussi monolithique qu'on le dit parfois. » Pour sa part, SUD met en avant le respect du vote de ses adhérents. « On ne pouvait pas ne pas tenir compte de l'opinion de nos adhérents, qui, malgré les réserves de leurs délégués négociateurs, se sont prononcés aux trois quarts pour la signature de l'accord manufacture », explique Michèle Laurent Bobier. Des divisions inter et intrasyndicales dont la direction de Michelin a su tirer profit.

Auteur

  • D.G.