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L'Europe, destination numéro un

Dossier | publié le : 01.05.2003 | S. D.

Près d'un expatrié français sur deux travaille en Europe. La majorité des entreprises, qui considèrent le Vieux Continent comme un marché unique, y ont supprimé les primes d'expatriation.

Tant pis pour l'exotisme ! Avec la multiplication des échanges entre les pays membres et une politique commune qui rend la mobilité plus aisée, l'Union européenne reste la première destination des expatriés. D'après un sondage Taylor Nelson Sofres auprès de 1 332 « exilés », 42 % résident en Europe (35 % dans l'UE, 7 % hors UE). Les PME qui s'ouvrent à l'international commencent par s'implanter sur le Vieux Continent et les multinationales françaises continuent de renforcer leur présence dans les pays voisins. Sur 1 000 expatriés, Michelin compte près d'un tiers d'« europatriés », dont la majorité travaillent sur des sites de production (Espagne, Royaume-Uni, Allemagne, Italie, etc.). « Ce sont essentiellement des cadres et des techniciens que nous envoyons travailler à l'étranger pour des missions de deux à cinq ans, résume Florence Vincent, responsable rémunération du groupe. Cela nous permet de développer leur carrière et de leur donner une dimension internationale. Enfin, sur certains postes stratégiques, il est important de placer du personnel relayant une très bonne connaissance du groupe. »

Eurocommuting entre pays proches

Devant les surcoûts liés à l'expatriation, de plus en plus d'employeurs favorisent la main-d'œuvre et les contrats locaux. Chez Bouygues Construction, qui compte 150 europatriés sur un total de 500 expat, le DRH, François Jacquel, explique que « l'objectif, à terme, est de privilégier le contrat local, comme c'est déjà le cas en Suisse et en Espagne. Sur des missions courtes, nous avons plutôt intérêt à envoyer un expatrié. En revanche, quand notre présence est pérennisée, mieux vaut faire appel à la main d'œuvre locale ». Grâce aux moyens de transport, plus rapides et nombreux, les distances se raccourcissent. Du coup, un nouveau mode d'expatriation, l'eurocommuting, commence à se développer entre pays proches. L'expatrié qui choisit de partir sans sa famille travaille à l'étranger la semaine et rentre le week-end. À Bouygues Construction, une trentaine de salariés font la navette entre Londres et Paris. Considérant l'Europe comme un marché unique, la majorité des entreprises ont supprimé les primes d'expatriation. « Une mutation à Londres ou à Bordeaux, c'est la même chose, tranche François Jacquel. Pour les expatriés en Europe, nous continuons de prendre en charge la scolarité des enfants, le logement, nous maintenons une prime qui compense la perte de niveau de vie, mais avons supprimé la prime d'expatriation. » Chez Michelin, en revanche, celle-ci représente 10 à 50 % de la rémunération brute pour les pays les plus éloignés.

La difficile reconversion des humanitaires

Ce sont les caprices du temps qui ont le plus frappé Vincent Guillemoteau, directeur de programme pour Handicap international, lorsqu'il a été rapatrié d'urgence de Côte d'Ivoire en novembre 2002, en raison des affrontements armés entre rebelles et troupes loyalistes.

« Du jour au lendemain, j'ai dû lâcher mon poste à Abidjan, abandonner mes amis pour rejoindre ma femme et mes enfants qui m'attendaient en France. Le changement a été si brutal que je n'ai pas pu m'y préparer et, pendant des mois, un sentiment d'inachevé ne m'a pas quitté », témoigne-t-il. Mais aujourd'hui, après plus de huit ans consacrés aux ONG, Vincent Guillemoteau a décidé de tirer un trait sur son passé et de rechercher un emploi fixe dans les collectivités locales ou le privé.

Pour de nombreux humanitaires, cette reconversion est souvent difficile. Après avoir côtoyé la guerre, la famine et la misère, ils ne comprennent plus les préoccupations matérielles de leurs proches. Et, après des années de volontariat, ils ne savent pas toujours comment transposer leur expérience dans le secteur marchand. De leur côté, les employeurs craignent d'embaucher ces profils atypiques, qu'ils imaginent instables et utopistes.

Une cellule psychologique pour les plus fragiles

Quant aux ONG, si elles savent gérer des situations critiques aux quatre coins du monde, le retour de leurs expatriés est un sujet tabou qu'elles n'affrontent pas franchement. Seules les plus importantes comme Handicap international ou Médecins sans frontières commencent à y réfléchir. « En amont, nous recrutons des candidats qui ont au moins deux ans d'expérience professionnelle, notamment pour faciliter leur réinsertion, explique Arnaud Laurent, responsable RH « terrain » de MSF.

Nous essayons aussi de nouer des relations privilégiées avec des entreprises de logistique, par exemple, qui peuvent offrir des débouchés à nos équipes. Enfin, une cellule psychologique propose une aide aux plus fragiles. »

C'est pour briser le silence qu'Éric Gazeau, ancien chef de mission à MSF, a décidé de créer en juillet dernier l'association Résonances humanitaires (1). « Nous désirons aider les expatriés à gérer leur retour et à valoriser leurs compétences professionnelles. Notre ambition est de constituer un réseau de partenaires (ANPE, Apec, entreprises, collectivités, etc.) susceptibles de proposer des postes au retour de mission. Pour épauler les expatriés dans leur recherche d'emploi, nous voulons aussi mettre en place des services de bilans de compétences et d'orientation, en relation avec des cabinets spécialisés et un soutien psychologique. À terme, nous aimerions vendre nos services aux ONG et nous charger de la réinsertion professionnelle de leurs expatriés. » Actuellement, Résonances humanitaires compte plus de 70 adhérents. L'année prochaine, l'association espère pouvoir embaucher quatre salariés. Reste à trouver des partenaires financiers.

(1) Résonances humanitaires : 116, rue de Javel, 75015 Paris. [www.resonanceshumanitaires.org]

Auteur

  • S. D.

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