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Le bloc notes

L'État ne fait plus assez confiance aux partenaires sociaux

Le bloc notes | publié le : 01.12.2001 | Raymond Soubie

Le bateau ivre

Il arrive que des sujets, faute de progresser, régressent. Il en va hélas ainsi de l'optimisation et de la maîtrise des dépenses de santé. Depuis bien des années, rapports, Livres blancs et bon sens convergent pour dénoncer les dysfonctionnements du système et proposer des pistes de solution.

On peut à la fois mieux soigner les patients et réaliser des économies. Il faut simplement pour cela mettre dans les différents compartiments du système de soins plus de transparence, plus de rigueur, plus d'évaluation et plus de responsabilisation des acteurs.

Malheureusement, depuis le plan Juppé, la réforme en ce domaine ne semble pas porter la baraka aux politiques. Ceux-ci ne savent plus comment entraîner et convaincre le corps médical ou contourner l'hostilité des personnels publics et privés. Ils ont pourtant avec eux l'immense armée des assurés. Comme pour la retraite, on n'a pas su utiliser les temps de croissance. Si celle-ci venait à s'affaiblir durablement, bien malheureux serait le pouvoir politique qui se retrouverait dans la situation de 1995.

Le contrat et la loi

Le grand mérite de la refondation sociale est d'avoir replacé dans le débat politique le thème du rapport entre la loi et le contrat, particulièrement en droit social. Depuis un trop grand nombre d'années, l'État ne fait plus assez confiance aux partenaires sociaux pour poser les problèmes et dégager les solutions.

La loi sur la modernisation sociale en est un exemple saisissant. Voici un texte qui, en quelques jours, pour répondre à une vraie émotion mais à un faux problème – l'affaire Danone –, a été profondément modifié jusqu'à redéfinir le champ de licenciement économique et sans que les syndicats, pour ne pas parler du patronat, aient été entendus ou consultés.

D'autres exemples allant dans le même sens pourraient être donnés. Le chantier dit « de la démocratie sociale », ouvert par le gouvernement, aborde les vrais sujets mais trop près des échéances électorales pour donner lieu d'ici là à un début de concrétisation. Comme l'opposition, de son côté, va faire de ce thème un de ses chevaux de bataille, il ne faut toutefois pas désespérer. Peut-être que du débat – du consensus ? – électoral sortira un vrai programme d'action laissant toute sa place au contrat.

Concrètement, comment avancer ? Il n'est pas question que le législateur abandonne ses prérogatives entre les mains des syndicats et du patronat, mais simplement que le dialogue social puisse préparer la loi, la compléter et, dans certains cas et sous certaines réserves, déroger dans la branche ou l'entreprise à des dispositions législatives ou réglementaires préalablement définies. Sur le premier et le deuxième point, il s'agit d'un retour et d'une amplification d'une vieille tradition sociale française – celle qui a abouti à la création de l'Unedic, des régimes complémentaires de retraite et à l'élaboration des accords sur la sécurité de l'emploi ou la formation professionnelle.

Le troisième point est plus original en droit français. Il passe par une exigence de représentativité minimale des syndicats qui seraient signataires d'un accord dérogatoire. Ne nous y trompons pas : seule une entente forte et préalable entre l'État et les partenaires sociaux, dans un climat de confiance retrouvée, permettrait une telle évolution.

L'emploi et les politiques

L'emploi a été au cœur de toutes les campagnes électorales depuis vingt ans. Avec le retour de la croissance et un bon bilan des cinq dernières années, on pensait déjà que le thème serait moins présent en 2002, laissant la priorité à des sujets comme la mondialisation, la sécurité ou l'environnement.

Le ralentissement économique, s'il se poursuit comme il est prévisible au cours des prochains mois, va-t-il le remettre en selle ? Ce n'est pas si sûr. Pour qu'il en soit autrement, il faudrait que les hommes politiques aient une idée claire sur ce que doit être, hors des moulinets, une politique d'emploi sérieuse et durable. Cela passe par une bonne perception des mécanismes de l'entreprise et par une reconnaissance de ce que coûte à l'emploi la rigidité du marché du travail.

Hélas ! le niveau exceptionnel des créations d'emplois ces dernières années a donné bonne conscience à beaucoup, qui ne s'interrogent pas outre mesure sur la nécessité de maintenir une croissance riche en emplois et les moyens pour y parvenir. Faut-il croire que les politiques vont s'ouvrir au principe de réalité ?

Raymond Soubie, président d'Altedia.

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