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Enquête

AÏE ! MA PETITE ENTREPRISE PASSE AUX 35 HEURES

Enquête | publié le : 01.11.2001 | Isabelle Moreau

À la veille d'appliquer la loi Aubry, la mobilisation n'est pas au rendez-vous chez les moins de 20 salariés. Et pour cause ! Sans interlocuteurs pour négocier, sans gains de productivité à attendre, sans espoir de trouver des temps partiels, la RTT est un vrai casse-tête. Et ce n'est pas le sursis accordé par l'État qui va pousser les petites entreprises à jouer les bons élèves.

Rungis ressemble à un village gaulois. Ce n'est pas l'approche des fêtes qui transforme le marché d'intérêt national en camp retranché. Mais l'échéance du passage aux 35 heures, même si le gouvernement a lâché du lest (voir encadré page 18). Sur les 500 entreprises de gros, employant en moyenne une vingtaine de salariés, les pionniers qui ont devancé l'appel se comptent sur les doigts d'une main. À la tête d'une PME de huit personnes, Jean-Claude Reverdy, président du Syndicat du commerce de gros en fruits et légumes, a longtemps prié pour qu'un miracle se produise. « Obliger les petites boîtes à passer aux 35 heures est une connerie. Cette mesure doit être purement et simplement annulée. » Dans les secteurs moins hostiles à la réduction du temps de travail, ceux qui ont négocié un accord de branche avec les syndicats, c'est aussi l'attentisme qui prévaut chez les petits patrons. À l'image de Gilles Joannet, qui dirige une petite imprimerie de labeur de sept personnes, à Pantin, beaucoup se plaignent de ne pas être suffisamment informés sur la réduction du temps de travail. Gilles Joannet a, certes, suivi une réunion d'information au Groupement des métiers de l'imprimerie afin de connaître les dispositions de Paccord-cadre permettant de moduler les horaires. Mais il n'a pas pour autant embrayé sur les 35 heures dans son imprimerie. Il commence tout juste à y réfléchir et envisage de réduire le temps de travail de son personnel avant la fin de l'année.

Selon les derniers pointages de la Dares, il s'en est fallu de peu que la barre des 200 000 établissements (soit environ 84 000 entreprises) passés aux 35 heures soit franchie en août 2001. Mais seulement… 4 % des entreprises de 20 salariés ou moins ont fait de même. Au total, un peu plus de 7 millions de salariés bénéficient de la RTT. Mais c'est le cas de seulement 6 % (environ 240 000) des salariés employés dans ces petites entreprises, selon le secrétariat d'État aux PME, au Commerce et à l'Artisanat. « La grande masse des entreprises de 20 salariés et moins est restée dans les starting-blocks », confirme Robert Buguet, patron de l'Union professionnelle artisanale (UPA). Notamment les très petites entreprises, de deux ou trois salariés.

Cacophonie ambiante

Ce ne sont pas les récentes déclarations gouvernementales qui vont inciter les employeurs à passer aux actes. À la fin de l'été, en raison du forcing conjoint de Laurent Fabius et de François Patriat, son secrétaire d'État aux PME, mais surtout à cause de la dégradation de la conjoncture, Lionel Jospin a décidé d'assouplir l'application des 35 heures. La récente intervention d'Edouard Balladur, souhaitant une « suspension de quelques années » de la mise en œuvre des 35 heures dans les PME afin de relancer la croissance n'a fait qu'ajouter à la cacophonie ambiante. Du coup, certaines entreprises optent pour le statu quo, dans l'attente d'une alternance au printemps 2002, « Ces annonces troublent les esprits, souligne Guy Bellier, responsable des affaires juridiques et sociales de la Capeb, syndicat professionnel des artisans du bâtiment. Tout cela crée une confusion. Les patrons de ces petites entreprises qui ne connaissent pas les arcanes du droit du travail ne comprennent qu'une chose : la mise en place des 35 heures chez les moins de 20 salariés est quasiment abrogée. »

« Nous avons de plus en plus de difficultés à remplir nos stages de sensibilisation à la réduction du temps de travail », indique Patrick Rabin, responsable de la chambre de métiers de Montargis, dans le Loiret. Déjà que, « depuis un an et demi environ, le nombre de rencontres, dîners-débats, colloques organisés sur le thème des 35 heures avait sensiblement diminué, faute de moyens », regrette Jacques Cottereau, consultant du cabinet Pennée. Recevant à longueur de journée les cahiers de doléances des organisations professionnelles et rencontrant les PME sur le terrain, François Patriat avoue « bien mesurer la vraie difficulté, et parfois même la vraie hostilité des petites entreprises », dans lesquelles il distingue « une forme de révolte et de résignation ». « Dans une période où les gens ont plus de travail et moins de main-d'œuvre, on peut parler d'inadéquation de la loi », admet ce membre du gouvernement. Déjà flagrante dans les grandes entreprises, la complexité de la mise en œuvre des 35 heures devient un véritable casse-tête dans les petites unités, où l'organisation du travail repose avant tout sur la souplesse. « C'est la quadrature du cercle ! » s'exclame Jean Dufour, directeur général d'Ampersand, une microsociété de quatre personnes spécialisée dans la promotion et la distribution de programmes de télévision, où le terme 35 heures n'a jamais été prononcé en interne. « Ici, chacun est maître de son temps, s'organise très librement. Alors, chambouler notre fonctionnement, ce n'est pas la première de nos priorités. »

Grossiste à Rungis, Michel Thein invoque le même genre d'arguments : « L'organisation du travail, je la revois tous les matins. Je m'approvisionne régulièrement en haricots verts au Sénégal. Les 4 tonnes que je devais recevoir hier ne sont pas arrivées. Aujourd'hui, j'en reçois 8. Qu'est-ce que je peux faire ? Et ce cas de figure survient en moyenne deux fois par semaine. » Aussi, dans les allées du marché d'intérêt national, les variations d'activité se règlent à l'amiable avec des arrangements du style « ce soir tu pars plus tôt, demain tu resteras plus longtemps ». Un grossiste en soupire à l'avance : « Avec la rigidité des 35 heures, ce sera beaucoup plus difficile. »

Surcoûts et baisses de revenus

Et puis employeurs et salariés font leurs comptes. La réduction du temps de travail risque de se traduire par un surcoût insupportable pour les uns et par une baisse de revenus pour les autres, familiers des horaires à rallonge. Propriétaire de quatre salons de coiffure en région parisienne comptant entre quatre et neuf salariés, souvent plus proches des 45 heures que des 39 hebdomadaires, Alain Zinzius étudie différentes pistes pour mettre en place les 35 heures. Mais il se heurte toujours au mode de rémunération de ses coiffeurs. Car, plus ses salariés effectuent de coupes et de brushings, plus leur rémunération est élevée. Sans parler des pourboires. Le scénario est rigoureusement identique à Rungis, où les vendeurs, commissionnés sur le chiffre d'affaires de leur entreprise, travaillent 42 heures par semaine, parfois même 50. Ils sont sur le « carreau » entre 5 heures du matin et 15 heures.

Quant à la facture des 35 heures, elle fait déjà froid dans le dos aux patrons de PME. « Dans une entreprise comme la nôtre, dont la situation financière est encore tangente et où les salariés travaillent sans compter leurs heures et sont de surcroît intéressés au capital, ce n'est vraiment pas le moment », déplore Jean-Éric Lucas, qui dirige Paraschool, une entreprise parisienne d'e-learning comptant sept salariés. Résultat, il a décidé d'attendre la dernière heure pour se plier à la loi. Car il ne sait toujours pas par quel côté aborder ce chantier. D'autant que dans l'équation propre aux petites entreprises, à la différence des grandes entreprises, les gains de productivité dégagés ne seront vraisemblablement pas au rendez-vous. « Je ne vois pas comment gagner en productivité dans notre profession où l'activité zigzague d'un jour à l'autre avec des produits périssables, explique ainsi Jean-Claude Reverdy. L'année dernière, par exemple, j'ai reçu 400 tonnes de mirabelles. Cette année, ça chute à 20 en raison des mauvaises conditions climatiques. » Fernand Mishler, qui a transformé un ancien relais de poste, Le Cheval blanc, sait d'avance que son restaurant gastronomique, coté au Michelin, ne va pas gagner en efficacité. Ce restaurateur a appliqué les 39 heures dès 1999 dans un secteur où l'horaire légal est resté à 43 heures (voire encadré page 22). « J'ai réduit le temps de travail d'une demi-heure par jour et mon personnel bénéficie aussi d'une demi-journée supplémentaire, explique-t-il. Je suis content pour eux, mais je ne peux pas aller plus loin sous peine de couler mon affaire. Dans une industrie de main-d'œuvre comme la nôtre, la réduction du temps de travail augmente les coûts et, dans la restauration traditionnelle haut de gamme, les gains de productivité sont difficilement réalisables. Avec les 35 heures, je suis coincé de tous côtés ; soit j'augmente encore mes tarifs, soit je ferme mon établissement une demi-journée par semaine. Et c'est mon chiffre d'affaires qui en pâtira ! »

L'emploi pas forcément gagnant

Autre motif de grogne chez les dirigeants de PME : la nécessité d'embaucher pour compenser les heures de travail perdues du fait de la RTT. Un emploi supplémentaire peut en effet faire rapidement basculer les comptes de l'entreprise dans le rouge. « Financièrement, je ne peux pas aujourd'hui déléguer la comptabilité, explique Jean-Eric Lucas, de Paraschool. Avec les 35 heures, je serai obligé de faire un travail d'équilibriste. » Et de boucher les trous générés par les absences des salariés. Le restaurant strasbourgeois La Cloche à fromage a adopté en 2001 la semaine de 41 heures sur six jours et procédé à deux embauches. Résultat : « Nous avons augmenté le plus possible nos tarifs. Notre chiffre d'affaires s'est accru de 15 %, mais le bénéfice net a chuté de 3 %, détaille René Tourette, son patron. En 2002, je vais fermer deux jours par semaine, je licencierai une partie du personnel et l'affaire sera bouclée ! » L'emploi n'en sortira donc pas forcément gagnant.

Ces créations d'emplois supplémentaires surviennent au mauvais moment. Car il était déjà difficile de recruter dans des secteurs d'activité, restauration, commerce ou artisanat en tête, qui n'attirent guère les candidats, et particulièrement les jeunes. « Ces pénuries de main-d'œuvre existaient avant la mise en place des 35 heures », confirme Robert Buguet. Pour le président de l'UPA, elles sont essentiellement liées « à la formation et à l'image d'un certain nombre de métiers ». À Rungis, on en sait quelque chose. Recruter des manutentionnaires et des vendeurs relève du parcours du combattant. Seul le bouche-à-oreille porte véritablement ses fruits. Et pourtant, un vendeur à Rungis est rémunéré entre 180 000 et 500 000 francs brut par an… Dans les métiers de bouche, la situation est encore plus préoccupante. « Il y a un besoin de personnel de l'ordre de 20 % », estime Alain-Philippe Feutré, président du Syndicat français de l'hôtellerie. Difficile en effet d'attirer des salariés dans un secteur où les horaires sont ingrats, la durée hebdomadaire du travail fixée à 43 heures et où les rémunérations restent basses. Entre 60 et 70 % des salariés gagnent le smic.

« Nous souffrons toujours d'un déficit social important, reconnaît Fernand Mishler, propriétaire du Cheval blanc. Les jeunes veulent avoir des conditions de travail normales, mais qu'on nous donne les moyens d'embaucher ! » Comment trouver, en effet, une personne polyvalente pour combler les quatre heures de réduction du temps de travail hebdomadaires lorsque l'entreprise compte deux ou trois personnes et que l'on travaille souvent en famille ? Beaucoup appliqueront donc les 35 heures sans emplois supplémentaires grâce à l'augmentation du contingent d'heures supplémentaires décidé par le gouvernement (voir encadré page 18). Les boulangers de Montargis ont trouvé la solution : au lieu de fermer un jour par semaine, ils resteront porte close deux jours de suite, à tour de rôle. « C'est une profession encore assez individualiste, explique Patrick Rabin, responsable de la chambre de métiers de cette ville. Ils ne sont pas encore prêts à imaginer, par exemple, une association sous forme de groupement d'employeurs. » Une idée défendue par la CFDT : « Pour les microentreprises, nous estimons que les problèmes sont les mêmes, qu'elles soient à 35,39 ou 45 heures, explique Jacques Rastoul, chargé des PME à la CFDT. Quand un salarié est malade, cela perturbe déjà l'organisation du travail. C'est pourquoi les très petites entreprises doivent coopérer entre elles. Elles travaillent déjà ensemble sur le plan technique, pourquoi ne pas le faire en matière d'emploi ? » Plus facile à dire qu'à faire pour des dirigeants de TPE qui n'acceptent pas d'ingérence dans leur management. Et dont le comptable ou l'expert-comptable sont parfois le seul interlocuteur.

Difficile dialogue social

Si elle ne passe tout simplement pas à la trappe, la négociation sur les 35 heures s'avère très délicate. Car elle suppose que patron et salariés se mettent autour d'une table, ce qui n'est pas une pratique courante dans les très petites entreprises. « Ces employeurs vous expliquent que leur porte est toujours grande ouverte, explique Jean-Louis Tardieu, consultant du cabinet Altedia. Mais c'est une gestion sociale aux accents encore très paternalistes. Les problèmes se règlent plutôt bien, mais au cas par cas, et de gré à gré. » Des tête-à-tête impossibles lorsqu'il s'agit de repenser toute l'organisation du travail. Et c'est là que ça coince : « Comme la législation sur les 35 heures est complexe et très difficile à décrypter, les patrons craignent de ne pouvoir répondre aux questions des salariés », poursuit ce consultant installé à Reims.

Dans les entreprises de plus de 10 salariés, beaucoup d'employeurs ne voient pas, non plus, l'utilité d'un dialogue social avec les représentants du personnel. Lorsqu'ils existent. « Il y a très souvent des constats de carence, car personne n'a envie d'être montré du doigt par l'employeur », précise Olivier Fabry, responsable des 35 heures à la Chambre de commerce et d'industrie de Rodez. Inutile de dire que les syndicats n'y sont généralement pas en odeur de sainteté. Ni les militants ni les salariés qu'ils mandatent. « Cette crainte de faire entrer le loup dans la bergerie existe, confirme Jacques Cottereau, du cabinet Pennée. Mais on a aussi vu des patrons reconnaître qu'avoir en face de soi un salarié mandaté par une organisation syndicale a facilité les choses. »

Une source de dissensions

Peut-être plus que dans les grandes entreprises, faute de médiation syndicale, les 35 heures sont une source de dissensions. C'est notamment le cas chez Arion. Cette PME parisienne spécialisée dans la production de disques de musique classique et de musique du monde compte seulement six salariés, dont un en contrat à durée déterminée. Sa dirigeante, Manuela Ostrolenk, attend de ses salariés une disponibilité maximale. Les congés sont fixés d'autorité : quatre semaines pendant l'été et une autre à Noël. À plusieurs reprises, le personnel a déjà demandé de pouvoir répartir autrement ses vacances. « En nous organisant entre nous, explique un ancien salarié, nous pourrions partir à d'autres périodes, mais cette patronne de droit divin ne veut absolument pas en entendre parler. » « Personne ne peut faire le travail de quelqu'un d'autre dans l'entreprise, rétorque Manuela Ostrolenk, Ce que je vois dans les autres sociétés qui sont passées aux 35 heures, ce sont des salariés qui parviennent difficilement à travailler ensemble. Ce sont des interlocuteurs absents lorsqu'on essaie de les joindre… » Le personnel d'Arion a fait circuler une pétition pour convaincre leur employeur qu'une autre planification des congés est possible. En vain. À l'approche de l'échéance de janvier 2002, Manuela Ostrolenk campe sur ses positions et évoque à demi-mot, comme un moyen de pression, la possibilité de ne pas maintenir les salaires…

Sans interlocuteurs syndicaux, sans marges de manœuvre en termes de gains de productivité, sans guère de possibilité de recruter les temps partiels nécessaires, les PME risquent donc de se retrouver face à une équation insoluble. Soit elles embauchent pour compenser la RTT au risque d'affecter la santé de l'entreprise, soit elles se contentent de réduire le temps de travail et, du même coup, leur chiffre d'affaires. Entre les deux maux, il leur sera difficile de choisir le moindre.

Un répit en dessous de 20 salariés
En jouant sur les heures sup, les TPE disposent de trois ans pour s'aligner

Comme promis, le gouvernement Jospin vient à la rescousse des petites entreprises. Devant le nombre infime de très petites sociétés engagées dans un processus de réduction du temps de travail, tout laissait craindre un bogue juridique le 1er janvier 2003. Il n'en sera rien. Un décret du 15 octobre 2001 publié le lendemain au « Journal officiel » fixe en effet un nouveau contingent d'heures supplémentaires par salarié dans les entreprises de 20 salariés et moins concluant un accord sur les 35 heures. Un seuil revu à la hausse, à titre transitoire. Ces heures autorisées, sans droit de regard de l'inspection du travail ni récupération par repos compensateur, passent de 130 à 180 heures par an en 2002, ce qui revient à des semaines de 39 heures. Dès l'année suivante, elles diminuent à 170 heures, avant un retour au droit commun à 130 heures en 2004.

Les heures supplémentaires seront donc décomptées à partir de la 38e heure en 2002, de la 37e heure en 3003 et de la 36e heure en 2004. Après cette date, le régime des 35 heures sera le même pour toutes les entreprises.

Le gouvernement n'oublie pas non plus d'apporter un soutien aux employeurs rencontrant des difficultés de recrutement. Une circulaire du ministère de l'Emploi, datée du 17 octobre, prévoit ainsi que les petites entreprises qui auront signé un accord 35 heures assorti d'embauchés pourront continuer à bénéficier des aides de l'État, même si elles ne parviennent pas à recruter en raison de la faiblesse de l'offre dans le secteur demandé.

Cette dérogation sera applicable non seulement pour les entreprises à titre individuel, mais aussi au niveau des branches ou des bassins d'emploi. Ces aménagements qui pourront faire l'objet de conventions entre l'ANPE et des branches intéressent particulièrement des secteurs régulièrement confrontés à des pénuries d'emploi comme les métiers de bouche.

Enfin, le décret du 15 octobre fixe à 180 heures annuelles le contingent d'heures supplémentaires pour les cadres en forfait hebdomadaire ou mensuel.

Huit heures de moins au comptoir !
Un grand saut dans les hôtels, cafés, restaurants où la durée légale est 43 heures

Les 600 000 salariés des hôtels, cafés, restaurants seront bientôt fixés sur leur sort. Elisabeth Guigou, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, devrait indiquer prochainement si elle procède ou non à l'extension de l'accord 35 heures signé le 15 juin 2001 par deux chambres patronales minoritaires du secteur, le Syndicat français de l'hôtellerie (SFH) et le Syndicat national des restaurateurs, limonadiers, hôteliers (SNHLH) et deux organisations syndicales, la CFDT et la CGT, Dans un récent courrier commun, ces deux dernières organisations estiment que l'accord qui prévoit un passage de 43 heures de travail hebdomadaires à 35 heures au plus tard fin 2006 selon un échéancier lié à la taille des entreprises et avec le concours d'aides publiques – est « équilibré ». Ce qui n'est pas l'avis de l'Union des métiers de l'industrie hôtelière (Umih), un des poids lourds du secteur, prête à négocier sur la seule baisse de 43 à 39 heures. Les syndicats de salariés estiment aussi que « cet accord et sa mise en œuvre seront un plus pour les salariés, mais également pour toute la profession, la réduction du temps de travail permettant de rendre plus attractifs les métiers de l'hôtellerie ».

Dans ce secteur composé à 97 % de très petites entreprises, où les salaires sont bas (60 % des salariés sont au smic) et les horaires ingrats, les candidats à l'embauche ne sont en effet pas légion. Et tant le Syndicat national des restaurateurs, limonadiers, hôteliers que le Syndicat français de l'hôtellerie misent sur cet accord, qualifié d'« exemplaire » par François Patriat, secrétaire d'État aux PME, au Commerce et à l'Artisanat, pour redorer le blason de leur profession. « Ceux qui se battent contre cet accord, commente Alain-Philippe Feutré, président du SFH, pleurnichent tout l'été parce qu'ils ne trouvent personne », C'est pourquoi, « il faut que nous sortions de notre ghetto ! » enchaîne son collègue Jacques Mathivat, président du Syndicat national des restaurateurs, limonadiers, hôteliers et patron des Deux Magots, boulevard Saint-Germain, à Paris.

Tous deux attendent donc avec impatience de connaître la décision prise Rue de Grenelle. Si le texte devait être étendu à l'ensemble des entreprises du secteur, il resterait ensuite à le mettre en œuvre. Ce qui ne sera pas une mince affaire, les représentants patronaux en ont bien conscience : « Tout cela ne se fera pas d'un, coup de baguette magique, reconnaît Alain-Philippe Feutré. Car, pour nous, le saut est autrement plus important : il ne s'agit pas de réduire le temps de travail de quatre heures, mais de huit. » Et de poursuivre : « Ce sera aussi plus compliqué pour les entreprises comptant deux ou trois personnes.

Davantage encore dans la restauration que dans l'hôtellerie, car il est plus difficile de planifier le nombre de couverts que le travail des femmes de chambre dans un hôtel… »

Auteur

  • Isabelle Moreau