logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

À la une

Le bureau, espace en voie de disparition ?

À la une | publié le : 01.06.2023 | Irène Lopez

Image

Le bureau, espace en voie de disparition ?

Crédit photo

Si l’heure est à la rationalisation et à l’optimisation des surfaces, des services et des coûts, le changement a des impacts sur la situation de travail. Dans l’entreprise post-Covid, l’immobilier et l’aménagement des espaces de travail sont des sujets prégnants dans un contexte de loyers à la hausse et de revendications écologistes.

Le bureau, paradis perdu ? À en croire une enquête réalisée en 2022 par le cabinet de conseil en immobilier d’entreprise JLL, 90 % des entreprises s’inquiètent des contraintes macroéconomiques (hausse du prix des matières premières, difficultés d’approvisionnement, allongement des délais et incertitudes autour des projets, etc.) et peinent à se décider à louer des bureaux. Ainsi, entre janvier et mars 2023, le taux de vacance des espaces de travail atteignait 7,9 %. Du jamais vu depuis vingt-cinq ans ! À peine 318 000 m2 d’espaces de travail ont été alloués sur l’ensemble du marché francilien. Malgré une hausse de 2 % sur les trois derniers mois et de 8 % d’une année à l’autre, l’offre immobilière corporate de la région parisienne atteignait « seulement » 4 427 000 m2 disponibles fin mars 2023. Outre, les valeurs locatives franciliennes toujours élevées (930 euros/m2/an pour le loyer prime, 428 euros pour les locaux de seconde main, 425 euros pour ceux de première main, des niveaux inédits).

Les directions sont donc à la recherche de solutions innovantes pour optimiser et amortir les coûts de leur immobilier. Au-delà des leviers traditionnels consistant à renégocier son bail ou à réduire sa surface, certaines entreprises exploreront le déploiement d’options nouvelles, comme augmenter la part d’espaces flexibles au sein de leur portefeuille, sous-louer une partie de leur surface à des tiers, ou encore mutualiser leurs pieds d’immeubles et ouvrir leur offre de service aux riverains.

Repenser les investissements immobiliers à l’horizon 2025

Ces pistes ne sont pas sans poser des questions contractuelles d’accès au site, de confidentialité, de sécurité des personnes, ou encore de la nécessité de se structurer pour se muer en opérateur de coworking. L’agilité est donc le maître-mot pour un portefeuille plus résilient, mais implique de trouver le juste équilibre entre recherche d’économies et qualité de l’expérience salariés. « Les entreprises sont contraintes d’optimiser leur portefeuille, mais doivent le faire sans négliger la qualité des espaces, puisqu’elles ont toujours plus besoin d’attirer et de fidéliser les talents. En effet, 50 % des travailleurs urbains de bureaux dans le monde ont quitté leur emploi depuis le début de la pandémie. Et, parmi eux, 90 % envisageaient de le faire de nouveau dans les douze prochains mois. En France, le phénomène est, certes, moins marqué, mais reste palpable et dénote d’un vrai sujet d’engagement des salariés », explique Flore Pradère, directrice recherche et prospective chez JLL.

Les entreprises l’ont bien compris et repensent leurs investissements immobiliers à l’horizon 2025 : 52 % des directions interrogées ont déclaré vouloir réaménager les espaces pour accroître le bien-être et l’engagement, 30 % souhaitent opter pour dispersion de l’empreinte immobilière. « Partout dans le monde, les entreprises commencent à réfléchir à une empreinte immobilière plus dispersée pour mieux desservir des pools de talents. Un phénomène présent dans une moindre proportion en France, où le siège reste une destination centrale. Cependant, cela pourrait devenir un pari gagnant-gagnant pour les entreprises et les salariés », précise Benoît Delattre, Head of Strategic Consulting chez JLL.

Le concept Airbnb pour les entreprises

Pour ceux qui voudraient s’affranchir de l’empreinte foncière, le concept Airbnb pour les entreprises s’est développé sur le modèle de la location touristique. Ces dernières louent des espaces chez des particuliers. « Le bail 3-6-9, c’est terminé ! Les budgets migrent », déclare Florian Delifer, président d’OfficeRiders, start-up française qui a pour but de permettre aux professionnels et aux entreprises de profiter d’espaces sous-utilisés. L’idée lui est venue en 2015 alors qu’il séjourne aux État-Unis. Il travaille alors dans un espace de coworking quand son voisin habite une maison extraordinaire qu’il n’occupe pas durant la journée. À l’époque, il est en avance et peine à lever des fonds. La crise sanitaire a accéléré son business. Aujourd’hui, le volume d’affaires d’OfficeRiders s’élève à 10 millions d’euros et Florian Delifer emploie une trentaine de personnes. » Les collaborateurs fuient les bureaux neutres qui manquent de personnalité. Les centres d’affaires d’Accor ou les bureaux Regus sont peut-être 30 % moins cher que nous, ils manquent d’émotion et leur contexte est très déshumanisé », ajoute le dirigeant. Pourquoi se rendre dans un lieu domestique privé pour travailler alors qu’un bureau est pratique ? Chez Officeriders, les collaborateurs ont un mot tabou : « le bureau ». À la limite, ils peuvent évoquer « espace de travail ». Ils sont unanimes : « La praticité a ses limites. Et puis, pourquoi subir jusqu’à deux heures de transport alors que les espaces sont au coin de la rue ? » Un groupe de commerciaux sur le point de signer un contrat préférera ainsi un salon bourgeois aux moelleux canapés. Une entreprise ayant décidé de recréer du lien social au sein d’un service louera pour une journée un appartement doté d’une grande cuisine et d’une verrière, car « c’est chouette de pouvoir déambuler d’un salon à une cuisine et de discuter dans un endroit agréable, à la décoration parfois originale. »

Plus de 3 000 espaces (et le triple dans la base de données) sont disponibles à la location, offrant ainsi un « bureau » à géométrie variable. Pour faire partie de la base, les logements doivent cocher certaines cases : être proche des transports, être propres et bien rangés, avoir à disposition un minimum de services de type cafetière, bouilloire, ne pas présenter trop de photos de famille… Si les Youtubeurs et autres Tiktokeurs raffolent d’intérieurs atypiques pour réaliser leurs vidéos, presque toutes les entreprises du CAC40 ont également déjà réservé chez Officeriders. « La vision quantitative d’avant et, par conséquent son présentéisme, est délaissée au profit d’une vision plus qualitative, commente Florian Deflifer. Nous ne sommes pas la solution qui remplace le bureau, mais nous sommes une solution qui complète l’activité. Notre cœur de cible repose sur les groupes de 8 à 12 personnes qui souhaitent se réunir dans un logement doté d’un extérieur. Et là, nous battons toute la concurrence en offrant un tarif compris entre 1 000 et 1 500 euros la journée. »

Pour achever son argumentaire, il met l’accent sur le positionnement durable de son entreprise : « Notre modèle est vertueux car nous recyclons les espaces. »

Réaménagement : les petites victoires faciles à déployer

Recycler les espaces est également le choix que font les chefs d’entreprise qui optent pour le réaménagement plutôt que le déménagement. Marion Desert cofondatrice de Fairspace, agence d’aménagements d’espaces de travail éco-conçus, prévient : « Comme pour un déménagement, le réaménagement d’un plateau de bureau doit avant tout être cadré : quel est l’objectif principal ? Faire revenir les équipes au bureau, rendre les lieux plus collaboratifs ou permettre à chacun de trouver une place ? La deuxième question essentielle est l’ambition du projet : est-ce simplement pour faire patienter avant un déménagement en attendant une période plus propice ? » Toutes ces questions vont permettre d’établir le bon dimensionnement du projet et de bien cartographier ses besoins.

Il est nécessaire cependant de prioriser les actions sur les irritants majeurs des équipes présentes et sur les petites victoires faciles à déployer. La cofondatrice de Fairspace donne l’exemple suivant : « Si les remontées des salariés concernent quasi exclusivement le manque de salles de réunion pour passer des appels, investir même 90 % de son budget dans des box acoustiques peut être un bon levier d’action. » Si le besoin est à court terme (un projet de déménagement est prévu dans les prochains mois, par exemple), il n’est pas nécessaire d’investir massivement dans les travaux. En revanche, on peut aménager avec du mobilier qui sera réutilisé pour le futur projet, et cela peut même être l’occasion de tester à petite échelle un nouvel espace ou de nouveaux usages ! Dernier point, ne pas hésiter à faire des mini-travaux emblématiques : repeindre un pan de mur de l’espace convivialité, installer une bibliothèque dans l’espace détente, tapisser une partie d’une salle de réunion… Elle conclut : « Même un petit projet peut avoir un gros impact. »

Auteur

  • Irène Lopez