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Idées

Une politique publique des loisirs pour une meilleure égalité des chances

Idées | Livres | publié le : 01.05.2023 | Frédéric Brillet

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Une politique publique des loisirs pour une meilleure égalité des chances

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Directeur de l’institut Sapiens et professeur d’économie à l’université de Bordeaux, Olivier Babeau part du constat que le temps libre redevient abondant à l’époque contemporaine. C’est un changement d’une ampleur inouïe car, depuis la révolution néolithique il y a 10 00 ans, caractérisée par l’essor de la sédentarisation, de l’agriculture et de l’élevage, le temps libre était chose rare pour la grande majorité des populations. La révolution néolithique a en effet rendu les moments de repos plus rares car l’augmentation de la démographie grignotait sans cesse l’avantage productif créé, rendant nécessaire plus de production et donc plus de travail. Autre changement, mais très récent cette fois-ci, si le temps libre a augmenté, son usage et sa répartition entre classes sociales diffère de ce qui se faisait dans le passé. Sous l’effet de la réglementation du travail, pour la première fois sans doute dans l’histoire de l’humanité depuis le néolithique, les élites travaillent aujourd’hui plus que les classes populaires. En règle générale, plus on gagne de l’argent, plus on travaille. Par ailleurs, les classes dirigeantes font un usage différent de leur temps libre que les classes populaires, pointe l’auteur. Elles privilégient dès le plus jeune âge le loisir studieux qui vise la progression personnelle, exerce le corps ou l’esprit pour en améliorer les capacités. À l’inverse, les classes populaires se cantonnent au divertissement qui n’a pas ou très peu d’effet au-delà du plaisir immédiat. Le problème, selon l’économiste, tient à ce que le divertissement a établi une domination hégémonique sur les loisirs d’une grande partie de la population. Cette tyrannie contribue à réduire la mobilité sociale et à maintenir la reproduction sociale et les inégalités qui en découlent au profit des classes supérieures. Car le travail scolaire ou professionnel ne suffit plus à assurer la réussite, il faut aussi miser sur le loisir en le transformant en un temps utile. Malheureusement les nouvelles technologies fonctionnent comme d’impitoyables pompes aspirantes et placent notre esprit sur des rails qu’il est prodigieusement difficile de quitter. Elles sont les premières responsables de cette tyrannie du divertissement. Le temps libre est donc un cadeau redoutable qui substitue à la vieille interrogation sur le sens du travail celle sur le sens du loisir, car la plupart d’entre nous n’avons pas été habitués à bien gérer cette oisiveté. Dès lors, comment améliorer l’accès de tous aux loisirs studieux ? L’auteur en appelle à une politique publique des loisirs, en particulier pour les classes les plus modestes. Sans cela, tous les discours sur la lutte contre les inégalités demeureront de vaines exhortations.

« La tyrannie du divertissement »,

Olivier Babeau, Éd. Buchet-Chastel, 21,50 euros

Auteur

  • Frédéric Brillet