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Idées

Les ratés de la méthode

Idées | Bloc-notes | publié le : 01.05.2023 | Jean-Claude Mailly

Les ratés de la méthode

Les ratés de la méthode

Crédit photo DR

Le dossier des retraites, non encore clos, restera dans les annales, en particulier en matière de méthode, et ce même si, bien entendu, les questions de contenu et de calendrier sont aussi importantes. Un constat s’impose : dès le départ, du côté de l’exécutif, l’itinéraire était mal balisé et les sorties de route furent nombreuses.

Ainsi, l’objectif de la réforme a varié au fil du temps : financer l’éducation et la santé, puis mettre en place des mesures de justice, enfin, assurer un équilibre financier à terme. Or, pour reprendre un adage populaire : « Ce qui se conçoit bien s’annonce clairement ». Ce ne fut pas le cas.

Annoncé pendant la campagne présidentielle, le report de l’âge de 62 à 65 ans était avant tout motivé pour récupérer des électeurs de droite. Après avoir hésité sur un passage au Parlement à l’automne 2022, la décision fut prise de le décaler pour donner du temps à la concertation. Deuxième problème : tout pouvait être discuté, sauf le report de l’âge ! Une concertation où tout n’est pas sur la table ne peut pas fonctionner. Et si l’exécutif espérait recueillir la bienveillance d’au moins un syndicat, il a fait une erreur d’analyse dans la mesure où tous les syndicats étaient clairement opposés à une mesure d’âge.

Ensuite, le calendrier a été découpé – troisième erreur – en deux phases étanches : la première, avec les interlocuteurs sociaux ; la seconde avec les politiques et, avant tout, avec Les Républicains pour tenter d’obtenir une majorité à l’assemblée nationale. Les ponts ont alors été coupés pendant de longues semaines avec les syndicats, ce qui est inédit. Les demandes de rendez-vous avec le président de la République ont été refusées.

Par leur unité d’action, leur comportement responsable et leur demande de pause ou de suspension, les syndicats, avec douze journées de mobilisation, ont été largement soutenus par la population. Le sentiment d’être, non seulement pas écouté, mais méprisé, s’est développé. La promulgation, dans la foulée de la décision du Conseil constitutionnel, de la loi, amputée de ses cavaliers, a parachevé ce constat d’irrespect. Une fracture s’est installée, qu’il ne sera pas facile de réduire.

Tout cela interpelle sur le fonctionnement de notre démocratie. Celle-ci ne saurait se résumer aux élections politiques, sans respiration pendant cinq ans et sans prendre en compte les attentes et demandes majoritaires émanant de la population. La démocratie sociale est l'un des piliers de la démocratie, la snober ne peut que conduire à des déconvenues et à des effets boomerang.

Au moment opportun, et le plus tôt sera le mieux, il sera nécessaire de revoir les modalités de concertation entre les interlocuteurs sociaux et l’exécutif. À la différence du privé où, à tous les niveaux, la recherche du compromis, se traduisant par un accord signé, est l’ADN de la négociation collective, on en est loin dans le public. Certes, on ne signe pas avec l’exécutif puisqu’à la fin c’est une loi ou un décret, mais on doit renforcer la concertation en s’obligeant à une démarche de type négociation collective. Modifier la loi dite Larcher de 2007 est alors nécessaire.

L’entêtement plus que maladroit de l’Élysée visait à s’adresser aux marchés financiers et aux agences de notation financières. Certes, il faut progressivement réduire l’endettement, y compris en évaluant sérieusement les politiques publiques. Mais on ne gagne jamais contre la majorité de la population avec tous les risques politiques et démocratiques qui peuvent en découler.

Auteur

  • Jean-Claude Mailly