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Accompagnement, formation… Une offre adaptée ?

À la une | publié le : 01.05.2023 | Dominique Perez

Lisibilité des dispositifs, adaptation de l’offre de formation, participation des entreprises aux parcours des salariés et aux besoins des demandeurs d’emploi… De nombreux facteurs pourraient jouer en faveur d’une politique de reconversion. À construire.

Si l’intitulé de la dernière loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » de 2018 contenait la promesse de « s’adresser à chaque personne dans ses particularités et ses choix professionnels » afin de l’accompagner efficacement sur le marché de l’emploi », les dispositifs mis en place ou rénovés à l’occasion de cette loi pour favoriser ces parcours individuels n’ont pas donné leur pleine mesure pour faciliter les changements de métiers ou de secteurs. C’est le moins que l’on puisse dire si l’on se réfère au constat de l’étude de France Compétences, qui révèle que 64 % des personnes interrogées déclarent ne pas avoir eu recours à l’offre publique d’accompagnement dans leurs démarches. Les raisons invoquées sont variées : « ressources déjà à disposition dans l’entreprise – de départ mais, surtout, d’arrivée –, méconnaissance des dispositifs disponibles, mais aussi méfiance quant à l’accessibilité ou l’utilité de ces derniers… » Résultant de démarches individuelles, mais également relativement « solitaires », surtout pour les salariés, le parcours se heurte pourtant bien souvent à un écueil de taille : changer de métier signifie trop souvent « sauter dans le vide », en étant contraint de démissionner ou de signer une rupture conventionnelle pour réaliser son projet. Un frein qui apparaît également pour les cadres, dont beaucoup renoncent à leurs projets initiaux face à ce risque. Ainsi, selon une étude publiée par l’Apec en décembre 2022, 31 % des cadres indiquent avoir un projet de reconversion, mais seuls 8 % ont véritablement entamé les démarches pour un projet de reconversion. De plus, dans plus de six cas sur dix, le choix du cadre est de s’orienter vers un métier proche de son métier actuel, car se reconvertir n’est pas perçu comme une démarche aisée (56 %). Pourtant, la volonté est bien là, comme le constate Bérangère Varret, consultante en développement professionnel à l’Apec, dont les rendez-vous concernent, certaines semaines, « uniquement des demandes de reconversion. » Mais « quand nous les confrontons à la réalité de leur projet, parfois orienté autour de la recherche de sens, en voulant s’orienter souvent vers le coaching, la cuisine, l’art-thérapie ou le yoga, par exemple, la démarche prend beaucoup de temps, environ deux ans, certains calent devant les démarches qu’ils n’envisageaient pas, en plus du prix de la formation à engager. Les cadres sont assez autonomes, arrivent souvent avec des projets, mais sont souvent perdus dans les dispositifs, d’autant que le projet de transition professionnelle, par exemple, est relativement récent. Nous leur déconseillons de quitter leur entreprise brutalement, et de sécuriser au maximum leur parcours ».

PTP : une notoriété qui monte, mais…

Pourtant, le dispositif permettant d’éviter cette rupture, pour les salariés, existe bien sur le papier : le projet de transition professionnelle (PTP), ou CPF de transition, inscrit dans la loi de 2018 et présenté comme remplaçant le congé individuel de formation (CIF). Avec quelques différences… « Les formations préparées par le CIF étaient en moyenne plus longues, bénéficiaient de plus de moyens, et avaient un objectif sensiblement différent, précise la responsable de l’observatoire », Valérie Rabaey, directrice de Transitions Pro Bretagne, qui porte l’Observatoire des transitions professionnelles. « 20 % des bénéficiaires du CIF souhaitaient d’abord évoluer dans un autre secteur et/ou une autre entreprise, c’est beaucoup plus avec le PTP, qui a pour objectif premier une pure reconversion professionnelle. » Pour avoir une chance d’être accepté, le projet doit correspondre à trois critères : « Sa cohérence, la pertinence de la formation, et les perspectives d’emploi sur le territoire, au minimum sur la région. » Avec 50 000 salariés concernés en 2020-2021, ce jeune dispositif n’a pas pris l’ampleur espérée, malgré des résultats plus que prometteurs, pour Valérie Rabaey avec « 93 % de taux de réussite ». Après avoir soutenu le dispositif avec une dotation complémentaire de 100 millions d’euros (M€) en 2021 dans le cadre de France Relance par l’intermédiaire du FSE, la dotation de l’État a plutôt tendance à baisser. « Si les demandes sont de plus en plus en nombreuses, les fonds disponibles ne « permettent pas, même à de très bons dossiers, d’être tous financés, constate Valérie Rabaey. En Bretagne, par exemple, 20 % de ces dossiers éligibles doivent être mis en attente. »

Trouver des partenariats, notamment avec les branches professionnelles par l’intermédiaire des Opco est une piste de développement du PTP, pour favoriser reconversions, insertions dans l’emploi et/ou évolutions en interne, incluant des périodes de formation en entreprise. Ainsi de l’Opco Santé, qui a articulé ce dispositif avec la Pro-A, pour les branches du secteur social et médico-social privé à but non lucratif et l’hospitalisation privée, en tension forte de recrutement. « Notre dernier baromètre de décembre 2022 met en évidence un besoin de 70 000 emplois dans le secteur de la santé et du médico-social », explique Catherine Pageaux, directrice « appui aux branches » de l’Opco Santé.

Dans le cadre de la Pro-A, plus de 75 M€ ont été investis, dédiés à la qualification des aides-soignants, des accompagnants éducatifs et sociaux, des assistants techniques de santé au travail, pour 2 355 départs en formation. « Ce projet a permis le financement du coût complet du parcours, offrant aux adhérents, la possibilité de qualifier des salariés en poste et donc de réduire les tensions, notamment sur le métier d’aide-soignant, mais aussi de recruter du personnel sur les premiers niveaux de qualification (agent de service hospitalier ou hôtelier en fonction du type de structure). Mais, « parallèlement, des besoins complémentaires sur les métiers d’infirmier, d’aide-soignant et d’accompagnant éducatif et social ont été identifiés, précise Catherine Pageux. C’est dans ce cadre qu’une articulation des dispositifs PTP et Pro-A a été réalisée suite à une convention liant Certif’pro et l’Opco Santé fin 2021. Celà a permis également de financer des formations pluriannuelles telles que les diplômes d’État d’infirmier, d’infirmier de bloc opératoire, d’éducateur spécialisé, les diplômes universitaires hygiène sécurité environnement, les diplômes d’État d’assistant de service social. » Des investissements « lourds », concernant des métiers réglementés et des formations longues, et qui concernent environ 70 dossiers pour le PTP Pro-A pour un investissement de 7 millions d’euros de fonds conventionnel de branche, et de 3 à 6 millions d’euros au titre de la pro-A…

Une offre à adapter

Parmi les conditions de réussite d’une reconversion, le temps et les moyens alloués à la phase de définition du projet et d’acculturation dans un nouveau métier sont centraux. Pour Maud Venturini, responsable du département ingénierie de formation de Pôle emploi, « l’un des enjeux de demain est la continuité du parcours de reconversion, qu’il n’y ait pas de rupture, ce qui suppose d’accompagner la personne de l’amont à l’aval et de fluidifier sa démarche ». En lui évitant au maximum les « fausses routes ». Parmi les outils disponibles, la période de mise en situation professionnelle (PMSMP), qui a bénéficié à plus de 190 000 demandeurs d’emploi en 2022, pour une durée moyenne de présence de 42 heures en entreprise. « Il s’agit d’un outil clé de la reconversion, estime Maud Venturini. La moitié des bénéficiaires déclarent exercer un métier différent de leur dernier poste et parmi ceux qui déclarent ne pas avoir changé de métier, 40 % déclarent l’exercer dans un secteur d’activité différent. »

Plus encore, au-delà de la nécessaire découverte des métiers, la fonction « formative » de l’entreprise, pour Paul Santelman, consultant-expert en ingénierie des compétences, n’est pas assez mobilisée aujourd’hui. « Il faut ancrer la reconversion professionnelle dans les situations de travail, ce qui permet à la fois de responsabiliser l’entreprise et de placer les personnes en formation dans des contextes réels, que les organismes de formation n’arrivent plus vraiment à reproduire. On ne peut pas changer de plateau technique tous les trois ans au vu des transformations du travail. Donc un vrai travail est à faire du côté des entreprises qui n’ont pas été suffisamment habituées à développer ces fonctions. » Parallèlement, l’adaptation d’une offre de formation adaptée aux reconversions, plus souple, plus modularisée, est encore « en process », selon Maud Venturini. Côté organismes de formation, un vrai chantier s’ouvre, qui représente « l’un des autres enjeux forts de la formation professionnelle. Dans le cadre du Plan d’investissements dans les compétences (PIC) l’accent a été mis sur l’organisation des formations en modules de compétences, pour favoriser notamment des formations plus courtes, permettant l’accès à l’emploi. C’est une véritable transformation de l’écosystème de la formation professionnelle, mais aussi de l’organisation des organismes de formation… »

Faire découvrir les métiers
Une offre de formation à améliorer

Plus de 190 000 demandeurs d’emploi en ont bénéficié en 2022, pour une durée moyenne de 42 heures. 22 % des demandeurs d’emploi ont moins de 26 ans et 13,5 % plus de 50 ans. 15 % sont des demandeurs d’emploi de longue durée. La Pour Paul Santelman, consultant-expert en ingénierie des compétences le rôle de l’entreprise devrait être central : l’immersion professionnelle permet aux entreprises d’accueillir, pour une durée de quelques jours à un mois maximum, une personne en recherche d’emploi dans un cadre juridique sécurisé afin de faire découvrir ses métiers ou son secteur. L’objectif, pour l’employeur, est toujours de valoriser ses métiers, de répondre à ses besoins de recrutement ou de favoriser l’accès à l’emploi. 34 % des immersions professionnelles s’inscrivent dans une démarche de recrutement. 35 % permettent aux demandeurs d’emploi de confirmer un projet professionnel et 31 % de découvrir un métier ou un secteur d’activité.

Auteur

  • Dominique Perez