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Idées

Retraites : le contrat intergénérationnel en danger

Idées | Bloc-notes | publié le : 01.02.2023 | Antoine Foucher

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Retraites : le contrat intergénérationnel en danger

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Pour la huitième fois en trente ans, nous sommes engagés dans une discussion nationale et polémique sur les retraites. Et pour la huitième fois, nous évitons le débat sur la principale question, celle qui touche au projet de société et à l’avenir de la France : quelle part de notre richesse collective, par rapport à d’autres priorités comme l’éducation, la défense ou la transition énergétique, voulons-nous consacrer aux retraites ?

En quarante ans, nous avons doublé la part de la richesse nationale que nous dédions aux retraites : elles représentaient 7,7 % du PIB en 1980, et s’élèvent aujourd’hui à 13,8 %. Entre 2001 et 2021, la part des dépenses publiques de retraite dans le PIB a ainsi augmenté de 2 points, c’est-à-dire d’environ 50 milliards d’euros par an, ce qui représenterait par exemple un quasi-doublement du budget de l’éducation nationale.

Bien sûr, le vieillissement de la population explique en partie cette tendance. En 1980, les moins de vingt ans représentaient 30,6 % de la population, et les plus de 60 ans 17 %. Quarante ans plus tard, la part des premiers a baissé à 23,7 % et celle des seconds est montée à 26,9 %. Il n’empêche : si le vieillissement démographique touche tous les pays européens, la France se distingue bien par le choix particulier d’employer presque 14 % de son PIB aux dépenses publiques de retraite, soit deux points de plus que la moyenne européenne.

Rien, pourtant, dans la situation des retraités français d’aujourd’hui ne justifie un tel effort du point de vue de l’intérêt national. Les retraités ont un niveau de vie, en moyenne, supérieure à celui de la population. On trouve moins de personnes pauvres parmi les retraités que les autres Français. Les retraités d’aujourd’hui n’ont pas, pour la majorité d’entre eux, travaillé davantage que leurs enfants (le temps de travail annuel ne diminue plus depuis vingt ans, tandis que la durée de cotisation, elle, rallonge, passant de 37,5 ans en 1993 à 43 ans en 2027). En outre, le niveau actuel des pensions ne se justifie pas par les cotisations acquittées, puisque l’évolution du rapport démographique (3 cotisants pour un retraité en 1980, contre 1,7 aujourd’hui) fait que les retraités d’aujourd’hui ont beaucoup moins cotisé pour leurs parents que ce qu’ils demandent à leurs enfants et petits-enfants de cotiser pour eux (en ordre de grandeur, les taux de cotisation des régimes général et complémentaires sont passés sur la même période d’environ 15 % à environ 30 %).

Chacun le sait, ce choix politique constant s’explique par une constante démographique : le poids des personnes à la retraite dans le corps électoral ne cesse de s’accroître et représente désormais plus de 16 millions de personnes votant à 80 % (près de 13 millions de votes) contre, par exemple, 9,2 millions de jeunes de 18 à 30 ans votant à 28 % (2,6 millions de votes…). Or, les retraités votent majoritairement, comme les autres Français, pour leur intérêt économique personnel…

Disons-le franchement : cette préférence française pour les dépenses publiques de retraite contribue largement à notre déclin collectif. Elle se fait au détriment de l’éducation (sur les mêmes quarante dernières années, le nombre d’étudiants a doublé en France, mais la part de notre richesse nationale consacrée à l’enseignement supérieur n’a augmenté que de 0,35 %…) ou de la transition énergétique (il faut 3 à 4 % de PIB, et nous sommes à 2 % au mieux). Les autres peuples n’étant pas plus bêtes ou intelligents que nous, mais beaucoup faisant le choix de donner la priorité dans leurs dépenses publiques à l’éducation, aux compétences et à l’innovation industrielle, ils nous dépasseront de plus en plus, reléguant les travailleurs français en seconde division de l’économie mondiale. Cela mériterait au moins un débat.

Auteur

  • Antoine Foucher