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Familles Rurales : fusion des branches, mode d’emploi

À la une | publié le : 01.02.2023 | Benjamin d’Alguerre

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Familles Rurales : fusion des branches, mode d’emploi

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Avec un accord ouvert à la signature jusqu’au 16 janvier, la branche Familles Rurales prépare sa fusion avec deux autres branches du secteur social, Éclat et la FNPF. L’enjeu ? Constituer une branche forte couvrant quelque 140 000 salariés.

Elles organisent des ateliers cuisine et peinture à Lagor (Pyrénées-Atlantiques), mettent en place un club de vannerie à Tranzault (Indre), soutiennent un cinéma associatif à Antigny (Vendée), montent une friperie associative à Saint-Méen-le-Grand (Ille-et-Vilaine), gèrent une micro-crèche à Verrières-en-Forez (Loire), impulsent un service de transport solidaire pour rompre l’isolement des personnes âgées à Sedan (Ardennes) ou donnent des cours d’informatique à Beaulieu-sur-Dordogne (Corrèze)… Depuis 1944, les associations adhérentes du réseau Familles Rurales se donnent pour mission de revitaliser les territoires périphériques, et d’y créer du lien social et de la solidarité intergénérationnelle. Le réseau, fondé en 1947, est discret, plus habitué aux pages intérieures des quotidiens régionaux qu’à la grande presse. 1 850 associations fédérées, 80 fédérations territoriales (départementales ou régionales), 25 000 bénévoles et 121 000 familles adhérentes constituent son ossature. Au niveau national, c’est surtout son activité de défense des consommateurs – la fédération a obtenu ce statut en 1975 – qui la fait intervenir dans le débat public. Ces derniers mois, sa présidente, Guylaine Brohan, et sa directrice juridique, Nadia Ziane, ont multiplié les interventions pour demander des aides ciblées face à l’inflation pour les habitants des zones rurales, l’élargissement du bouclier tarifaire à l’ensemble des énergies, au-delà des seuls chèques gaz et électricité déployés par le gouvernement, mais aussi des aides à la consommation alimentaire pour les ménages les plus modestes.

Branche à part entière, reconnue comme telle depuis l’adoption de sa convention collective nationale dans les années 1980, le mouvement Familles Rurales, qui compte aujourd’hui 1 200 associations employeuses et 17 000 salariés, regroupés dans une quarantaine de métiers, allant de l’animation socioculturelle à l’assistance à la personne, en passant par l’aide à la petite enfance et les services à domicile, n’en a pas moins été rattrapée par l’évolution de la législation en la matière. « La branche et sa convention collective se sont construites au fil des textes communs, mais elle n’a jamais été étendue » se souvient Guillaume Rodelet, directeur général de la Fédération nationale Familles Rurales. Une carence porteuse de conséquences pour les salariés des associations adhérentes, interdits non seulement d’accès aux contrats de travail à durée indéterminée intermittents (CDII) pratiqués dans les métiers de l’animation, mais aussi de contrats à temps partiel de moins de 24 heures négociables par le biais d’un accord de branche étendu. Un vrai problème, pour les emplois de l’aide à domicile et de l’animation présents dans le périmètre de la fédération, très consommateurs de ce type de contrats à durée réduite. Au milieu des années 2010, un début de négociation avec la direction générale du Travail avait amené la branche à engager une démarche de réécriture de sa convention collective en vue d’arriver à un nouvel accord sur le temps partiel « avec de bonnes chances d’extension ». Mais la loi El Khomri de 2016, dans la foulée de l’ANI du 11 janvier 2013 sur la sécurisation de l’emploi, est venue balayer cette tentative de ripolinage du texte fondateur.

Animation sociale

Faute de souplesse et de dispositifs conventionnels adaptés, quelques structures locales, à l’image d’une association sarthoise, se sont placées dans le sillon de la convention collective de la branche de l’aide à domicile (BAD). « Jusqu’à présent, les deux branches se partageaient un peu les territoires. La BAD se concentrait sur les territoires urbains, Familles Rurales sur la grande périphérie. Mais, sur le fond, rien n’empêchait une association ou une fédération d’appliquer la convention collective la plus avantageuse », détaille Fabrice Chevaucherie, secrétaire fédéral CFDT pour la branche Familles Rurales, seule organisation signataire – mais pesant 48 % de la représentativité – du projet d’accord de fusion avec Éclat, la branche des métiers de l’éducation, de la culture, des loisirs et de l’animation (qui chapeaute principalement des activités d’animation sociale et de préservation de l’environnement) et la Fédération nationale de la pêche en France (FNPF), également présente sur le terrain environnemental. FO et la CGT, les autres organisations représentatives au sein de la branche, ont pour leur part refusé de signer. « En cas de signature, cela laissera cinq ans, pour que les salariés de Familles Rurales continuent à bénéficier de l’actuel régime santé prévoyance très avantageux, du temps pour accompagner les salariés dont les associations pourraient faire un autre choix, notamment celui d’aller vers la BAD si leur activité le permet, ou de travailler sur une future convention plus protectrice pour l’ensemble des salariés », ajoute le syndicaliste. Le problème est cependant circonscrit : « Les salariés de l’aide à domicile représentent 8 % des effectifs du mouvement Familles Rurales. Ils resteront dans le mouvement et se verront simplement appliquer un autre cadre conventionnel. Le reste du réseau, soit 92 % des salariés, se retrouvera dans le cadre commun que le mouvement souhaite écrire avec Éclat et la FNPF », précise Clotilde du Lac, directrice dialogue social de la branche. « Si l’accord de fusion n’est pas signé, tout va devoir être mis dans la balance : les conditions juridiques de travail de certaines professions, mais aussi les salaires et la protection sociale. Certains choix seront cornéliens », prédit un dirigeant d’association adhérente. « Si l’accord de fusion n’est pas signé, le mouvement Familles Rurales perd une chance de pouvoir participer à la construction d’une branche au sein de laquelle elle défendrait ses spécificités, en particulier un régime de protection sociale haut de gamme, considéré comme le meilleur de tout le secteur de l’économie sociale et solidaire », précise Clotilde du Lac.

Les conditions de l’attractivité

Car Familles Rurales a su travailler son attractivité ! Outre ses accords de protection sociale premium, la branche a activement œuvré pour revaloriser ses grilles de salaires afin de rendre ses métiers attirants. « Début 2022, 20 % des fiches métiers étaient encore infra-Smic. Nous avons négocié avec les partenaires sociaux une réévaluation générale. Le résultat : la signature d’un avenant à l’annexe « rémunérations » de notre convention collective nationale. Aujourd’hui, un quart des métiers de la branche sont repassés supra-Smic tout en ayant revalorisé tout le monde », détaille Guillaume Rodelet. Soit des augmentations de 12 % pour les plus bas niveaux de salaire, de 6 à 7 % pour les cadres, et de 2 % pour les dirigeants. « La revalorisation salariale a par ailleurs été négociée rétroactivement avec effet au 1er octobre 2022 », précise Clotilde du Lac. Autre disposition en faveur des salariés : la mise en place d’un fonds de solidarité pour permettre le remboursement des inscriptions sportives et socioculturelles afin de recréer du lien social en période d’après-Covid. À cela s’ajoutent, en dehors de la branche, les nombreuses initiatives venues du terrain : dans le Loiret, la fédération locale a mis des véhicules électriques à disposition de ses aides à domicile. Ailleurs, des efforts ont été consentis en matière de primes ou de titres-restaurants pour donner un coup de pouce au pouvoir d’achat. Autant d’avantages pour les salariés que la branche compte conserver, même en cas de fusion.

Une fusion d’ailleurs pas si récente dans l’esprit. En 2011, déjà, Familles Rurales avait quitté le champ du monde agricole et rural en passant du Fafsea (à l’époque organisme paritaire collecteur agréé des fonds de la formation pour l’agriculture et les services associés, type Mutuelle Agricole, Groupama ou Crédit Agricole) pour rejoindre le périmètre interprofessionnel chez Opcalia, puis en rejoignant Uniformation, l’Opca de l’action sociale devenu depuis 2019 opérateur de compétences (Opco) sur le champ de la cohésion sociale. « C’était le sens de l’histoire. Même si, initialement, la fédération se positionne dans la ruralité au vu de son public, nous relevons bien du secteur de l’animation sociale en matière de métiers pratiqués », indique Guillaume Rodelet. D’où le choix, aux alentours de 2017, de prospecter les fédérations patronales proches pour trouver un port d’attache à la branche dans le cadre de leur regroupement. Après quelques tâtonnements sans lendemains du côté des Maisons familiales et rurales (MFR) et d’Elisfa, le regroupement des employeurs des centres sociaux et familiaux, c’est finalement vers Hexopée, organisation professionnelle représentative dans les domaines de l’animation, du sport, du tourisme social et familial et des foyers et services pour jeunes travailleurs, qui regroupe notamment les MJC, les fédérations sportives Leo Lagrange, les Éclaireuses et Éclaireurs de France, les Francas ou encore la Ligue de l’enseignement, que s’est tournée Familles Rurales en vue de former une branche commune avec Éclat. Avec le renfort du FNPF, la future branche pourrait compter quelque 140 000 salariés. « Nous mettons en priorité la construction commune d’une branche professionnelle forte », annonce Michel Pillon, administrateur représentant des employeurs de la branche. À suivre.

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre