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Idées

À la recherche du sens (perdu) du travail

Idées | livres | publié le : 01.12.2022 | Lydie Colders

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À la recherche du sens (perdu) du travail

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Face aux démissions en cascade, il est urgent « de redonner du sens au travail », jugent Thomas Coutrot et Coralie Perez. Leur essai tente d’en montrer les enjeux, interpellant aussi les syndicats.

« Big Quit » aux États-Unis, démissions massives en France de chauffeurs ou de serveurs, hôpital au bord de l’effondrement face à la fuite des soignants… Le Ségur ou les augmentations salariales dans certaines branches n’auront pas servi à grand-chose : « La crise de la Covid est passée par là, poussant des millions de personnes à s’interroger sur le sens de leur travail ». Pourquoi continuer un emploi pénible, dégradé ou gangrené par « la bullshitisation » ? interrogent Thomas Coutrot et Coralie Perez. Dans ce livre fouillé, l’économiste (ancien de la Dares) et la socioéconomiste s’appuient sur des études du ministère du Travail pour analyser cette perte de sens. Un malaise qui gagne tous les milieux, employés, cadres ou fonctionnaires. Longtemps, « salariés et syndicats ont accepté un travail répétitif ou contrôlé en contrepartie de hausses de salaires ». Ce « compromis fordiste est épuisé », jugent-ils. Les rémunérations ne suffisent plus, la perte de sens oblige à ouvrir la boîte noire de l’organisation du travail… Dans leur état des lieux, les auteurs pointent l’incapacité grandissante « à bien faire son travail » dans les métiers du lien, un manque d’autonomie qui s’est durci. Ils insistent aussi sur « la hausse des conflits éthiques » (faire des choses que l’on désapprouve, aller trop vite). Un peu classiquement, ils critiquent les dégâts « du management par les chiffres », du « new public management » provoquant des démissions, forme « de résistance ». Idem, dans le privé, le lean management et autres reporting incessants incitent à partir. À l’avenir, veulent-ils croire, ces tensions pourraient s’accroître avec le dilemme d’un travail toxique pour la planète. D’après leurs calculs, 10 % des salariés seraient confrontés à « ce remords écologique ». Surtout des ingénieurs prêts à changer de voie. Marginal, mais à surveiller…

Plus de délibération

Dans un capitalisme financiarisé, comment changer la donne ? Du côté du management, des innovations « par le haut » cherchent à redonner du sens, plus de liberté aux salariés. Mais il s’agit d’un leurre intensifiant l’activité pour les auteurs. Plutôt dubitatifs sur la gouvernance partagée, qu’ils jugent insuffisante pour « délibérer de l’organisation et des finalités du travail » avec les salariés, Thomas Coutrot et Coralie Perez avancent d’autres pistes, comme une « socialisation du capital » associant toutes les parties prenantes, par le biais des sociétés coopératives d’intérêt collectif. Dans leur quête grandissante d’utilité sociale, les salariés sont d’ailleurs de plus en plus attirés par les Scop… Pour les syndicats, le livre est une invitation à réinventer un lien plus proche de l’activité des employés. Les auteurs listent quelques initiatives menées à la FSU, à la CGT dans un centre d’appels. En entreprise, un nouveau type de dialogue de proximité serait à inventer sur la qualité du travail, ses conséquences sur la santé et l’environnement. Vaste sujet, sur lequel les syndicats ont assez peu de pouvoir…

« Redonner du sens au travail »,

Thomas Coutrot, Coralie Perez, Ed. du Seuil, 160 pages, 13,50 euros

Auteur

  • Lydie Colders