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Idées

De l’émotion à la solidarité

Idées | Bloc-notes | publié le : 01.03.2022 | Jean-Claude Mailly

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De l’émotion à la solidarité

Crédit photo Jean-Claude Mailly

L’affaire ou le scandale Orpea, qui ne doit pas être étendu à l’ensemble du secteur, quel que soit le statut, lucratif ou non, doit faire réfléchir et être l’occasion de poser l’ensemble des questions soulevées. Elles sont de quatre ordres : politique de santé, économie, social et sociologique.

En matière de politique de santé, il est plus que temps d’entamer la refondation d’un système cloisonné qui parvient mal à prendre en charge les nouveaux besoins et qui a fait de la logique budgétaire à court terme sa principale ligne de conduite. Ainsi, par exemple, comment ne pas voir que la fermeture de lits d’hospitalisation a conduit à des transferts importants de patients dans les Ehpad sans que ceux-ci se voient attribuer les moyens d’y faire face. Revoir le mode de financement et le système de la tarification à l’activité basé sur le ratio prix/volume, décloisonner les tutelles qui travaillent aujourd’hui en silos (santé, Bercy, assurance maladie) en accordant un rôle plus important à l’assurance maladie, notamment sur les ARS, accentuer le nombre des formations dans le médical et le paramédical ainsi que les formations qualifiantes, coordonner public, privé et médecine libérale, mettre en place une vraie politique de filières de soins tant au plan vertical qu’horizontal, revoir les modes d’association des libéraux au système de santé, convaincre les médecins de la nécessité de développer le nombre d’infirmiers en pratique avancée, font partie de cette refondation. Le développement de la prévention doit aussi faire partie des priorités. Fondamentalement il s’agit d’améliorer l’espérance de vie en bonne santé dont le compteur est aujourd’hui bridé.

Sur le plan économique on assiste avec Orpea à la logique poussée à l’outrance d’une gouvernance uniquement guidée par la rentabilité financière, pénalisant toutes les parties prenantes de l’entreprise à l’exception voulue des dirigeants et actionnaires. Publiquement choquant pour une activité liée à la santé, c’est plus globalement le modèle de l’École de Chicago qui est en cause, ce qui n’exonère pas les dirigeants d’Orpea de leurs responsabilités, d’autres entreprises du secteur se comportant très différemment. De ce point de vue le renforcement contrôlé et audité de manière indépendante des critères extra-financiers est une nécessité.

Sur le plan social, en pratiquant la discrimination syndicale et en créant un syndicat maison, Orpea a entretenu un climat et un dialogue social défaillants, or on sait que cela finit par se reporter sur toutes les parties prenantes dont les résidents. À l’opposé, des relations normales permettent une co-construction bénéfique à tous.

Enfin, sur le plan sociologique et culturel, l’évolution progressive des modes de vie en matière de logement, de mobilité et de métropolisation, ainsi que l’augmentation de l’espérance de vie conduisent beaucoup de familles à devoir placer leurs anciens devenus dépendants dans des Ehpad, parfois éloignés, ce qui peut générer une forme de culpabilité qui, d’une manière ou d’une autre, finit par rejaillir sur les résidents. D’où l’importance que ces établissements fonctionnent au mieux au plan sanitaire et humain, avec les moyens utiles, d’où également la nécessité de tout mettre en œuvre de manière coordonnée et accessible pour favoriser le maintien à domicile, ce qui constitue le souhait du plus grand nombre. C’est ainsi que l’efficacité se conjuguera avec la dignité individuelle et collective.

Auteur

  • Jean-Claude Mailly