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Idées

Réforme de l’apprentissage : comment prolonger un succès historique ?

Idées | Bloc-notes | publié le : 01.02.2022 | Antoine Foucher

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Réforme de l’apprentissage : comment prolonger un succès historique ?

Crédit photo Antoine Foucher

En matière d’apprentissage, on était tellement habitué à des demi-réformes qui déplaçaient un ou deux paramètres pour éviter de s’attaquer au cœur systémique du problème qu’on a peine à croire les chiffres impressionnants depuis trois ans : alors que les entrées stagnaient depuis dix ans (0,6 % d’augmentation annuelle entre 2008, avec 305 000 entrées, et 2018, avec 321 000 nouveaux contrats), c’est une croissance à deux chiffres, inconnue jusqu’à présent, qui marque l’entrée en vigueur du niveau système d’apprentissage créé par la loi du 5 septembre 2018 : + 16 % en 2019, + 40 % en 2020, sans doute + 35 % en 2021, avec plus de 700 000 entrées, soit plus d’un doublement du nombre de jeunes entrant en apprentissage en trois ans !

Sur ce succès historique, balayons d’emblée deux commentaires mal informés. D’une part, le nouveau système n’aurait que peu d’effet dans le secondaire. Complètement faux : depuis la pleine entrée en vigueur de la réforme en septembre 2019, le nombre de jeunes apprentis dans le secondaire a augmenté de 45 %. C’est certes moins que dans le supérieur (+ 330 %), mais une croissance de 45 % en trois ans, c’est une rupture nette avec le passé : car entre 2008 et 2018, soit les dix dernières années précédant la réforme, impliquant des majorités régionales de gauche comme de droite, l’apprentissage niveau bac et infra avait baissé de 18 % (241 000 entrées en 2008 contre 198 000 en 2018), contrairement au supérieur qui augmentait déjà ! D’autre part, les aides à l’embauche seraient la principale cause de ce décollage. On est un peu gêné de répondre à un bavardage qui dénote une fréquentation si désinvolte du monde de l’apprentissage, mais allons-y quand même : d’abord, hors transferts du contrat de professionnalisation vers l’apprentissage, la croissance spectaculaire de l’apprentissage est la même en 2019 et en 2020 (16 %), c’est-à-dire la même l’année des aides exceptionnelles et l’année des aides habituelles ; ensuite, rendrait-on l’apprentissage totalement gratuit pour les entreprises, on se demande bien quels jeunes ces entreprises pourraient embaucher si les CFA devaient continuer à attendre des autorisations administratives pour ouvrir de nouvelles classes, recruter des formateurs et toucher des subventions pour les nouvelles formations. CQFD.

Venons-en donc au vrai sujet, c’est-à-dire à la condition de durabilité du système : le financement. La réforme est victime de son succès et le problème est structurel : d’un côté une croissance moyenne annuelle de la masse salariale autour de 3 à 4 %, de l’autre une envolée de l’apprentissage à deux chiffres. Le décalage entre les deux, donc le déficit, ne va faire que croître et embellir, et les ordres de grandeur montrent que les économies nécessaires à venir sur les niveaux de prise en charge ne changeront pas fondamentalement la donne : rapprocher la prise en charge des coûts réels, minorer les coûts contrats des formations 100 % en distanciel et instaurer un plafond en valeur absolue pour le supérieur ne permettront jamais d’atteindre l’équilibre financier.

Il faut donc bien se résoudre à une subvention pérenne de l’État, largement justifiée par l’intérêt général. Car si notre pays est, en comparaison internationale, l’un de ceux qui mutualisent le plus la richesse nationale (les dépenses publiques représentent 56 % du PIB), cette mutualisation ne se fait pas au service de la jeunesse : en matière de dépenses publiques d’éducation (primaire, secondaire et tertiaire), nous sommes au 13e rang mondial, alors que nous oscillons entre la première et la troisième place mondiale pour les dépenses publiques de retraite. Investir un peu plus sur l’éducation et la formation des jeunes, ce ne serait donc que justice, et surtout préparation responsable de l’avenir national.

Auteur

  • Antoine Foucher