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NAO : du mieux en 2022

Dossier | publié le : 01.12.2021 | Frédéric Brillet

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NAO : du mieux en 2022

Crédit photo Frédéric Brillet

 

Les négociations annuelles obligatoires en cours qui décideront des augmentations salariales pour 2022 laissent présager, dans un contexte de forte croissance, un retour à des hausses significatives de l’inflation et de pénurie de candidats dans des métiers qualifiés ou non.

L’impact de la crise Covid sur les NAO (négociations annuelles obligatoires) aura été de courte durée à en croire les experts. 2021 marque le creux de la vague avant un mieux attendu en 2022. Dans le cadre des travaux de son Observatoire annuel de la rémunération, le cabinet conseil en ressources humaines LHH a ainsi mené une enquête auprès de plus de cent cinquante grandes et moyennes entreprises employant plus de 900 000 salariés. Il en ressort que le budget médian affecté aux NAO pour 2021 n’a augmenté que de + 1,45 % par rapport à l’année précédente. « C’est le taux le plus bas observé en 10 ans » remarque-t-on chez LHH (voir détails dans l’encadré). Mais 2022 s’annonce sous de biens meilleurs auspices : 95 % des entreprises envisagent un taux d’augmentation de + 1,8 %, ce qui marquerait un retour à la normale.

Mercer se montre encore plus optimiste. La première enquête du cabinet qui interroge sa base de données clients de 650 entreprises indique que le budget médian affecté aux NAO pour 2022 augmente de + 2 %. Mais sachant que ces négociations s’étalent jusqu’en mars prochain, tout n’est pas encore calé. Bruno Rocquemont, directeur conseil gestion des talents et rémunération, pronostique une progression supérieure. « Plusieurs facteurs se conjuguent pour tirer le + 2 % initial vers le haut, autour de la barre des + 2,5 % ». Il est vrai que les raisons politiques, économiques, sociales ou même médiatiques qui poussent les employeurs à lâcher du lest ne manquent pas.

Priorité aux « top performers »

Tout est parti de la flambée des prix de l’énergie constatée à la rentrée qui a placé la problématique du pouvoir d’achat au cœur du débat public et politique. À quelques mois des présidentielles, le Gouvernement fait donc pression sur les employeurs dans tous les secteurs pour que ceux-ci augmentent les salaires en 2022. À cela s’ajoute la reprise économique plus vive que prévu qui incite les employeurs à réinvestir dans le capital humain, notamment dans les métiers en tension, alors même que le chômage devrait descendre à 7,6 % d’ici à la fin de l’année. Soit le plus bas taux depuis 2008.

Si le contexte redevient favorable à la bonification de la feuille de paie, tous les salariés ne seront pas logés à la même enseigne l’an prochain. Les secteurs qui ont peu souffert de la crise sanitaire (banques, assurances, high-tech, pharmacie, matériel médical…) devraient, selon Mercer, se montrer les plus généreux. Mais les salariés ne seront pas gratifiés sur une base égalitaire. Rodés à la gestion prévisionnelle des compétences, les employeurs identifient les ressources humaines critiques qu’il faut bichonner pour assurer la bonne marche de leurs affaires. « Les managers ont été formés à se montrer sélectifs dans l’attribution des augmentations. Ils vont encore donner en 2022 la priorité aux top performers et éviter le saupoudrage » estime Bruno Rocquemont. Covid ou pas, les NAO vont continuer à faire la part belle aux augmentations individuelles. Chez BNP Paribas, l’une des premières grandes entreprises à conclure ses NAO, l’issue des négociations semble confirmer cette hypothèse : l’accord signé prévoit une mesure d’augmentation générale de seulement + 0,6 % pour les collaborateurs percevant un salaire fixe annuel jusqu’à 80 000 euros, avec un plancher de 280 euros bruts.

Dépasser l’augmentation du SMIC

Dans les secteurs qui peinent à recruter une main-d’œuvre peu ou pas qualifiée comme l’hôtellerie-restauration, l’agroalimentaire ou la sécurité, l’équation est différente. Ces salariés qui estiment avoir souffert de la crise sanitaire hier et de la reprise de l’inflation aujourd’hui montent déjà au créneau pour obtenir des augmentations générales. Avec le retour de la croissance, le manque de candidats et les profits exceptionnels des grandes firmes du CAC 40, ils savent le contexte favorable à l’exigence de meilleures rémunérations. En outre, l’État montre l’exemple. Le SMIC a été augmenté de manière exceptionnelle de + 2,2 % en octobre dernier pour amortir le choc inflationniste, créant un effet-domino sur les strates supérieures : des ouvriers ou employés bénéficiant d’ancienneté et/ou d’une qualification se retrouvent désormais au plus bas niveau. La reconduction jusqu’au 31 mars 2022 de la Pepa, la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat exonérée de charges sociales et fiscales, stimule aussi les appétits. Par la voix de Jean Castex ou de Bruno Le Maire, le Gouvernement ne cesse d’appeler les employeurs du privé à plus de générosité… Tout cela ne fait que conforter les revendications salariales qui aboutissent plus facilement que par le passé. C’est le cas dans la branche recyclage qui compte quelque 30 000 salariés et peine à recruter des chauffeurs et conducteurs d’engins. Cette pénurie de candidats a incité les partenaires sociaux à s’entendre sur une revalorisation des minimas salariaux de + 2,5 % dans le cadre d’une convention collective signée en octobre dernier. Soit plus que le SMIC.

Autre indice révélateur d’un renversement de tendance, les grèves défensives qui servaient hier à sauver des emplois ou des acquis sociaux prennent, en cette fin 2021, une tournure offensive. « Les salariés ont beaucoup donné durant la crise sanitaire et attendent de la reconnaissance. Du coup ils deviennent plus revendicatifs sur les questions salariales » confirme Cyril Chabanier, président de la CFTC. De grands comptes comme Carrefour, Decathlon, Transdev ou EDF ne sont pas les seuls à avoir été affectés. Des salariés d’entreprises moins connues ont déjà effectué des tours de chauffe en prévision des NAO. Après un débrayage d’une dizaine de jours en octobre, les employés d’Edilians qui fabrique des tuiles dans l’Oise ont ainsi obtenu le versement d’une prime allant de 450 € à 750 € et la promesse que les NAO prévues au printemps auront un effet rétroactif au premier janvier 2022. Ceux du transporteur Dachser, dans le Puy-de-Dôme, entamaient fin octobre leur quatrième semaine de grève… Chez Agromousquetaires, un groupe agroalimentaire installé à Vitré en Ille-et-Vilaine qui fournit Intermarché en marques de distributeurs (MDD), la CGT se mobilise à l’approche des NAO pour une revalorisation des salaires, faisant valoir que certains collaborateurs se retrouvent désormais au niveau du SMIC récemment augmenté et que tous subissent l’inflation…

Mais à en croire les organisations syndicales, le renversement de tendance n’implique pas que les salariés qui occupent le bas de l’échelle obtiennent un gain de pouvoir d’achat. « Nous ne sommes pas très optimistes pour l’issue des NAO car l’inflation vient tout laminer » regrette Cyril Chabanier. « En outre, les employeurs insistent pour négocier la prime Macron avec les négociations annuelles obligatoires. Ce faisant, ils risquent de reprendre d’une main ce qu’ils accordent de l’autre ». Les syndicats redoutent en effet que l’attribution de la prime Macron non pérenne et exempte de charges sociales se fasse au détriment des augmentations relevant des NAO…

2021 : une mauvaise cuvée pour les salariés

Dans le cadre des travaux de son Observatoire annuel de la rémunération, LHH a mené une enquête auprès de plus de cent cinquante grandes et moyennes entreprises employant plus de 900 000 salariés dans tous les secteurs. Parmi celles qui ont augmenté leur budget NAO affecté à 2021, 55 % d’entre elles ralentissent leur effort par rapport à 2020 notamment dans l’agroalimentaire constate LHH dans son enquête. À l’inverse, seulement 20 % des firmes sondées renforcent leur budget NAO notamment celles fabriquant des biens destinés aux professionnels. Un choix qui révèle la nécessité pour les industriels opérant dans le B to B de retenir des talents devenus rares. Comment ces budgets NAO sont-ils distribués ? En privilégiant les augmentations individuelles (+ 1 % pour les employés, ouvriers et techniciens agents de maîtrise et jusqu’à + 1,3 % pour les cadres) au détriment des augmentations générales (de 0,5 % pour les cadres jusqu’à 0,9 % pour les employés et ouvriers). Selon LHH, cette prédominance s’explique en partie « par la prime de pouvoir d’achat qui peut prendre le pas sur les augmentations générales et le besoin d’une reconnaissance plus ciblée compte tenu notamment des faibles budgets alloués ».

Auteur

  • Frédéric Brillet