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Le regard d’étudiants d’une école de management française à l’égard de la réforme liée au congé paternité

Idées | Recherche | publié le : 01.11.2021 |

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Le regard d’étudiants d’une école de management française à l’égard de la réforme liée au congé paternité

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Depuis le 1er juillet 2021, le congé paternité est passé de 14 à 28 jours y compris les trois jours de congé de naissance. Au-delà d’une volonté de mieux accompagner l’enfant dès ses premiers jours, l’élargissement des congés parentaux a pour objectif d’instaurer plus d’égalité entre les femmes et les hommes et de répondre aux aspirations des nouvelles générations.

Qu’appelle-t-on la nouvelle génération ?

Par nouvelle génération, nous entendons la génération Z composée de jeunes adultes nés à partir de 1995 (Gentina, Delécluse, 2018). C’est une génération également connue sous le nom de génération des C : « connecter voire ultra– connecter, communiquer, créer, collaborer ». Leur « hyperconnexion » et leur « hyperprésence » sur les réseaux sociaux permettent – en un fragment de seconde – le partage de milliers d’informations, de hashtags, de likes, de followers et de pétitions à l’égard de grands sujets de société parmi lesquels : la RSE, le changement climatique, l’évolution des mentalités à l’égard des femmes dans la société (Barabel, Meier, Perret, 2012). La question du partage des tâches, de la parentalité et de l’investissement des pères dans la cellule familiale n’échappe pas à leur attention. L’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle serait d’ailleurs l’une de leurs préoccupations. Cette génération serait attentive à un environnement ouvert à la coopération, à la confiance permettant une organisation de travail flexible ainsi que la conciliation des différents temps de vie (Soulié, 2020). Un employeur peu enclin à mettre en place des dispositifs d’accompagnement des futurs mères et pères serait ainsi peu apprécié par cette nouvelle génération.

Aujourd’hui, comment s’opère le partage des tâches et l’utilisation du congé paternité dans la cellule familiale ?

Dans la sphère familiale, les femmes demeurent aujourd’hui les principales responsables du travail domestique. Le partage des tâches est plus fréquent chez les couples où les conjoints ont un niveau de revenu équivalent ou si la conjointe gagne plus que son conjoint. Pour les nouvelles générations, l’inégale répartition des tâches ménagères et familiales semble de moins en moins acceptée si l’on en juge par la proportion croissante de femmes déclarant se disputer à ce sujet avec leur conjoint. Par ailleurs, il semblerait que les hommes de la génération Z en quête de sens souhaitent profiter pleinement de la proximité avec leurs enfants (Desplats, Pinaud, 2015).

Les membres de la génération Z n’étant pas majoritairement en âge d’avoir des enfants, peu d’études à leur égard permettent de comprendre leur modèle de vie et de partage des tâches familiales. Deux enquêtes d’ampleur réalisées en France auprès de presque 37 000 salariés durant les mois de novembre et de décembre 2018 et destinées à faire un état des lieux des représentations sur la parentalité nous apportent un premier éclairage. À travers cette étude, nous savons qu’actuellement 55 % des mères disent prendre encore majoritairement en charge les responsabilités parentales et la charge mentale associée contre 8 % des pères. 69 % des mères ont modifié leur organisation de travail (contre 29 % des pères) et 47 % ont même réduit ou arrêté leur activité (contre 6 % des pères). La parentalité est perçue comme un frein de carrière pour 84 % des femmes et 57 % des hommes interrogés. 77 % des femmes et 68 % des hommes jugent que la parentalité est insuffisamment prise en compte dans l’organisation du temps et des lieux de travail (CSEP, BVA, 2019).

Concernant l’utilisation des droits, alors que la quasi-totalité des mères en emploi ou au chômage bénéficient de leur congé maternité, presque huit pères éligibles sur dix ont actuellement recours à leur congé paternité (Antunez, Buisson, 2019), mais seulement quatre cadres sur dix et même un cadre dirigeant sur deux (CSEP, BVA, 2019). Les pères français renonçant à prendre leur congé paternité avancent principalement des raisons professionnelles liées à la charge de travail ou au regard porté par les collègues et employeurs. C’est la raison pour laquelle le législateur a souhaité rendre obligatoire sept jours de congé (trois jours de congé de naissance et quatre jours de congé de paternité) auprès de l’enfant dès le 1er juillet 2021. D’autre part, la perte de revenus pour les salariés les plus aisés ou pour les travailleurs indépendants peut représenter d’autres freins. Plus généralement, la perte de revenus est également l’une des raisons avancées pour justifier le peu de congés parentaux pris par les hommes : lorsqu’un père reste à la maison pour s’occuper de son bébé, cette situation peut engendrer une importante perte de ressources financières pour le couple dans un pays où la différence de rémunération reste à l’avantage de l’homme (Besnard, Quénechdu, 2020). Enfin, la méconnaissance des droits associés à la parentalité, mais aussi les politiques d’entreprise menées en la matière sont jugées insuffisantes ou méconnues par les intéressés (CSEP, BVA, 2019).

Qu’en pensent les étudiants et étudiantes interrogés ?

Entre le mois de février et le mois d’avril 2021, grâce à des entretiens semi-directifs, nous avons recueilli les témoignages de 54 étudiants (27 garçons et 27 filles) d’une école de Management française tous âgés entre 21 et 25 ans. Les premiers résultats de cette recherche exploratoire révèlent que la très grande majorité de ces étudiants souhaitent un voire deux enfants grand maximum (et pour six d’entre eux aucun enfant). Si le nom des différents congés parentaux sont connus, peu d’étudiants peuvent en préciser les contours et, pour beaucoup d’entre eux, confondent le congé parental avec le congé paternité. Que ce soit pour les hommes ou pour les femmes, la conciliation vie privée et vie professionnelle semble avoir une importance au point que les étudiants soulignent l’intérêt de la réforme du congé de paternité et y voient même l’occasion de faire de nouvelles propositions dans ce sens. À titre d’exemple, un étudiant de 22 ans affirme que « le congé de paternité n’est pas assez long comparé au congé maternité ». Un autre de 23 ans ajoute même qu’il pourrait « être maintenu une année ». Par ailleurs, d’une façon unanime, les étudiants attachent aujourd’hui – du moins dans leur projection de vie – une importance de taille à une répartition équitable des tâches liées à l’enfant. Un homme de 25 ans évoque que « les tâches liées à l’enfant devraient être 50/50. Il faut pouvoir alterner et s’aider de manière équivalente ». Car la notion de sacrifices au détriment de sa vie professionnelle pour élever un enfant ne pourrait pas se faire à n’importe quelles conditions. Une étudiante de 21 ans souligne que « s’il le faut, je peux faire des concessions, mais cela demande une réflexion antérieure avec mon partenaire. De plus, je ne veux pas être la seule à faire des sacrifices ». Une autre de 22 ans précise : « Je pense que je peux faire des concessions, mais je souhaite rester dans la vie active et penser à moi malgré tout. » Cependant, une charge de travail importante dans son activité professionnelle ou une perte de rémunération s’avèrent encore des raisons envisageables pour ne pas prendre de congé paternité pour la moitié des hommes interrogés.

Références

Antunez K., Buisson G. (2019), les Français et les congés de maternité et paternité : opinion et recours, étude et résultats, n° 1098.

Barabel M., Meier O., Perret A. (2012), Travailler avec les nouvelles générations Y et Z, Focus RH.

Besnard X., Quénechdu V. (2020), Écarts de rémunération femmes-hommes : surtout l’effet du temps de travail et de l’emploi occupé, Insee, n° 1803.

Conseil supérieur de l’égalité entre les femmes et les hommes, institut BVA (2019), résultats d’une consultation menée auprès de 37 000 salariés par le CSEP et l’Institut BVA, communiqué de presse du secrétariat d’Etat chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations, en date du 21 février 2019.

Desplats M., Pinaud F. (2015), Manager la génération Y, Dunod, 223 p.

Gentina E., Delécluse M-E (2018), Génération Z, des Z consommateurs aux Z collaborateurs, Dunod, 185p.

Soulié E. (2020), la génération Z aux rayons X, Cerf, 165 p.