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« Nous sommes le syndicat de la personne et pas du statut »

Actu | Entretien | publié le : 01.09.2021 | Benjamin d’Alguerre

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« Nous sommes le syndicat de la personne et pas du statut »

Crédit photo Benjamin d’Alguerre

Toujours dans le jeu de la négociation interprofessionnelle après trois mesures de la représentativité, la CFTC continue à mener sa barque au sein du camp réformiste. Pour son président, Cyril Chabanier, l’enjeu pour les années à venir est le développement de l’implantation de la centrale chrétienne dans les entreprises.

La période pandémique a-t-elle remis en selle un dialogue social que l’exécutif avait négligé en début de mandat ?

Cyril Chabanier : C’est vrai que nous avons connu une période de dialogue social intense et souvent de qualité. Mais selon moi, cette reprise du dialogue entre l’État et les partenaires sociaux ne date pas de la crise sanitaire : elle avait déjà commencé lors du mouvement des « gilets jaunes ». Emmanuel Macron, qui avait un peu négligé le dialogue social dans les premiers temps du quinquennat, s’est rendu compte qu’il disposait d’interlocuteurs identifiés pour évoquer les problèmes sociaux. Cela étant, certains dossiers, comme celui des retraites, ont avancé au rythme d’un dialogue social soutenu et qualitatif dès le début du quinquennat. La crise de la Covid-19 a cependant amplifié les échanges entre l’exécutif et les partenaires sociaux. Au plus fort de la crise, le ministère du Travail organisait des rendez-vous hebdomadaires avec les organisations syndicales et patronales. Cela nous a permis de créer des dispositifs comme l’APLD ou TransCo. Le dialogue social a prouvé qu’il était capable de trouver des solutions en temps de crise. J’espère cependant que l’exécutif a compris qu’il n’était pas seulement un outil de crise, mais quelque chose à pratiquer en permanence.

La dernière mesure de la représentativité syndicale a en tout cas confirmé la présence de la CFTC parmi les organisations représentatives…

C. C. : Oui. C’est le troisième exercice de représentativité depuis 2008. À chaque fois, certains annoncent la mort de la CFTC… Et à chaque fois, elle est toujours là ! Elections après élections, nous restons stables, aux alentours de 9,5 % au niveau interprofessionnel (11 % après réajustement) et avons même enregistré une très légère progression en 2021 (+ 0,3 %) sur les CSE. Dans les TPE, c’est beaucoup plus compliqué pour nous : les salariés nous identifient parfois mal. Notre problématique, c’est l’implantation. Nous ne sommes présents que dans 30 à 40 % des entreprises. Mais lorsque nous y sommes, nos scores sont bons et progressent. Les salariés reconnaissent notre plus-value syndicale. Dans les négociations interprofessionnelles, nos 11 % nous donnent un rôle d’aiguillon dans le camp réformiste. C’est souvent la CFTC qui fait la bascule dans une négociation.

Quelle est votre stratégie pour relancer l’implantation de la CFTC dans les entreprises ?

C. C. : Plusieurs pistes sont à l’étude. Je veux recentrer notre organisation sur un positionnement exclusivement syndical, à savoir la défense du salarié. On demande de plus en plus aux organisations de se positionner sur des questions annexes (sanitaire, politique étrangère…) alors que ce n’est pas notre boulot ! L’éloignement des problématiques syndicales brouille le message. Il faut recentrer. En revanche, les questions liées à l’écologie entrent totalement dans le périmètre de compétences des organisations de défense des salariés. Écologie et économie sont les deux faces d’une même pièce puisque les enjeux environnementaux entraînent l’évolution des organisations de travail, des entreprises et des métiers. Là-dessus, nous sommes cohérents. Mais nous travaillons en ce moment sur une campagne de notoriété pour mieux faire connaître la CFTC et ses valeurs. Elles sont fortes, mais nous ne les faisons pas suffisamment connaître. Peut-être sommes-nous trop réservés, trop modestes… Alors, il va falloir marteler ce que nous sommes, à savoir le syndicat de la personne et pas des statuts. Dans ce cadre, par exemple, nous militons depuis 2011 pour la reconnaissance et la valorisation de l’utilité sociale des activités extraprofessionnelles. Militer dans une association, une ONG ou s’occuper de jeunes enfants devraient être des activités ouvrant des droits à la protection sociale ou à la retraite. Les compétences acquises hors du contexte du travail devraient être valorisées dans le cadre des transitions professionnelles ou des évolutions de carrière. Un chauffeur de bus, par exemple, est bien plus qu’un simple conducteur de véhicule : c’est aussi quelqu’un qui fait du relationnel, de la médiation sociale… Autant d’acquis qui devraient pouvoir être mis en avant lors d’un changement de carrière.

Justement, lors de la négociation sur le compte personnel d’activité (CPA) en 2015, la CFTC avait poussé à la roue pour la création d’un « compte d’engagement citoyen » (CEC) rattaché au CPA et permettant de valoriser ces activités extralégales par des points de formation crédités sur le CPF. Qu’est devenu ce CEC ?

C. C. : Il a été mis de côté. Comme le CPA, d’ailleurs. Nous en reparlions récemment lors d’auditions au Sénat. Pourtant, s’il y a bien eu une mesure sociale phare lors du précédent quinquennat, c’était bien la création du CPA. Nous avons essayé d’en reparler entre partenaires sociaux à l’occasion des discussions sur un agenda autonome, mais ce n’est pas facile de placer ce sujet dans le cadre des échanges autour de l’évolution de la réforme de la formation professionnelle. C’est dommage car le CEC et le CPA étaient de belles réussites du mandat de François Hollande.

Qu’en est-il de l’application « e-CFTC » que votre prédécesseur, Philippe Louis, avait lancé dans les derniers temps de sa présidence ?

C. C. : Le projet est toujours là, mais pour des raisons liées au prestataire de l’époque, nous avons perdu une année. L’idée de cette appli, ce sont les « gilets jaunes » qui nous l’ont donné. Lorsque les gens se retrouvaient les samedis sur les ronds-points, c’était pour protester, mais aussi pour socialiser, échanger, refaire le monde. On a vu des gens tomber amoureux, se marier, des amitiés ont commencé sur les ronds-points indépendamment des métiers exercés ou des statuts. Or, le syndicalisme, trop souvent, cloisonne. On est rattachés à une fédération, à une union territoriale. Ce projet d’outil numérique entend décloisonner les relations entre adhérents de la CFTC. L’application présentera des informations de nature sociale, syndicale ou juridique, mais il s’agira aussi de permettre aux adhérents de se parler, de créer des groupes, tchatter, nouer des relations qui dépassent le cadre de la fédé ou de l’UD, échanger des services, trouver des locations, un stage de 3e à l’enfant d’Untel… L’idée, c’est de marquer l’appartenance à une famille.

La CFTC ne s’est pas associée aux autres organisations syndicales pour contester la réforme de l’assurance-chômage devant le Conseil d’État. Pourquoi ?

C. C. : En 2019, nous aurions pu y aller, mais entre-temps, l’État a revu sa copie en publiant un décret correctif qui excluait certaines situations – congé parental, arrêt-maladie, etc. – du calcul du nouveau salaire de référence. La principale revendication de la CFTC en matière d’assurance-chômage porte sur une modification des règles du rechargement des droits. Nos conseils ont estimé qu’il n’y avait pas de fondement juridique pour que le Conseil d’État, censé juger en droit, aille dans notre sens sur cette problématique. C’est pour cela que nous ne nous sommes finalement pas engagés. D’ailleurs, le Conseil d’État n’a pas jugé en droit – ce qui est une situation inédite – invoquant la situation économique pour reporter sa décision à quelques mois.

Le président de la République remet la question des retraites sur le tapis. Pensez-vous que ce soit une bonne idée ?

C. C. : Ce n’est pas le bon moment alors que l’économie repart et que la 4e vague du virus est en train de nous arriver dessus ! Mais le plus grave, c’est que la réforme telle que semble l’engager l’exécutif serait paramétrique et consisterait à reporter l’âge de départ à la retraite. Or, ce n’est pas le genre de réforme à laquelle Emmanuel Macron s’était engagé dans son programme. Il avait promis de ne toucher ni à l’âge légal, ni au montant des pensions. Ce n’est pas là-dessus que les électeurs lui ont manifesté leur confiance en 2017. Il n’a pas reçu mandat pour mener ce genre de réforme.

Cyril Chabanier, président de la CFTC

• 2002 : adhère à la CFTC

• 2015 : membre du conseil confédéral, président de la Fédération travail, emploi et protection sociale

• 2019 : succède à Philippe Louis à la présidence du syndicat

Auteur

  • Benjamin d’Alguerre