logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

À la une

« Les entreprises peinent à articuler la transformation des emplois et la mobilité »

À la une | publié le : 01.04.2021 | Judith Chétrit

Image

« Les entreprises peinent à articuler la transformation des emplois et la mobilité »

Crédit photo Judith Chétrit

Pensez-vous que le sujet des reconversions soit traité différemment dans les entreprises actuellement ?

La reconversion est surtout envisagée à titre curatif, par exemple lorsqu’une entreprise prend la décision de fermer une unité de production. La palette des mécanismes utilisés est souvent classique avec des mesures d’âge pour des départs en préretraite ou des primes de licenciement et finalement très peu de réflexion sur le devenir professionnel des salariés pour qu’ils puissent se repositionner par des mobilités internes. En période d’incertitude, et surtout quand elles réduisent leurs effectifs, les entreprises peinent à se projeter dans l’avenir. Pourtant, l’angle préventif est essentiel en matière de reconversions. Il repose sur une articulation entre transformation des emplois et mobilité. Mais il est difficile à adopter car il ne suffit pas de faire une liste des métiers et des projections d’emplois à trois ans. L’entreprise doit surtout regarder comment les titulaires des emplois menacés pourront se projeter dans des métiers porteurs en prenant en compte leurs compétences, leur identité de métier et leur niveau de rémunération.

Faut-il changer la manière de parler des reconversions ?

Même si c’est assez paradoxal de le faire en période de crise, il faut effectivement reformuler la question des reconversions et de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, en matière de gestion des transitions professionnelles. Une reconversion est encore souvent perçue comme un changement radical et spectaculaire de métier et d’employeur. Cela laisse de côté les transformations plus diffuses dans l’exercice des métiers qui s’opèrent à travers des micro-changements de fonctions, d’attributions de responsabilités appuyées par des compétences nouvellement acquises. Ces changements sont souvent invisibilisés et insuffisamment valorisés, notamment pour les « exécutants stables » dont parlait le sociologue Claude Dubar. Il faut les développer et les reconnaître comme des formes d’évolution professionnelle.

Est-ce une question d’outillage ?

Il y a une plus grande responsabilisation individuelle dans les parcours de reconversion. Des outils et des droits sociaux comme le CPF de transition, le bilan de compétences ou le conseil en évolution professionnelle ont été mis au service des individus ces dernières années, mais encore faut-il évaluer leur capacité à s’en saisir. Quant aux employeurs, ceux qui ont été confrontés à de précédentes vagues de reconversion anticipent souvent mieux les situations de transition en mettant en place des cellules de gestion des mobilités internes et externes. Même s’ils sont très divers, il existe donc des outils mobilisables pour évoluer professionnellement.

Qu’est-ce qui peut limiter l’efficacité des transitions professionnelles ?

Il ne faut pas négliger la perturbation quasi identitaire qui se joue derrière le changement de métier. Il y a des emplois, notamment dans les premiers niveaux de qualification, où les salariés ne se voient pas « faire autre chose » car ils perçoivent leur identité professionnelle comme une variable stable dans le temps et dans l’espace. Seulement, le jour où leur emploi est en danger, ils se retrouvent livrés à eux-mêmes, et leur employeur prend conscience tardivement qu’il ne les a pas incités et accompagnés pour construire leur vie professionnelle. Il faut donc prendre conscience et admettre que l’expérience d’un individu repose sur une accumulation d’acquis et d’étapes tout au long de sa vie, d’où l’enjeu majeur que représentent la diversification des modes de certifications et la construction des blocs de compétences.

Comment rendre les transitions professionnelles moins traumatisantes et plus efficaces ?

Il faut les anticiper sur des durées plus longues. C’est d’autant plus important quand existe un fort décalage entre de futures fortes exigences de technicité sur certains emplois appelés à se transformer et le niveau de compétences des salariés en poste. C’est par exemple le cas dans une filière comme la transformation et la valorisation des déchets où l’on sait que le tri manuel évolue vers le pilotage de machines de tri automatisées.

Auteur

  • Judith Chétrit