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Idées

La méthode de recrutement par simulation : des bénéfices au-delà de l’embauche

Idées | Recherche | publié le : 01.03.2021 |

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La méthode de recrutement par simulation : des bénéfices au-delà de l’embauche

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La méthode de recrutement par simulation (MRS) a été créée par Pôle emploi en 1995 pour faire face aux pénuries de compétences dans l’industrie. De fait, ses bénéfices vont bien au-delà et dépassent l’enjeu de faire se rencontrer une offre et une demande d’emploi. Cette méthode annonçait, avec vingt ans d’avance, toutes les évolutions visant à faire du recrutement une vitrine de l’image employeur et une expérience candidat.

À l’origine, la méthode de recrutement par simulation a été conçue pour mieux répondre aux besoins des organisations en recherche de profils rares ou pénuriques. Pôle Emploi innove alors et crée une méthode qui élargit le vivier traditionnel de candidats des entreprises en y associant des personnes éloignées de l’emploi. Il s’agit de tester certaines habiletés1 et la motivation des individus, tout en laissant de côté le traditionnel CV. Sur cette base, pour que l’appariement entre les demandeurs d’emploi et l’organisation qui a besoin de main-d’œuvre soit possible, la MRS requiert un véritable échange entre les entreprises et Pôle emploi. Il s’agit, en effet, à la fois de bien communiquer sur les métiers et l’organisation qui recrute auprès des demandeurs d’emploi volontaires pour l’expérience et de créer conjointement des exercices permettant de révéler les habiletés des personnes. La méthode demande donc un véritable engagement de la part de l’entreprise qui y a recours. La procédure étant jugée un peu lourde, ce mode de recrutement est parfois questionné. Or, le retour sur investissement va au-delà des simples retombées à court terme de pourvoir des postes.

Toujours utilisée aujourd’hui comme une pratique de recrutement innovante en vue de combler le manque de compétences dans certains secteurs, la méthode de recrutement par simulation peut également être perçue comme une pratique pouvant s’inscrire dans la communication institutionnelle des organisations et participer au développement d’une marque employeur positive.

En effet, en favorisant l’intégration de chômeurs de longue durée, l’entreprise se positionne vis-à-vis de ses parties prenantes comme un acteur responsable socialement en développant une dimension inclusive à sa politique RH. Elle démontre, par sa collaboration avec Pôle emploi, son rôle actif pour insérer durablement des personnes vulnérables et exclues du marché du travail. La MRS est proposée principalement aux chômeurs de longue durée et leur permet de se réorienter vers des métiers où la demande en compétences est forte. Ainsi 80 % des candidats recrutés à travers cette méthode ont changé de métier et 65 % ont changé de secteur d’activité2. En effet, très souvent l’entreprise propose non seulement un poste à des personnes a priori peu employables, mais également un véritable parcours de formation afin que le nouvel embauché soit opérationnel sur son poste.

Implication plus forte des recrutés

Ces apports positifs de la MRS ont émergé des résultats d’une recherche que nous avons menée durant quatre ans en Occitanie et Nouvelle Aquitaine et au cours de laquelle nous avons suivi 2 355 demandeurs d’emploi candidats à la MRS. 31,7 % d’entre eux ont été recrutés et nous avons interrogé ces derniers pour recueillir leur perception de ce processus d’embauche. La performance sociale de la méthode de recrutement par simulation se traduit clairement en matière d’implication et de fidélisation, et l’explication principale est la dimension sociale de l’image employeur. En effet, un des résultats de cette étude est que les individus recrutés en utilisant cette méthode se sentent plus engagés envers l’organisation qui a choisi ce mode de recrutement. Ainsi, lorsque les individus recrutés perçoivent une véritable volonté de la part de l’entreprise d’avoir une politique sociale, désintéressée et juste, leur implication envers l’entreprise qui les emploie est plus forte, ce qui participe à les fidéliser. En faisant abstraction de l’expérience professionnelle et des diplômes, elle lance un message d’inclusion dont les futurs recrutés se sentiront redevables. La relation d’emploi est renforcée et la loyauté plus facilement acquise lors de la phase d’intégration. À l’heure où les entreprises ont des difficultés à trouver certaines compétences sur le marché de l’emploi et à les retenir, la MRS paraÎt être une réponse adaptée. Elle engendre un nouveau contrat psychologique entre salarié et organisation.

Développer son image employeur

Par ailleurs, les personnes n’ayant pas été retenues à l’issue du processus MRS ont une bonne appréciation de l’entreprise, malgré leur échec. L’expérience candidat est donc vécue positivement, non seulement par ceux qui ont décroché un emploi, mais aussi par les candidats malheureux. On appelle expérience candidat la perception qu’a un candidat du processus de recrutement d’une entreprise depuis sa toute première interaction jusqu’à son intégration. La plupart des entreprises s’intéressent à cette expérience qui doit être à la hauteur des attentes des personnes candidates. C’est devenu un prérequis et un impératif pour toute entreprise qui se soucie de son image employeur. Une réflexion plus globale sur l’importance d’une expérience candidat positive ne devrait pas être réservée aux seuls salariés les plus qualifiés. Dans le cas de la MRS, mettre le CV de côté efface les accidents de parcours et les aspérités de la vie. Elle remet tout le monde à égalité le temps du test des habiletés et donne une perception d’employeur juste et équitable. La méthode évite en effet les traditionnels biais et impressions inhérents à de nombreux recrutements et fait renaître un espoir de retour à l’emploi.

Au côté de la digitalisation et de la « gamification », la MRS est une technique de recrutement qui permet de développer son image employeur. Toutes ces tendances se rejoignent mais se distinguent par les valeurs qu’elles véhiculent, la MRS renvoyant peut-être celles d’inclusion la plus forte. Il serait dommage que la méthode de recrutement, du fait de son ancienneté, ne bénéficie du même engouement que les techniques plus récentes. Alors que toujours plus de salariés cherchent à donner un sens à leur appartenance organisationnelle, mettre en cohérence un discours et des pratiques pro-sociales peut être un atout, tant auprès des candidats que des salariés. Il n’est pas sûr que les entreprises aient pris la mesure de cette dimension de la MRS, peut-être parce qu’elles ont recours à cette méthode en dernier ressort pour trouver des compétences pénuriques sur leur bassin d’emploi et ne se focalisent donc que sur la dimension économique à court terme de cette pratique. Or, la méthode de recrutement par simulation doit être considérée également pour son aspect stratégique et ses effets à moyen et long terme.

Ainsi, rendre employable les inemployables en utilisant une pratique originale, mais perçue comme équitable, peut favoriser la performance sociale de l’entreprise, et se traduire dans les indicateurs d’engagement, de turnover et de perception de la marque employeur.

Pour cet article, nous adressons des remerciements à Pôle emploi et plus spécifiquement à Pierre Brossier et Gregory Cluzes, respectivement directeur statistiques de la région Aquitaine et Occitanie, qui ont permis de mettre en place ce projet concernant la MRS et de mobiliser les plateformes MRS de ces deux régions.

(1) Les habiletés sont des caractéristiques qu’un individu a développées, à travers son éducation et son expérience personnelle, au cours de sa vie sociale, familiale ou professionnelle. Elles représentent un potentiel qu’un individu est en capacité de mobiliser dans une situation ou un contexte de travail.

(2) chiffres issus du journal Le Monde (2019), Le recrutement par simulation : un remède aux métiers en tension ?