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L’emploi associatif en crise

Dossier | publié le : 01.03.2021 | Irène Lopez

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L’emploi associatif en crise

Crédit photo Irène Lopezn

En juin 2020, l’économie sociale et solidaire a perdu plus de 52 500 emplois. Bien que l’ensemble de l’ESS soit touché, la nature de l’impact du Covid-19 varie fortement entre ses différents secteurs d’activité et selon les statuts juridiques se traduisant tant par une surmobilisation des entreprises que par la réduction de leurs activités.

Les derniers chiffres sont tombés et ils ne sont pas bons. Selon les données statistiques du premier semestre 2020 sur l’évolution de l’emploi dans l’économie sociale et solidaire (ESS), publiées par l’Observatoire national de l’ESS en décembre 2020 (données recueillies auprès de 20 000 répondants), l’impact de la Covid-19 est visible : l’ESS perd 2,5 % de ses emplois en juin, par rapport à l’année dernière, soit plus de 52 500 postes. Sans surprise, ce sont les associations qui sont les plus concernées par la perte des emplois. « Parmi les secteurs les plus touchés par le confinement, les arts et spectacles paient un lourd tribut : -19 % d’emplois. Viennent ensuite l’hébergement et la restauration avec une perte de 15 % d’emplois. Enfin, les sports et loisirs font partie de ce trio de tête avec -11,8 % d’emplois », précise Alexandre Bailly, administrateur référent du Réseau national des Maisons des associations (RNMA).

La conséquence de la crise sanitaire a été immédiate sur l’activité : 68 % des associations ont fonctionné à moins de 20 % de leur activité normale pendant le confinement et seules 5 % ont maintenu une activité supérieure à 80 %. L’action sociale, elle, oscille entre réduction d’activités et mobilisation exceptionnelle. Si l’action sociale sans hébergement accuse une perte de 1,7 % d’emplois (surtout dans l’aide à domicile et l’accueil du jeune enfant), l’hébergement social et médico-social dans les activités liées au handicap et aux personnes âgées affiche un pourcentage positif de 1,3 %.

Le recours au chômage partiel

Plus de deux associations employeuses sur trois ont répondu avoir encore recours au chômage partiel. Mais ce nombre regroupe des réalités différentes, selon que l’association a placé tous ses salariés en chômage partiel ou seulement une partie. « 31 % des structures ont 100 % de leurs salariés en chômage partiel. Plus les associations ont de salariés, plus la proportion de ces derniers à être au chômage partiel est faible. Seules 4 % des associations de plus de 50 salariés ont 100 % de recours au chômage partiel, alors que ce taux est de 52 % puis de 36 % en dessous de six salariés », détaille Lucie Suchet, responsable plaidoyer au Mouvement associatif.

Hexopée, anciennement CNEA (Conseil national des employeurs d’avenir), est une organisation professionnelle représentative dans les domaines de l’animation, du sport, du tourisme social et familial et des foyers et services pour jeunes travailleurs. Et, à ce titre, un bon baromètre du secteur. Plus de 12 000 structures (sur les 35 000 existantes) sont aujourd’hui adhérentes, et parmi elles, des associations, des fondations, des clubs, des fédérations ou encore des comités d’entreprise. David Cluzeau, son délégué général, a lancé une enquête au début du mois de décembre 2020 avec Recherches &Solidarités pour connaître l’état de santé et la vision d’avenir des adhérents dans le cadre de la crise sanitaire. « 92 % de nos structures se sont rapidement engagées dans la mise en place de protocoles sanitaires sérieux pour accueillir leurs publics et continuer d’assurer leurs activités au quotidien », rappelle-t-il. La quasi-totalité des structures ont été amenées à effectuer des dépenses imprévues pour respecter les mesures imposées par les pouvoirs publics, comme des achats de moyens de protection (masques, gants, gel…) ou des aménagements importants d’espaces pour permettre des gestes barrières. Dans une moindre mesure, moins de la moitié des adhérents ont dû investir en équipement informatique pour permettre la mise en place du télétravail. D’autres investissements, d’ingénierie cette fois, ont été nécessaires pour les activités à distance à destination de leur public. Cela concerne principalement des cours de danse. S’ils sont un pis-aller d’un cours en présentiel, ils ont permis de garder le lien avec les adhérents et de continuer à assurer un service auprès des enfants, très demandeurs de ce genre de plan B.

La trésorerie a été engloutie

Toutes les entreprises n’ont pas pu proposer des alternatives. Elles sont 3 % à ne pas avoir repris leurs activités depuis mars 2020. Le tourisme est complètement à l’arrêt. « Même lorsque l’on peut ouvrir des villages vacances, il n’y a pas d’offres de restauration ni de remontées mécaniques ouvertes », précise David Cluzeau, qui cite l’exemple d’une structure d’hébergement à destination des jeunes, dans les Alpes. « Elle est totalement fermée depuis le mois de mars 2020. Les charges fixes s’élèvent à 30 000 euros par mois. Le responsable avoue avoir « mangé » la trésorerie et ne peut plus tenir que deux mois. Les 15 salariés permanents sont au chômage partiel. Un prêt garanti par l’État (PGE) lui a été accordé lors de la première vague (mois de mars et avril), mais un second demandé quelques mois après vient de lui être refusé. Le problème est le temps long de la crise. Ces responsables n’ont pas de perspective. Ils espèrent tenir jusqu’au mois de juin et espèrent l’ouverture de leur structure. »

Le premier confinement a été une véritable épreuve pour les structures de l’économie sociale et solidaire. Le délégué général analyse : « Nous nous sommes retroussé les manches. Nous avons été pleins d’inventivité. Il y a eu des idées, des alternatives et des formations pour appréhender le travail ou les animations à distance. Lors du second confinement, il faut avouer que l’énergie est retombée. Nous nous sommes essoufflés », reconnaît David Cluzeau. Hexopée s’est tout de même mobilisée, avec succès, pour rouvrir les écoles de musique.

En parallèle de ces situations d’arrêt pur et simple, il y a des activités scolaires qui n’ont jamais cessé. Ce sont, notamment, les structures qui proposent des activités périscolaires. En effet, pour les personnels soignants qui étaient en première ligne et ne pouvaient garder leurs enfants, les dirigeants de ces structures se sont mobilisés et les établissements sont restés ouverts, avec un fort soutien de la Confédération nationale des associations populaires familiales (CNAPF). « Cela n’a pas été simple, confie David Cluzeau. Les protocoles sanitaires ont été établis en correspondance avec ceux de l’école. Il fallait, par exemple, réunir des enfants d’une même école lors des activités, pour éviter le brassage. »

Le bilan va s’alourdir

Comment se dessine l’année 2021 pour les associations de l’ESS ? « 39 % des associations considèrent qu’elles auront besoin du maintien le plus long possible du chômage partiel », avance Alexandre Bailly (RNMA). Si l’on détaille davantage les résultats présentés par l’Observatoire national de l’ESS : une sur trois pense devoir faire face au risque de ne pas pouvoir maintenir l’effectif salarié en place, tandis que 20 % pensent devoir reporter un ou plusieurs recrutements. Lucie Suchet, du Mouvement associatif, ajoute que « seules 8 % des associations prévoient de recruter pour pourvoir aux besoins. Le secteur associatif fait donc face à un réel risque de crise de l’emploi ». Au sein des associations employeuses, ce sont les structures de tailles moyennes qui semblent le plus en détresse. La catégorie d’associations qui emploient entre 20 et 49 salariés est celle qui présente les taux de réponse les plus élevés pour le recours au chômage partiel le plus longtemps possible (52 %), pour le risque de ne pas maintenir l’effectif salarié en l’état (43 %) et pour le report de recrutement prévu avant la crise (32 %).

Jérôme Saddier, président d’ESS France, s’avère plutôt pessimiste. Pour lui, « l’économie sociale et solidaire, parce qu’elle se tient globalement à l’écart d’une économie outrancièrement financiarisée et mondialisée, avait été épargnée par la crise financière de 2008-2009. Cela ne sera pas le cas pour cette crise et, à n’en pas douter, le bilan va s’alourdir à mesure que notre pays est touché par la pandémie, et par les conséquences économiques et sociales qu’elle entraînera encore tout au long de l’année 2021 au moins. Il n’est pas l’heure de finaliser les bilans, mais d’une part d’entrevoir les dynamiques en cours, et d’autre part de construire les solutions qui peuvent être apportées pour redresser la tendance et pour renforcer nos modèles ». L’ESS est touchée, mais pas coulée.

I. L

Le Grenelle du sport

Le 1er février dernier s’est tenu un Grenelle de l’éducation et de l’insertion par le sport (rebaptisé Conseil national des solutions par le sport) dans le Val-d’Oise. Une centaine de sportifs et de présidents d’associations y assistaient. Indignés par le peu de cas qui est fait aux associations sportives par le gouvernement, ils réclament depuis plusieurs mois des actions concrètes pour améliorer le sport en banlieue. Aujourd’hui, les associations sportives animées par des éducatrices et des éducateurs formés et engagés sont dans une situation de grande souffrance, proche de l’asphyxie. Et ce n’est pas nouveau. La dégradation du secteur date d’avant la crise de la Covid-19. Un rapport de Conseil national des solutions fait référence à « une baisse des contrats aidés de 46 % entre 2016 et 2018 qui a engendré une perte de plus de 28 000 emplois dans le sport amateur selon une estimation du CoSMoS, unique organisation représentant exclusivement tous les employeurs du sport ». Cet essoufflement du sport amateur s’est accentué avec la crise sanitaire. La crise économique a amplifié le phénomène : les familles, précarisées, ne peuvent payer leur adhésion aux clubs. « Outre l’impossibilité de pratiquer une activité sportive à court terme, cette situation est également inquiétante pour la compétition et le haut niveau, car ce sont les principaux formateurs des champions de demain », alerte le Conseil national des solutions.

Auteur

  • Irène Lopez