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Des structures résilientes et agiles

Dossier | publié le : 01.03.2021 | I. L

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Des structures résilientes et agiles

Crédit photo I. L

La situation de l’emploi dans les structures de l’économie sociale et solidaire est morose. Outre les aides de l’État, ces dernières ont témoigné de leurs fortes capacités d’adaptation au contexte dans les activités de solidarité, dans les filières d’avenir liées à la transition écologique ou dans les activités de soutien pour répondre dans l’urgence à des besoins sociaux et économiques essentiels. La crise les force clairement à innover…

Pour continuer à assurer leurs services, les associations employeuses ont dû travailler différemment depuis un an. Selon une note d’analyse du Mouvement associatif, plus d’une sur deux a mis en place des outils numériques pour fonctionner à distance. Les autres changements principaux sont l’adoption de nouvelles pratiques de gouvernance et d’organisation (37 % des employeuses) et une évolution dans les relations avec les bénéficiaires et les adhérents. Ces modifications, qui concernent des aspects très divers du fonctionnement des associations, montrent à quel point la crise a bousculé les manières de faire. Mais c’est aussi un révélateur de la souplesse et de la capacité d’adaptation du secteur associatif, malgré des circonstances difficiles. Les associations dont le budget est supérieur à 200 000 euros ont d’ailleurs plus largement opéré ces changements.

Si Frédérique Pfrunder, déléguée générale du Mouvement associatif, porte-voix des dynamiques associatives, loue la souplesse des entreprises et associations, elle ne peut s’empêcher de pester : « L’État a beaucoup compté sur les associations pendant la crise. Et ce, sans se préoccuper des moyens, car les associations tiennent toujours grâce à l’engagement citoyen. Elles s’adaptent avec les bouts de ficelle ».

Des réunions de crise

L’adaptation, Alix Lortat-Jacob la connaît bien. La jeune femme est collaboratrice chez Alter Eco Lyon. Alter Eco est une entreprise française aux multiples antennes régionales, spécialisée dans l’importation et la distribution de produits biologiques, créée en 1998 à l’initiative de Tristan Lecomte, figure de proue du commerce équitable. « Nous sommes huit salariés de l’antenne lyonnaise Alter Eco. Nous avons dû revoir tout le temps notre organisation. Pour nous adapter aux injonctions du gouvernement, nous avons redoublé d’efforts. Par exemple, lors des premières mesures sanitaires, nous avions l’obligation d’ensacher tous nos produits alors même que les grandes surfaces n’étaient pas tenues de le faire ! Cela a alourdi notre journée de 2 h 30 de travail en plus, tous les matins, avant d’ouvrir le magasin. »

Le couvre-feu imposé à 18 heures a également changé leurs habitudes. Alors qu’en général, leurs clients venaient faire leurs courses entre 18 h 45 et 19 h 30, ils se précipitent désormais pour terminer leurs emplettes entre 17 h 30 et 18 heures. L’équipe lyonnaise d’Alter Eco a dû jongler avec les emplois du temps des employés en modifiant leurs horaires pour satisfaire les consommateurs. Ces réorganisations du travail et d’approvisionnement ont fait l’objet, lors du premier confinement, de réunions de crise avec la quarantaine de producteurs partenaires d’Alter Eco pour trouver le bon ajustement. Alix Lortat-Jacob est épuisée, mais fière de constater que sa petite entreprise résiste plutôt bien à la crise.

Des solutions locales et solidaires

Alors que les emplois sont mis à mal pendant cette crise sanitaire, Phenix a recruté 50 employés en 2020. Jean Moreau, cofondateur et président de la PME qui développe des solutions pour que les invendus alimentaires et non alimentaires ne deviennent jamais des déchets, est gonflé à bloc : « En 2020, l’entreprise affichera le même chiffre d’affaires qu’en 2019. C’est une prouesse de ne pas faire 30 % de baisse. Phenix est une entreprise très résiliente ». Il a beau refuser d’expliquer la bonne santé de sa société par un effet d’aubaine, la crise a été un accélérateur. Depuis 2014, Phenix cultive la proximité avec les commerçants, grossistes, distributeurs, industriels et consommateurs à travers ses 27 antennes régionales. Grâce à un réseau de 1 400 associations partenaires et l’expertise de 180 coachs anti-gaspillage, c’est plus de 120 000 repas qui sont sauvés chaque jour. Dernière-née, l’application mobile Phenix a déjà convaincu plus d’un million de citoyens d’agir concrètement en achetant à prix réduit les invendus des commerçants. La demande de produits à prix cassés ne cesse d’augmenter, la crise économique ne cessant de faire croître le nombre de consommateurs précaires.

Lorsque les restaurants ont dû fermer et, par conséquent, vider leurs réfrigérateurs, Phenix s’est retrouvée avec beaucoup de stocks à répartir. La société était alors au bon endroit au bon moment. « Ce sont les entreprises et structures de l’économie sociale et solidaire qui assurent le lien social en cette période de pandémie. Notre succès est le reflet d’un besoin de retour à des solutions locales et solidaires. Les entreprises de l’ESS ont une carte à jouer », reconnaît Jean Moreau. Les 200 collaborateurs que compte Phenix jouissent tous d’un CDI. Le président de la PME conclut : « En France, nous avons beaucoup de chance, car nous bénéficions d’aides de la part de la BPI, de la Caisse des dépôts, des régions, des mairies. Même si elles sont compliquées à obtenir d’un point de vue administratif, ces aides font de l’Hexagone un paradis qui s’ignore. »

Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, chargée de l’Économie sociale, solidaire et responsable, Olivia Grégoire a conscience de ces difficultés administratives (lire portrait page 27). « Beaucoup d’entreprises ne savent pas ou méconnaissent les aides auxquelles elles ont droit. J’ai donc mis en place une plateforme interactive pour identifier toutes les aides disponibles, qui récapitule l’ensemble des aides d’urgence pour chaque type de structure de l’ESS et pour chaque cas : le fonds de solidarité, les reports de charges, l’activité partielle, les dispositifs sectoriels ou fonds régionaux. »

Le secrétariat d’État chargé de l’Économie sociale, solidaire et responsable a également créé un guichet unique, opérationnel depuis le 24 janvier 2021. Fini les demandes en 36 exemplaires, la logique du guichet unique permet à toute structure désireuse de bénéficier d’un fonds d’urgence de remplir un seul formulaire de contact en ligne. Cette aide doit permettre aux structures relevant de l’économie sociale et solidaire de poursuivre leur activité pendant la crise, financer les emplois de leurs salariés, pallier les difficultés liées à la trésorerie. Le fonds est à destination des associations employant d’un à dix salariés. L’aide cumule à 5 000 euros pour les associations d’un à trois salariés et à 8 000 euros de quatre à dix salariés.

Des bons de soutien

Dans le contexte d’aide actuel, la ville du Havre fait figure d’exemple. Alice Hébert, cheffe de service, direction sport, jeunesse et vie associative, évoque un plan de relance au niveau de la ville. Il s’agit d’un renforcement des dispositifs d’accompagnement (formation pour lutter contre la fracture numérique par exemple) et d’un accompagnement à la communication (appropriation des outils de communication pour les associations qui n’ont pas l’habitude de le faire). La mesure la plus appréciée a été la mise en place de bons valables pour une adhésion : chaque famille havraise a reçu 25 euros par enfant et par activité sportive ou culturelle. Le bénéfice est double. Les associations ont continué à percevoir des rentrées d’argent et les familles, dont beaucoup sont précaires, ont pu continuer d’inscrire leurs enfants à des activités. « C’est un grand succès, commente Alice Hébert, mais il est encore trop tôt pour analyser son impact. » Pour Frédérique Pfrunder (Le Mouvement associatif), ce type d’initiative « est exactement le genre de mesure utile en ce moment. Le gouvernement débloque des millions d’euros pour la vie associative en 2021. Mais ce budget concerne surtout les appels à projets. Or, les associations ont besoin de soutien au développement ! Des appels à projets signifient des dossiers à remplir alors qu’elles n’en ont pas les moyens actuellement, faute de personnel ».

Le prêt garanti par l’État, boudé

Depuis la fin du mois de novembre 2020, le prêt garanti par l’État (PGE) est également accessible à toute association ou fondation enregistrée au répertoire national des établissements et qui emploie un salarié ou paie des impôts ou perçoit une subvention publique. Même si la garantie de l’État couvre dans la plupart des cas, 90 % du PGE, peu d’associations ont eu recours à cette aide. Seules 13 % des 20 000 structures interrogées par Hexopée (ex-CNEA, Conseil national des employeurs d’avenir) en janvier 2021 ont eu recours à ce dispositif.

Auteur

  • I. L