La concurrence réduit-elle la « bureaucratie » ? Rien n’est moins sûr, selon le sociologue François Dupuy, qui attire l’attention sur le sort des entreprises confrontées à de plus fortes exigences concurrentielles au sortir des Trente Glorieuses : « Pour répondre à cette demande, les organisations ont trouvé une variable d’ajustement : l’organisation du travail, avec des leviers comme la coopération et le fonctionnement en mode projet, qui ont eu pour corollaire la perte d’autonomie. Les membres de ces organisations sont passés d’une situation d’autonomie à une situation de dépendance. Les cadres se sont même retrouvés dans une situation où ils étaient évalués sur des paramètres sur lesquels ils dépendaient d’autres acteurs, ce qui constituait une forme de double peine. » Ce mouvement consistant à déprotéger le travail – et non l’emploi – a engendré une riposte de la part des salariés – le désengagement – qui se sont mis à exécuter stricto sensu les tâches prévues dans le contrat. Les entreprises ont réagi, « par le management coercitif et des outils tels que les process, le reporting et les KPI, permettant aux managers de contrôler ce que font les salariés et aussi la façon dont ils le font », explique François Dupuy. Il y voit l’origine de l’inflation des fonctions « support » dont les plus grandes productrices de normes seraient la finance et… les RH : « Le problème, c’est que la prolifération incontrôlée de ces outils a abouti en réalité non pas à un meilleur contrôle mais à une perte de contrôle. »