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Les acteurs traditionnels à la traîne

Dossier | publié le : 01.04.2001 | S. P.

Les organismes de formation, les grandes écoles et les universités jouent, eux aussi, la carte de l'e-learning. Mais avec un temps de retard. Paradoxalement, ce décalage pourrait se révéler être une chance.

Le début de l'année 2001 a incontestablement été marqué par l'entrée dans la course à l'e-learning des grands noms de la formation. La Cegos a levé le voile sur ses projets de formation à distance. Baptisée Cegos-e-learning University, sa plate-forme, opérationnelle fin avril 2001, proposera aux entreprises une large gamme de formations à la fois généralistes et sur mesure, accessibles en autoformation, cours tutorés, classes virtuelles, etc. « Au départ, notre offre couvrira des domaines comme la bureautique, la finance ou la formation de formateurs, indique Jacques Coquerel, président de la Cegos. Mais, dès 2002, l'ensemble de nos stages marketing, e-business, management… seront disponibles. » Offres de formation similaires sur E-performancetraining.com, la plate-forme lancée à la même période par le groupe Demos. « Nous proposons également la mise en place d'universités virtuelles d'entreprise, explique Claude Lepineux, manager chez Demos Interactive Training. À partir d'une sélection de cours existants sur notre plate-forme, chaque société pourra posséder sa propre université e-learning et y ajouter ses propres cours. » Les autres organismes ne sont pas en reste. Le Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), qui propose déjà 170 unités de valeur à distance, s'est fixé comme objectif de mettre toutes ses formations sur Internet d'ici à 2003. « C'est aujourd'hui l'une de nos priorités », affirme Alain Meyer, chef du service pour l'innovation et la formation ouverte et à distance. L'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa) travaille aussi à la mise en œuvre de programmes en ligne. Quant au Centre d'études supérieures industrielles (Cesi), il a dans ses cartons un projet de formation au knowledge management en ligne.

Le phénomène touche aussi les établissements d'enseignement supérieur. Parmi les projets les plus aboutis, ceux de l'École supérieure de commerce de Pau, d'Audencia (ex-groupe ESC Nantes) et de l'IAE d'Aix-en-Provence, qui proposent déjà tous les trois des MBA à distance. À Pau, cette formation, qui existe depuis 1997, est réalisée totalement en ligne. L'Institut européen d'administration des affaires (Insead), qui accueille chaque année plus de 6 000 cadres en formation continue, vient de créer, de son côté, un département dédié à l'e-learning et propose, depuis quatre mois, ses premiers cursus en ligne. Même effervescence du côté des écoles d'ingénieurs. « Depuis le 19 février nous proposons, en collaboration avec les écoles des mines d'Albi, de Nantes et d'Alès, une formation continue diplômante délivrée en partie à distance, annonce René Guillermo, directeur des études et de la formation de l'École des mines de Douai. Destinée à des techniciens supérieurs, elle permet d'obtenir un diplôme d'ingénieur et concerne cette année 18 stagiaires. » De manière générale, à l'instar des organismes de formation, toutes les écoles de commerce ou d'ingénieurs ont un projet d'e-learning. Côté universités, quelques initiatives individuelles voient le jour. L'université de Picardie forme déjà en ligne 250 étudiants en formation continue. À la prochaine rentrée universitaire, 11 campus numériques, fruits d'un consortium entre écoles, universités et organismes publics de formation (tels le Cnam et le Centre national d'enseignement à distance), devraient également voir le jour.

Les initiatives foisonnent, mais non sans difficulté. Même s'ils savent que le passage à l'e-learning est inéluctable et qu'ils voient arriver depuis trois ans de nouveaux intervenants susceptibles de leur ravir la place sur ce marché, la plupart des acteurs traditionnels traînent encore les pieds. « Difficile de changer de culture du jour au lendemain quand on est spécialiste de l'enseignement en face à face », assure Philippe Joffre, directeur général de Génération Formation, organisateur de salons et éditeur de guides. Sans compter que mettre des formations en ligne représente un coût humain et financier qu'organismes, écoles ou universités n'ont pas toujours les moyens de supporter.

Des fusions entre les nouveaux et les anciens

« Monter notre plate-forme nous a demandé trois ans de travail, reconnaît Jacques Coquerel, de la Cegos. Nous avons racheté, en mai 1999, Info Convergence, une société spécialisée dans la visioformation. Cela nous a donné une pratique opérationnelle des nouvelles technologies de formation. Nous avons, par ailleurs, mobilisé une vingtaine de personnes sur ce projet. Au total, le projet nous coûte 20 millions de francs par an, depuis trois ans. Et ce n'est pas fini. » Sans compter les actions de sensibilisation des formateurs en interne. « Quand vous n'avez pas de tels moyens à votre disposition, vous êtes contraint à des partenariats », constate Didier Develey, directeur de Reims Management School. Par exemple, avec des éditeurs de plates-formes, comme l'Insead avec Docent. Entre acteurs de la formation aussi : les quatre écoles des mines entre elles ou l'ESC Pau avec l'américaine Virtual Online University (VOU). Enfin, des fusions entre anciens et nouveaux acteurs risquent de s'opérer. « Environ 80 % des organismes traditionnels vont disparaître », prévoit Jacques Coquerel.

Car, malgré les perspectives du marché, les places sont chères. Les acteurs traditionnels ont cependant des atouts que ne possèdent pas les nouveaux. Leur ancienneté dans le domaine de l'enseignement leur confère une légitimité et une crédibilité auprès des entreprises. Ce que n'ont pas les intervenants de fraîche date. « Les anciens savent faire de la pédagogie avec des systèmes hybrides, mêlant stages en présentiel, formation en ligne tutorée ou autoformation », assure Bernard Blandin, consultant au Cesi et membre du Forum français pour la formation ouverte et à distance (Fffod). Sans oublier que, paradoxalement, leur retard dans la course à l'e-learning se révèle être une chance. « Il nous a permis de choisir des outils technologiques plus aboutis, observe Marc Humbert, responsable des NTIC à l'ESC Grenoble. Cela nous a également donné l'occasion de voir ce qu'il fallait faire ou non en termes de contenu, d'ingénierie pédagogique. C'est comme cela qu'on a pu constater que le « tout à distance » était voué à l'échec ».

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  • S. P.