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L’égalité salariale en cinq points

Dossier | publié le : 01.10.2019 | Catherine Abou El Khaïr

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L’égalité salariale en cinq points

Crédit photo Catherine Abou El Khaïr

Le Gouvernement a décidé de frapper fort en imposant aux entreprises de plus de 50 salariés de publier un index d’égalité professionnelle. Objectif : lutter contre les inégalités, alors que les femmes ont un salaire inférieur de 25 % aux hommes et de 9 % à travail égal.

En matière d’égalité entre femmes et hommes, l’heure des comptes a sonné. Le 1er mars dernier, les entreprises de plus de 1 000 salariés ont été les premières à passer le test de l’index d’égalité salariale. Depuis le 1er septembre, c’est au tour des entreprises entre 250 et 1 000 salariés. Note moyenne de la première vague ? 83 points sur 100, soit bien au-delà du seuil des 75 points en dessous duquel les employeurs s’exposent à des sanctions allant jusqu’à 1 % de la masse salariale. Mais gare à ne pas prendre de raccourcis, avertit Franck Chéron, associé capital humain chez Deloitte, par exemple au niveau de l’égalité salariale, synthétisée dans le premier indicateur. « Les entreprises seront tentées de choisir la méthodologie qui va leur permettre d’avoir la meilleure note », craint-il. Or, en la matière, tout compte : des enveloppes de rattrapage à la formation des managers. Voici donc une revue des bonnes pratiques en cinq points.

1. Approfondir l’analyse des écarts

Pour publier leur index, les entreprises de la première vague ont été prises de court. « La plupart des grandes structures ont adopté le résultat par catégorie socioprofessionnelle par manque de temps, et parce qu’il fallait consulter le CSE en amont », souligne Muriel Besnard, consultante juridique chargée de la veille légale RH et du droit social chez ADP. Or, cela « ne permet pas d’avoir des mesures correctives très ciblées », souligne-t-elle. « Pour les grandes entreprises, la maille au niveau CSP ne permet pas de recueillir une information lisible », abonde Karine Armani, directrice associée du cabinet Équilibres, spécialisé dans l’égalité professionnelle. Pour y voir clair, il faut d’abord « reconstituer des tranches homogènes » : cadres non encadrants, encadrants, top 100, cadres dirigeants… Il convient ensuite d’analyser les rémunérations à ancienneté équivalente pour parvenir à des listes de trois ou quatre personnes. Par ailleurs, ajoute-t-elle, « travailler sur la rémunération suppose de définir ce que l’on fait entrer dans la rémunération – le fixe contractuel, la part variable, les avantages en nature… – comme de définir la méthodologie de calcul des écarts ». Enfin, associer les partenaires sociaux peut aider à progresser. « Le recueil, le traitement et la communication des chiffres restent à la main de la direction. Si celle-ci n’est pas transparente sur sa méthodologie de collecte et d’analyse, un climat de méfiance peut s’instaurer entre direction et IRP ».

2. Reprendre la main sur la rémunération

En matière de salaires, les écarts entre les sexes se creusent vite. Avant le congé maternité et les étapes de carrière, le premier moment critique est celui de l’embauche. « Nous demandons à nos RH d’être vigilants et de faire des propositions ne tenant pas compte des qualités de négociations des candidats. Il faut qu’ils aient conscience de ce phénomène, qu’ils expliquent les grilles aux candidats ainsi que cette notion de salaire juste », souligne Isabelle Villedieu, directrice reward France de Schneider France. Et si recruter une perle rare nécessite de s’écarter de la règle, il faut veiller à ce que l’exception s’applique aux autres cas comparables. Un objectif qui implique de reprendre la main sur les pratiques de managers. « On peut formaliser de façon très objective une politique de rémunération variable, rappelle François Auger, directeur de l’activité rémunérations chez Aon France. Or, dans les entreprises, il arrive que les managers mènent leur propre politique. Un laisser-aller dont les conséquences sont visibles, en particulier dans les fonctions commerciales. Dans ces métiers, entre hommes et femmes, les terrains de jeu ne sont pas les mêmes. On ne donne pas les mêmes responsabilités : les femmes seront sur des projets moins challengeants, sur des zones avec moins de potentiel », observe l’expert.

3. Lutter contre la ségrégation professionnelle

Gare à ne pas focaliser ses efforts sur l’équité à poste équivalent. « Aujourd’hui, l’enjeu est d’amener les femmes vers des emplois plus rémunérateurs tels que les métiers de bouche ou les directions de magasin », souligne Laure Andrieux-Vanneufville, directrice du développement RH du groupe Casino (47 % de femmes), chargée des sujets d’égalité professionnelle. Casino, qui affirme ne pas avoir constaté d’écarts significatifs à poste égal, se concentre sur l’évolution des femmes dans l’entreprise. « Nous travaillons sur les stéréotypes pour donner envie aux femmes de s’orienter vers ces métiers, poursuit la responsable. C’est aussi la logique de notre tableau de bord, où nous regardons notamment la représentativité des femmes dans les promotions, les plans de succession et de promotion des potentiels. » Une autre piste à explorer est celle de l’analyse du contenu véritable des métiers, en particulier lorsque ces derniers sont féminins et généralement moins rémunérateurs. En réalité, il faudrait raisonner « à niveau de compétence mobilisé », souligne Karine Armani. Or, « des travaux de recherche ont montré que les critères utilisés pour évaluer les emplois sous-valorisent les compétences mobilisées dans l’exercice des métiers dits “féminins”, car des compétences innées (soin apporté aux autres, empathie, écoute…). Elles ne seraient donc en aucun cas le fruit d’une technicité ou d’un apprentissage ».

4. Impliquer les managers

Pour rester sur les rails, il importe de suivre l’application des principes au niveau du management. Chez Randstad, les chefs reçoivent une piqûre de rappel numérique après chaque NAO. « À chaque fois qu’un manager inscrit un pourcentage d’augmentation pour un salarié, il voit l’impact de cette hausse sur l’équilibre hommes-femmes dans son équipe », souligne Laurence de Fontenay, directrice générale des ressources humaines. Les chiffres indiqués en temps réel ? Le nombre de femmes bénéficiaires d’une augmentation et le pourcentage des revalorisations salariales accordées aux femmes et aux hommes. « Il faut trouver des leviers pour que les managers ne vivent pas l’égalité professionnelle comme une contrainte, car il peut y avoir des crispations », avertit Karine Armani. Pour sortir du problème par le haut, la consultante conseille d’intégrer des objectifs en matière d’égalité professionnelle dans la rémunération des managers. C’est le cas chez Casino, depuis 2018, qui intègre dans la rémunération annuelle variable des cadres un objectif en pourcentage de femmes cadres.

5. Chasser les biais inconscients

Faire le point sur l’égalité salariale fait aussi apparaître nombre de réflexes inconscients contre lesquels il faut se prémunir. « Dans notre étude, nous vérifions qu’il n’existe pas d’écart de salaires en ce qui concerne les personnes en temps partiel. Car, dans le processus d’augmentations individuelles, celles-ci peuvent s’exposer à des biais inconscients, selon lequel une personne qui n’est là qu’à 50 % ne mérite pas d’augmentation », souligne Laurence de Fontenay. « Dans notre guide contre le sexisme ordinaire, nous présentons un certain nombre de situations managériales très concrètes. Par exemple, il peut arriver que des responsables ne poussent pas les femmes vers des promotions à leur retour de congé maternité, par ce qu’ils penseraient être de la bienveillance », détaille de son côté Laure Andrieux-Vanneufville. Dommage, car ces années sont justement des périodes de « fortes progressions de carrière chez les hommes », note l’Insee dans une étude publiée en février 2019 sur le rôle de la maternité dans les inégalités de salaires.

Une loi en 2020 sur l’émancipation économique des femmes

À la suite du G7 de Biarritz, l’été dernier, un projet de loi pour l’émancipation économique des femmes a été annoncé. Il sera porté en 2020 par le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, et par la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa. Plusieurs pistes sont sur la table, dont un « système de quotas dans les entreprises pour plus de parité », qui sera imaginé par le Haut Conseil à l’égalité femmes-hommes, chargé de publier un rapport sur le sujet. « Si on ne pousse pas la porte un peu fort, on n’y arrivera pas », a expliqué Marlène Schiappa. Concernant les mères au foyer ou celles sortant d’un congé maternité, l’exécutif veut aussi faciliter la reprise d’activité en prévoyant un « parcours de validation des acquis de l’expérience ». Pour celles qui créent leur entreprise, le texte aura pour objet d’agir pour un soutien accru des banques. Enfin, des préconisations sont attendues pour « améliorer la place des femmes dans les métiers d’avenir ».

Auteur

  • Catherine Abou El Khaïr