Cadre supérieur dans une grande compagnie de fret maritime, Franck consacre sa vie au travail. Issu d’un milieu modeste, ce workaholic, en faisant passer le profit avant l’humain, a réussi à gravir seul les échelons de son entreprise et à assurer à sa famille un train de vie confortable dans un quartier chic de Genève. Désormais, il dirige le flux des cargos aux quatre coins du monde. Jusqu’au jour où, réveillé en pleine nuit pour résoudre une situation de crise au large de l’Afrique, il doit prendre dans l’urgence une décision terrible, inhumaine, afin de sauver sa boîte. Une faute grave qui servira de prétexte à ses employeurs pour le licencier sans préavis. Dans « Ceux qui travaillent », le Genevois Antoine Russbach raconte la violence du monde du travail où tout sentiment est exclu et la chute d’un self-made-man profondément ébranlé, trahi par un système auquel il a tout donné pendant 25 ans.

Acteur fétiche des frères Dardenne, Olivier Gourmet réussit à donner une rare intensité à cet homme d’affaires taiseux, exigeant et imperturbable. Contraint de remettre toute sa vie en question, le quinquagénaire enchaîne les tests psychologiques et tente en vain de solliciter de vieux amis pour décrocher un job avant que sa famille ne ressente les effets de son renvoi. Terrifié par le spectre du déclassement et blessé dans son honneur, Franck fait tout pour sauver les apparences, quitte à mentir à ses proches. Lorsque, enfin, il finit par confesser sa faute à sa femme et à ses enfants, il subit l’opprobre familial et entre dans une autre forme de solitude qu’il tente de conjurer auprès de sa cadette. Habilement, ce drame âpre réussit à jongler entre l’intime et une réflexion plus large sur le monde professionnel ainsi que sur les dérives du capitalisme.

Film d’Antoine Russbach (1 h 40), en salle le 25 septembre.