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Olivier Dussopt, l’Ardéchois qui a réformé la fonction publique

Décodages | Politique | publié le : 01.09.2019 | Nathalie Tran

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Olivier Dussopt, l’Ardéchois qui a réformé la fonction publique

Crédit photo Nathalie Tran

En dépit d’un climat social tendu, d’un front syndical inédit face au projet et de délais serrés, le socialiste Olivier Dussopt a mené à bien l’adoption de la loi de modernisation de la fonction publique, dont l’essentiel des mesures devraient s’appliquer le 1er janvier 2020. Une détermination de fer dans un gant de velours… et une rigueur à toute épreuve. Portrait.

Mission accomplie pour Olivier Dussopt. La loi de transformation de la fonction publique a bien été votée avant la fin de l’été, conformément aux souhaits du Gouvernement. Ni l’opposition farouche au projet des syndicats, qui dénoncent un « grignotage » du statut, ni le mouvement des « gilets jaunes » et le grand débat national n’auront réussi à faire fléchir le secrétaire d’État à l’Action des comptes publics. Dans son bureau, au cinquième étage de l’hôtel des ministres de Bercy, dont les larges baies vitrées offrent une vue imprenable sur la Seine, Olivier Dussopt, 41 ans, revient sur ce chantier explosif qui a réalisé l’union syndicale contre lui, nécessité plus d’un an de concertation, six semaines de consultations officielles, et occasionné plus de 1 500 amendements. « Pendant quinze mois, j’ai mis à profit chacun de mes déplacements pour rencontrer des agents de tous les niveaux, de toutes les catégories hiérarchiques et des trois versants de la fonction publique », raconte-t-il. Sa méthode : éviter la précipitation, « franchir les haies les unes après les autres », en commençant par expliquer inlassablement le sens de la réforme, et accorder du temps à la discussion avec les organisations syndicales afin de « déminer » un certain nombre de sujets. Mais aussi avec les fonctionnaires : 23 rencontres ont été organisées avec des agents. Une façon de prendre également le pouls du terrain. « Ce qui m’a frappé, c’est le hiatus entre les contestations les plus fortes des syndicats et les expressions des agents publics », pointe-t-il. Mais s’il considère que l’adoption de la loi s’est plutôt bien passée et s’il s’avoue satisfait d’avoir respecté le calendrier, conscient d’avoir « passé une étape extrêmement importante », Olivier Dussopt ne s’estime pas soulagé pour autant. « On est au milieu du gué », dit-il avec modestie, rappelant qu’il doit à présent s’atteler à la publication des décrets et des textes réglementaires pour que la loi puisse s’appliquer en 2020.

« Colère froide. »

Il faut parfois tendre l’oreille pour entendre ce que dit le patron des fonctionnaires. Sa voix douce est souvent proche du murmure. Posé et plutôt réservé, Olivier Dussopt n’en est pas moins d’un abord facile et sympathique. En petit comité, il est même assez souriant, à l’encontre du personnage raide et crispé qu’il montre lors de ses interviews télévisées. Ceux qui ont travaillé avec lui le disent brillant, doté d’une mémoire impressionnante, humain, faisant confiance à ses collaborateurs, veillant à respecter leur vie personnelle et fidèle en amitié. « Il n’est jamais désagréable ou désobligeant », convient Mathieu Vasseur, un de ses anciens collaborateurs à l’Association des petites villes de France (APVM), dont Olivier Dussopt a été le président. Toujours calme en apparence, veillant à ne pas laisser transparaître ses émotions, il peut en revanche s’agacer pour des questions de ponctualité, mais sans jamais s’emporter pour autant. « C’est une colère froide qui peut surprendre ses interlocuteurs, souligne Maxime Sauvage, son ancien assistant parlementaire à l’Assemblée nationale. Il est sourcilleux sur son agenda et veille à être ponctuel. Pour lui, être à l’heure c’est déjà être en retard ! » Une question de politesse et de respect des autres bien sûr, mais aussi un besoin rassurant de savoir les choses cadrées et ordonnées. Son bureau, sur lequel les piles de dossiers sont alignées au cordeau, en est l’illustration. « Cela me sécurise. Je considère que lorsque mon bureau est en ordre, ma tête l’est aussi », confesse-t-il. Sa grande force : sa parfaite maîtrise des dossiers. Olivier Dussopt est avant tout un technicien. Un bosseur acharné, extrêmement exigeant, voire pointilleux. « En réalité, je déteste être pris au dépourvu », justifie-t-il. Il est notamment incollable sur les chiffres. « C’est une arme pour être efficace dans les débats, cela les rend plus intéressants et cela les pacifie. Il est facile de se réfugier dans l’invective ou dans l’approximation quand vous n’avez pas d’arguments techniques », avance-t-il. Rigoureux et opiniâtre, il reste néanmoins ouvert à la discussion. « Il faut beaucoup d’arguments pour le faire changer d’avis quand il pense avoir raison, mais il sait écouter », remarque Michèle Victory, député PS de l’Ardèche, sa suppléante pendant dix ans. Mylène Jacquot, de la CFDT, le confirme : « Il est prêt à entendre et à infléchir telle ou telle position et avec lui on n’a pas de mauvaise surprise, on sait où on va. » Lors des négociations sur la réforme de la fonction publique, les syndicats ont pu en effet apprécier sa « fiabilité », son « sérieux », mais aussi sa « disponibilité ». Ses anciens camarades du Parti socialiste sont moins élogieux. Beaucoup ne lui ont pas pardonné de rallier le Gouvernement Macron en novembre 2017 et d’accepter le maroquin de secrétaire d’État auprès du sarkozyste Gérald Darmanin. Moins, encore, de porter une réforme qui prévoit la suppression de postes de fonctionnaires, facilite le recours aux contractuels, et applique des méthodes du privé comme la rémunération au mérite ou la possibilité de proposer des plans de départs volontaires. Une loi qu’il critiquait vigoureusement quand il faisait campagne pour les législatives. « C’est ce qui s’appelle un socialiste en peau de lapin », avait cinglé Benoît Hamon, son ancien chef de file au PS, en apprenant sa nomination. Mais c’est sans doute Marylise Lebranchu, ex-ministre de la Fonction publique, qui s’est montrée la plus acerbe, lui reprochant un choix « carriériste » et se disant « violemment déçue ».

Opportuniste ? Ceux qui l’accusent de trahison sont « soit des apparatchiks patentés, soit des gens qui auraient voulu ma place », lâche-t-il. Olivier Dussopt rappelle que dans sa profession de foi pour les législatives, il avait mentionné qu’il souhaitait la réussite du quinquennat et était prêt à y participer : « J’avais fait le choix d’être candidat socialiste par fidélité en espérant que le PS s’inscrive dans la majorité présidentielle. » Ces amis reconnaissent qu’il n’a jamais caché sa sympathie, ni même son admiration, pour le président de la République et que sa décision de s’embarquer dans son sillage n’a pas été une surprise pour eux. « Il est très attaché à la méritocratie et, sur ce corpus républicain, la vision de Macron lui convenait bien », concède Mathieu Vasseur.

Son parcours politique singulier avait déjà laissé certains perplexes. Tout d’abord proche d’Henri Emmanuelli et de Benoît Hamon, il a ensuite été porte-parole de Martine Aubry pendant la campagne de la primaire socialiste en 2011, avant de soutenir François Hollande juste après, pour finalement se rapprocher de l’aile droite du PS en 2017 en rejoignant Manuel Valls lors de la primaire de la Belle alliance populaire. De là à épouser le projet libéral d’Édouard Philippe ? « Il sait où il va et il se donne les moyens d’y arriver. Il a toujours eu envie de réussir et a une revanche à prendre sur son milieu, analyse Michèle Victory. Il s’attendait à être ministre lors du précédent quinquennat et finalement Hollande ne l’a pas nommé, il a été déçu et même blessé. »

Berceau ardéchois.

Olivier Dussopt s’en défend : « J’ai toujours été un social-démocrate, un homme de gauche avec le même mobile qui anime mon engagement politique depuis toujours : celui de l’égalité, et de l’égalité des chances. » Son cheval de bataille : la lutte contre les déterminismes sociaux. Issu d’une famille ouvrière d’Annonay (07), ville enclavée de 17 000 habitants, située à 70 km de Lyon, il est entré au Parti socialiste à l’âge de 22 ans. Bon élève, il fait ses études à l’Institut d’études politiques de Grenoble et obtient un DESS de développement local et management du territoire en apprentissage, avant de commencer sa carrière comme collaborateur parlementaire du sénateur Michel Teston, animateur du Mouvement des jeunes socialistes (MJS), premier secrétaire du PS, et président du conseil régional de l’Ardèche. Le secrétaire d’État, chargé de la Fonction publique, a fait ses armes au sein de l’appareil politico-administratif des collectivités territoriales. C’est un élu de terrain. En 2007, il devient député de l’Ardèche pour la première fois, à seulement 28 ans, ce qui fait de lui le benjamin de l’Assemblée nationale. Il est ensuite reconduit en 2012, puis en 2017 avec un score de 70,45 % et il est l’un des rares députés PS à être réélu face à une candidate LREM. « Dans cette majorité, je fais partie des dinosaures de la politique », plaisante-t-il.

L’une de ses plus grandes fiertés aura sans doute été de remporter, en 2008, la mairie d’Annonay, sa ville natale, dont il a réussi à réduire la dette par deux, et à laquelle il est viscéralement attaché : « Annonay c’est la commune où j’ai grandi, où vivent ma famille, mes amis. J’y retourne chaque fois que je peux. » Il y est d’ailleurs toujours domicilié et partage sa vie entre son logement de fonction à Bercy et son berceau ardéchois. C’est avec un pincement au cœur qu’il a dû quitter son fauteuil de maire, en 2017, ne pouvant pas cumuler ses fonctions avec son mandat de député.

Apprécié par Macron.

Très investi sur les questions territoriales, Olivier Dussopt a été secrétaire national aux territoires au PS en 2008, chargé de la présidence du Forum des territoires en 2012, président de l’APVM de 2014 à 2017, et rapporteur de la loi NOTRe sur la réforme territoriale. Un autre gros challenge. Il a par ailleurs intégré, à la demande du Premier ministre, une mission d’expertise portant sur la réforme du financement des collectivités locales et de la fiscalité locale, en octobre 2017. Si l’Élysée a sans doute vu en lui un moyen de renforcer son pilier gauche, c’est surtout sa connaissance des collectivités territoriales, son réseau et la reconnaissance dont il jouit au niveau local qui ont séduit. Un atout pour renouer le dialogue avec les élus locaux, échaudés par la baisse des dotations aux collectivités, la suppression progressive de la taxe d’habitation et la fin des emplois aidés. Apprécié par Emmanuel Macron et Édouard Philippe, il a également la confiance de Gérald Darmanin qui, très vite, lui a cédé la main sur l’épineux dossier fonction publique. Mais aussi sur d’autres chantiers : il travaille notamment sur le volet fonction publique de la réforme des retraites, « en termes préparatoires à ce stade », et accompagne le ministre de l’Action des comptes publics sur le projet de loi de finance. Quand il évoque sa relation avec son ministre de tutelle, Olivier Dussopt emploie les mots « binôme », « confiance » et même « complicité ». Peu connu des Français jusqu’à présent, cet homme aussi discret qu’ambitieux, qui avance sans faire de vagues et qui s’interdit d’être « dans la polémique et dans la critique personnelle de tel ou tel », pourrait ne pas rester bien longtemps dans l’ombre. D’autant que sa détermination à tenir les engagements du président de la République dans sa conduite de la réforme de la fonction publique lui a fait marquer de nouveaux points…

Auteur

  • Nathalie Tran