Le marché des données, nouveau fer de lance du capitalisme, est-il en passe de « pouvoir contrôler une économie entière » ? Dans ce livre limpide, Nick Srnicek, enseignant en économie numérique au King’s college de Londres, alerte sur les risques d’hégémonie des plateformes exploitant le big data, « qui se propagent dans tous les secteurs ». Son livre passe en revue leurs modèles économiques : publicitaires (Facebook), spécialisées dans les produits et services (Spotify, Airbnb), jusqu’aux clouds sophistiqués d’Amazon, loués aux entreprises. Plus intéressant : l’auteur explore les investissements méconnus dans « l’Internet industriel », chez Général Electric ou chez Siemens. « En faisant communiquer chaque processus de fabrication et d’assemblage entre eux sans être supervisé par des travailleurs, l’Internet industriel pourrait diminuer le coût de main-d’œuvre de 25 % », pointe l’économiste. Inquiétant, à terme, pour l’emploi, mais moins sur le plan économique, selon lui. Esquissant l’avenir de cette « guerre des plateformes », Nick Srnicek juge que le danger viendrait de la concentration des Gafam : il n’exclut pas « de voir converger leurs modèles », en se rachetant ou en nouant des alliances entre eux dans de futurs marchés. « Le capitalisme actuel des économies à revenu élevé et intermédiaire est graduellement dominé par ces entreprises, et la dynamique n’est pas près de s’inverser », prévient l’économiste. Instructif sur le nouveau « capitalisme numérique ».

Nick Srnicek, Éd. Lux, 162 pages, 14 euros.