Traduit dans une quinzaine de pays, et désormais en France, ce livre de l’économiste américain Branko Milanovic, connu pour le travail sur les inégalités qu’il a mené à la Banque mondiale, dresse un panorama exhaustif des pays gagnants comme des perdants de 25 ans de mondialisation. Célèbre pour « sa courbe de l’éléphant », illustrant les inégalités entre les plus pauvres et les 1 % les plus riches de la planète, l’économiste d’origine serbe utilise sa propre méthode (à grands renforts de schémas un peu fastidieux) pour éclairer les disparités de revenus sur le plan mondial, et par pays. Il constate l’irruption d’une classe populaire moyenne dans les pays émergents d’Asie, en Chine ou en Inde, et il pointe l’enrichissement galopant des 1 % les plus fortunés (qualifiés de « ploutocrates ») aux États-Unis. Milanovic confirme le déclin des classes moyennes des pays industrialisés européens, dont les salaires stagnent. Un phénomène qui devrait continuer, car ils sont coincés « entre les forces de l’automatisation et de la mondialisation ». Avec un œil politique aiguisé (le rôle des guerres est même analysé dans son livre), Branko Milanovic émet quelques pistes audacieuses pour réduire ces inégalités : plus de politique « réaliste » d’accueil des immigrés, « dissipation des rentes » des entreprises de la Silicon Valley, et même formation « des moins qualifiés » au numérique. Un ouvrage érudit et foisonnant, préfacé par Thomas Piketty.

Branko Milanovic. Éd. La découverte, 288 pages, 22 euros.